Des émeutes anti Belges et Italiens de la France de la fin du XIXe siècle aux récentes violences xénophobes sud africaines, les questions de l’immigration et de la xénophobie sont souvent liées à la peur de perdre son emploi : l’arrivée d’une main d’oeuvre immigrée sur le marché ne travail ne va-t-elle pas mettre les locaux au chômage ou bien pousser les salaires vers le bas ? Les économistes se sont donc tout naturellement intéressés à cette question typiquement économique (blogs éco y compris). Et c’est pour Ecopublix l’occasion d’ouvrir une nouvelle saga. Pour commencer, nous vous proposons comme mise en bouche une perspective statistique de l’évolution des migrations au cours du siècle passé, graphiques à l'appui.
A partir des années 1960, la question des migrations a pris de plus en plus d’importance : avec la « globalisation », la mobilité internationale des biens et des personnes a atteint des sommets. C’est du moins la perception qu’en ont les pays développés, car si la population d’immigrés dans le monde est passée de 75 millions en 1965 à près de 191 millions en 2005 selon les chiffres de l’ONU, ces chiffres doivent être mis en rapport avec l’augmentation de la population mondiale. En termes relatifs en effet, la part des immigrés représente 2,5% de la population mondiale en 1960 contre 3% en 2005. Cette augmentation est donc loin d’être aussi massive que ce que l’on a généralement en tête, et ce, d’autant plus que, pour l’essentiel, cette augmentation est due à l’éclatement de l’URSS, qui a transformé tout à coup des migrants internes en migrants internationaux (puisque un Russe voyageant dans un pays de l’URSS est devenu du jour au lendemain un migrant international). Jusqu’à l’éclatement de l’URSS en effet, la part des immigrés était plutôt sur le déclin avec 2,2% de la population mondiale en 1970 et 1980. Surtout, jeter un œil sur l’évolution des migrations sur une période plus longue permet de souligner la faiblesse de ces chiffres : la part de la population immigrée est estimée à 10% de la population mondiale en 1913, soit une proportion d’immigrés dans le monde plus de 3 fois plus importante que celle que nous connaissons aujourd’hui.
Comment alors expliquer l’importance que revêt l’immigration dans le débat politique, dans les pays développés notamment ? Hatton et Williamson mettent en avant deux explications. La première est que si le stock de migrants est faible par rapport à celui du début du XXe siècle, sa répartition dans l’espace s’est profondément modifiée, les pays riches ayant connu une augmentation de la part de migrants dans leur population, celle-ci passant de 3,1% en 1965 à 4,5% en 1990. Plus encore, si l’on ne s’intéresse qu’à l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et l’Australie, ce taux passe de 4,9% à 7,6%. On constate ainsi sur le graphe qu’à partir de 1995, le nombre de migrants dans les pays développés hors ex-URSS dépasse pour la première fois le nombre de migrants dans les régions peu développées. On comprend dès lors que si, en moyenne, la part des migrants a largement baissé au cours du XXe siècle, et est restée stable au cours de la seconde moitié de ce siècle, les destinations des migrations ont par contre beaucoup changé, pour se diriger vers un groupe de pays bien plus restreint qu’auparavant, pays pour lesquels l’immigration devient une question importante.
Une seconde explication que ces auteurs avancent quant au décalage entre la perception de l’importance de l’immigration et l’immigration effective est celle de la pression à la migration. En effet, une des différences majeures avec les migrations massives du XIXe siècle est qu’aujourd’hui, les migrants font face à tout un arsenal législatif visant à les décourager. Ainsi, si les niveaux de migration sont relativement faibles, les candidats à la migration vers les pays développés sont eux de plus en plus nombreux, ainsi que l’illustre le développement de l’immigration clandestine : selon Hatton et Williamson, près de 300 000 immigrants clandestins entrent chaque année aux Etats-Unis, et entre 400 000 et 500 000 passent les frontières des pays de l’Europe de l’Ouest (de 10 à 15% du stock de migrants des pays de l’OCDE serait constitué d’immigrés clandestins). Ce n’est donc peut être pas tant les migrations en elles-mêmes qui font tant parler, que les pressions à la migration : si le stock de migrants est aujourd’hui bien inférieur à celui qu’il était il y a un siècle de cela, c’est avant tout du à la mise en place de barrières aux migrations, et non pas à une diminution du nombre de candidats à la migration.
Les migrations internationales sont donc passées en l'espace d'un siècle d'une situation de liberté quasi totale à une réglementation très stricte. Causes de bien des fantasmes, elles sont devenues de véritables sujets de politique publique, dont nous aborderons dans de prochains posts les tenants et aboutissants.
A partir des années 1960, la question des migrations a pris de plus en plus d’importance : avec la « globalisation », la mobilité internationale des biens et des personnes a atteint des sommets. C’est du moins la perception qu’en ont les pays développés, car si la population d’immigrés dans le monde est passée de 75 millions en 1965 à près de 191 millions en 2005 selon les chiffres de l’ONU, ces chiffres doivent être mis en rapport avec l’augmentation de la population mondiale. En termes relatifs en effet, la part des immigrés représente 2,5% de la population mondiale en 1960 contre 3% en 2005. Cette augmentation est donc loin d’être aussi massive que ce que l’on a généralement en tête, et ce, d’autant plus que, pour l’essentiel, cette augmentation est due à l’éclatement de l’URSS, qui a transformé tout à coup des migrants internes en migrants internationaux (puisque un Russe voyageant dans un pays de l’URSS est devenu du jour au lendemain un migrant international). Jusqu’à l’éclatement de l’URSS en effet, la part des immigrés était plutôt sur le déclin avec 2,2% de la population mondiale en 1970 et 1980. Surtout, jeter un œil sur l’évolution des migrations sur une période plus longue permet de souligner la faiblesse de ces chiffres : la part de la population immigrée est estimée à 10% de la population mondiale en 1913, soit une proportion d’immigrés dans le monde plus de 3 fois plus importante que celle que nous connaissons aujourd’hui.
Comment alors expliquer l’importance que revêt l’immigration dans le débat politique, dans les pays développés notamment ? Hatton et Williamson mettent en avant deux explications. La première est que si le stock de migrants est faible par rapport à celui du début du XXe siècle, sa répartition dans l’espace s’est profondément modifiée, les pays riches ayant connu une augmentation de la part de migrants dans leur population, celle-ci passant de 3,1% en 1965 à 4,5% en 1990. Plus encore, si l’on ne s’intéresse qu’à l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et l’Australie, ce taux passe de 4,9% à 7,6%. On constate ainsi sur le graphe qu’à partir de 1995, le nombre de migrants dans les pays développés hors ex-URSS dépasse pour la première fois le nombre de migrants dans les régions peu développées. On comprend dès lors que si, en moyenne, la part des migrants a largement baissé au cours du XXe siècle, et est restée stable au cours de la seconde moitié de ce siècle, les destinations des migrations ont par contre beaucoup changé, pour se diriger vers un groupe de pays bien plus restreint qu’auparavant, pays pour lesquels l’immigration devient une question importante.
Une seconde explication que ces auteurs avancent quant au décalage entre la perception de l’importance de l’immigration et l’immigration effective est celle de la pression à la migration. En effet, une des différences majeures avec les migrations massives du XIXe siècle est qu’aujourd’hui, les migrants font face à tout un arsenal législatif visant à les décourager. Ainsi, si les niveaux de migration sont relativement faibles, les candidats à la migration vers les pays développés sont eux de plus en plus nombreux, ainsi que l’illustre le développement de l’immigration clandestine : selon Hatton et Williamson, près de 300 000 immigrants clandestins entrent chaque année aux Etats-Unis, et entre 400 000 et 500 000 passent les frontières des pays de l’Europe de l’Ouest (de 10 à 15% du stock de migrants des pays de l’OCDE serait constitué d’immigrés clandestins). Ce n’est donc peut être pas tant les migrations en elles-mêmes qui font tant parler, que les pressions à la migration : si le stock de migrants est aujourd’hui bien inférieur à celui qu’il était il y a un siècle de cela, c’est avant tout du à la mise en place de barrières aux migrations, et non pas à une diminution du nombre de candidats à la migration.
Les migrations internationales sont donc passées en l'espace d'un siècle d'une situation de liberté quasi totale à une réglementation très stricte. Causes de bien des fantasmes, elles sont devenues de véritables sujets de politique publique, dont nous aborderons dans de prochains posts les tenants et aboutissants.