mardi 1 avril 2008

Le « problème des retraites » (4/40) : sondage Ifop


Les retraites sont de nouveau dans l’actualité. Ecopublix avait commencé à évoquer les questions démographiques à l’origine des déséquilibres financiers des systèmes de retraite. On avait, à cette occasion, rappelé les choix possibles pour atteindre cet équilibre : augmentation de l’âge de départ en retraite, baisse du niveau des pensions et hausse des cotisations. Un sondage Ifop a été réalisé pour connaître l’opinion des Français sur la façon de réformer le système de retraite. Que souhaitent donc les Français au regard des résultats de ce sondage ?

D’après ce sondage (réalisé auprès de 963 personnes représentatives), les Français sont 56% à être opposés à l’allongement de la durée de cotisation, 62% sont « défavorables à l’idée d’augmenter l’âge de départ en retraite au-delà de 60 ans », 75% sont contre augmenter les cotisations et 92% sont opposés à l’idée de baisser le niveau des retraites.

La première réaction à ce type de sondage pourrait être de dire que les Français ne comprennent rien au système de retraite. Tout au moins pourrait on dire qu’ils souhaitent le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière (1). C’est peut-être vrai pour une minorité de la population, mais je ne suis pas convaincu que ce soit le cas pour la majorité des Français.

Une deuxième réaction pourrait alors consister à dire que ce sont les sondeurs qui posent les mauvaises questions. Poser trois questions sous la forme : « Souhaitez vous travailler plus longtemps ? » ; « Souhaitez vous payer plus de cotisations retraite ? » et « Souhaitez vous voir votre retraite baisser ? » est idiot. Une personne parfaitement au fait des enjeux des équilibres financiers des systèmes de retraite pourrait répondre séparément à chacune de ces questions comme la majorité des Français : oui tout le monde souhaite gagner plus et travailler moins. La question intéressante est celle de l’arbitrage entre les possibles. Il n’est pas possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Des deux que préférez vous ? Et plus précisément combien de beurre et à quel prix ?

La troisième réaction est de dire que ce sont les journalistes qui devraient se faire tirer les oreilles. L’article du Nouvel Obs titre en effet « 56% des Français contre un allongement de la durée de cotisation ». Si l’on compare ce chiffre au refus presque unanime d’une baisse des pensions (92%) et à l’opposition largement majoritaire de la hausse des cotisations (75%), on ne peut s’empêcher de dire qu’entre ces trois potions amères, le retard du départ en retraite est celle qui suscite la moindre opposition. Le titre de l’article, au contraire, donne l’impression que c’est la voie que les Français rejètent le plus.

Au final si l’on peut être passablement agacé par ce genre de sondage imbécile et son exploitation journalistique, il est difficile de ne pas être aussi inquiet sur le degré de compréhension générale de ce qu’est un équilibre budgétaire. Ce n’est pas tant la faute des Français (qui naturellement ne passent pas leur journée à réfléchir au système de retraite) que le manque patent de pédagogie de nos institutions économiques : qui sait combien il paie chaque mois de cotisations retraite ? qui voit le lien avec les pensions qu’il touchera lorsqu’il cessera son activité ? La vulgarisation économique ne devrait pas s’arrêter à quelques blogs d’économie, mais être visible sur les feuilles de paie, sur les estimations de pensions etc. La mauvaise compréhension de notre système de retraite est sûrement d’abord imputable à son illisibilité. Et c’est bien dommage.

(1) C’est comme pour toutes les politiques publiques : tout le monde est contre l’augmentation des impôts, mais tout le monde est pour plus de dépenses publiques.
_Antoine_

7 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai un ami qui travaille sur les enquêtes en préférences déclarées avec des méthodes d'estimation en choix discret, pour par exemple discuter un investissement dans une infrastructure de transport collectif (ticket vs impôt vs qualité du tram). Est ce que vous avez une référence de quelqu'un qui a fait le même type de travail en préférences déclarées pour les retraites ?
Merci

Anonyme a dit…

Si je suis bien d'accord avec vos 3 premières réactions, je trouve votre dernier paragraphe un peu sévère.

En effet, ce qu'on paie pour la retraite est indiqué sur le bulletin de salaire. Et l'intitulé est relativement clair en ce qui concerne le régime général ('assurance vieillesse'). C'est vrai que pour la retraite complémentaire, c'est un peu compliqué: AGFF m'était un sigle assez obscur jusqu'il y a peu.
D'autre part, le régime général prévoit de renseigner les cotisants sur leur droits à intervalles réguliers. C'est pas vieux, ça n'a donc probablement pas eu d'effets notables, mais au moins ça a le mérite d'exister. Pour les retraites complémentaires, je crois qu'ils envoient un relevé de points annuel... C'est que tout ça ne donne une idée de la retraite qu'on aurait si on la prenait tout de suite (et non plus tard), mais c'est déjà un gros progrès par rapport à avant, non?

Antoine a dit…

@William: je ne connais pas de travail similaire sur les retraites,... mais j'aimerais bien.

@Proteos: vous avez raison de dire que d'enormes efforts ont ete fait recemment (et j'aurais du le souligner) mais je reste dubitatif sur l'existence d'une seule personne en France qui puisse me donner un ordre de grandeur des cotisations retraite qu'elle paie chaque mois (part salariale et patronale, regime general et complementaire, Agirc, Arrco, Agff, selon la tranche...). Sur le lien entre les cotisations et le niveau de la pension, il me semble qu'il est extremement difficile d'avoir une idee si ses cotisations actuelles sont valorisées ou non comme droits a la retraite ou pas.
Si vous ajoutez le cas des fonctionnaires pour lesquels leurs contributions ne sont pas du tout explicites sur leur feuille de salaire ou le cas des "polypensionnés" (plusieurs regimes car plusieurs emplois avec des affiliations differentes), je crois pouvoir dire sans craintes qu'une large majorité de salariés n'a pas les moyens de comprendre le financement de l'assurance vieillesse et se retrouve ainsi deroutée par la complexité du systeme.

Unknown a dit…

Bonjour, et bravo pour vos articles.

Plutôt que de parler d'âge de la retraite, on pourrait peut-être commencer par s'occuper de l'emploi des quincas, non ?
Nombreux sont les plus de 55 ans qui ne travaillent plus, et je peux témoigner de la galère qu'est la recherche de travail à 50 ans (voire un peu moins)...

Antoine a dit…

@Ursa: merci pour vos encouragements. Ils nous font toujours tres plaisir.

Sur l'emploi des seniors, vous avez plus que raison d'en souligner l'importance. La France a un des plus faible taux d'emploi des plus de 50 ans de tous les pays developpés et il faudrait que nous consacrions plusieurs articles à cette question capitale.

Anonyme a dit…

Dommage de ne pas évoquer le rôle de l'immigration et donc du nombre de cotisants dans l'équilibre et les possibilités de l'actuel système de retraites.

Car oui, on pourrait avoir le beurre, l'argent du beurre et la crémière.

Anonyme a dit…

"qui voit le lien avec les pensions qu’il touchera lorsqu’il cessera son activité ?"

Ben je crois être raisonnablement au fait de la question (surtout dans son aspect me consernant spécifiquement, celui du statut général des fonctionnaires de l'État).

Le régime fonctionne par répartition, donc il n'y a PAS de lien entre les cotisations que je verse, qui sont destinées à payer les retraites de ma mère ou de ma tante, et les prestations que je recevrai peut-être dans quelques lustres (en négligeant le nouveau truc récent imputé sur les primes). Ce que je toucherai dépendra de la volonté du Peuple Français en 2025 et non de ce que j'aurai versé (et vieillissant comme il est et sera encore plus à ce moment le Peuple Français, je suppose qu'il aura à coeur de me payer une bonne pension, dût-il pour cela foutre le pays définitivement en l'air).

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