Au soir du premier tour des municipales, Jean-François Copé préparait la campagne du second tour de son parti en accusant le parti socialiste de préparer une TVA locale, c'est-à-dire de prévoir d’augmenter les impôts locaux. Il prenait l’exemple des régions presque toutes passées à gauche en 2003 et la hausse des impôts locaux qui s'en est suivie. S’il est vrai que les impôts locaux ont fortement augmenté ces dernières années, plusieurs raisons pourrait potentiellement expliquer ce phénomène : la couleur politique des collectivités, les transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales ou encore le développement de l’intercommunalité. Laquelle de ces explications est la plus convaincante ?
I/ Principes de la fiscalité directe locale
La décentralisation en France repose sur de multiples échelons administratifs. Il existe des niveaux obligatoires : l'Etat, la région, le département et la commune, et un niveau optionnel, intermédiaire entre la commune et le département.
Ce niveau intercommunal peut prendre différentes formes juridiques d'EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale). La loi de 1999 en prévoit trois sortes : les communautés de communes, les communautés d'agglomérations et les communatués urbaines, les deux dernières étant définies en fonction de leur taille (50 000 habitants avec une ville de plus de 15 000 habitants pour les communautés d'agglomérations et plus de 500 000 habitants pour les communautés urbaines). Ces EPCI ont a leur charge l'aménagement du territoire, le développement économique, l'environnement, le cadre de vie ainsi que les équipements culturels et sportifs. De plus, les communautés d'agglomérations et les communautés urbaines doivent s'occuper de la politique de la ville, de l'équilibre social du logement ainsi que de l'assainissement des eaux. les communautés urbaines sont par ailleurs chargées de l'urbanisme, du logement, des transports, des zones d'activités et du développement culturel et social. Enfin, les communautés d'agglomérations et les communautés urbaines peuvent s'occuper de l'aide sociale.
La fiscalité locale comprend quatre impôts directs locaux : la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier bâti ou non bâti et la taxe professionnelle. Pour chacune de ces taxes, une base est calculée par les services centraux. Cette base reflète peu ou prou la valeur de l'immobilier pour les taxes d'habitation et foncières, et le capital fixe investi pour la taxe professionnelle. Ensuite, chaque échelon local peut librement (sous certaines contraintes) fixer un taux pour chacune des taxes. Les taxes sont ensuite prélevées au niveau national en multipliant la base par la somme des taux des différents échelons et le produit de ces taxes est reversé à chaque échelon à proportion de la part qui lui est due.
Si on considère, au niveau global, la somme de toutes ces taxes locales, on observe que les recettes fiscales ont effectivement augmenté fortement depuis 2003, comme on peut le constater sur le graphique suivant :
Mais ce graphique permet aussi de voir que replacée dans une perspective de long terme, cette incontestable augmentation n'apparaît pas aussi « phénomènale» que le clamèrent en 2005 les membres de la commission d'enquête sur l'évolution de la fisaclité locale. D'une certaine manière, cette augmentation ne fait que poursuivre la tendance observée depuis une vingtaine d'année, après une parenthèse baissière de 4 ans (1998-2002).
Quelles sont les raisons de cette augmentation tendancielle des impôts locaux en général et de l'augmentation intervenue depuis 2003 en particulier ? Trois explications peuvent être avancées. La première renvoie aux préférences politiques des élus locaux ; la deuxième au transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales (et notamment les EPCI, du fait de l'ampleur des prérogatives qui leur ont été dévolues) qui a nécessité un surplus de recettes locales parce qu'insuffisamment compensés ; enfin, le développement de l'intercommunalité pourrait expliquer directement la hausse des taxes directes locales.
II/ La couleur politique ?
En ce qui concerne l'explication partisane, il est évident que l’exemple avancé par Jean-François Copé n'a aucune pertinence du point de vue statistique. Etant donné que toutes les régions (sauf une qui possède bon nombre de particularités législatives et historiques) sont passées à gauche en 2004, il est difficile d’assurer que des régions restées à droite n’auraient pas augmenté leurs taux également. Par ailleurs, le graphique précédent permet de constater que le retournement de tendance date de 2003, c'est-à-dire un an avant les élections régionales de 2004, alors que droite et gauche se partageaient à peu près équitablement la présidence des conseils régionaux. Enfin, dans le détail, ce ne sont pas les taux régionaux qui ont le plus augmenté, mais plutôt les taux des échelons locaux inférieurs.
La question de l'influence de la couleur politique sur les variations de la fiscalité locale (à la hausse ou à la baisse) reste néanmoins posée. A ce sujet, les études empiriques indiquent que la composante partisane des impôts locaux est faible et rarement significative du point de vue statistique. Cette étude de deux chercheurs néerlandais conclut à l'absence d'impact significatif de la couleur politique sur le niveau des taux des taxes locales. Dans les études similaires menées en France, la couleur politique s'est révélée avoir une influence, mais très secondaire, et uniquement en ce qui concerne la taxe professionnelle (qui ne porte pas sur les ménages).
III/ Le rôle des transferts de compétences ?
D'importants transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales ont eu lieu avec la seconde vague de décentralisation amorcée en 2002. En principe, ces transferts devaient s'accompagner d'une juste compensation financière de l'Etat, sous la forme d'une augmentation des dotations aux collectivités. Ces transferts de compétences pourraient expliquer l'augmentation des impôts locaux si la compensation n'a pas été totale. C'est en tout cas l'explication la plus souvent adressée par les élus socialistes pour répondre aux critiques de la droite.
Disons-le d'emblée : cette question est difficile à trancher, principalement en raison de la difficulté à obtenir des données fiables sur l'évolution comparée des compensations financières accordées par l'Etat aux collectivités locales et des charges financières que ces compensations sont censées couvrir.
On se contentera donc de quelques éléments descriptifs. La première question qui se pose est évidemment de savoir dans quelle mesure ces transferts de compétences peuvent être détectés dans les comptes des collectivités locales. Le graphique suivant indique l'évolution des dépenses de l'Etat et des collectivités locales depuis le début des années 1980:
Il apparaît clairement que les dépenses des collectivités, en proportion du PIB, ont beaucoup augmenté depuis les premières lois de décentralisation votées au début des années 1980 avec une forte accélération depuis le lancement de l'acte II de la décentralisation en 2002. Les dépenses de l'Etat ont quant à elles évolué de manière plus cyclique, sous l'effet de la conjoncture économique et des alternances politiques. On notera au passage que les phases d'augmentation/diminution des dépenses de l'Etat ne sont pas associées à une couleur politique donnée : les dépenses ont fortement augmenté sous la gauche au début du premier septennat de François Mitterrand (1981-1986) avant de diminuer sous la droite lors de la première cohabitation (1986-1988) ; après 1997, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit, les dépenses ayant fortement diminué sous le gouvernement Jospin avant de repartir légèrement à la hausse sous les gouvernements Raffarin et Villepin (hors année 2006).
Si cette comparaison nous permet de constater qu'il y a bien eu transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales, elle ne permet pas de conclure quant au degré de compensation par l'état du coût financier associé à ces transferts.
Une manière, certes très indirecte mais néanmoins instructive, d'examiner cette question est de comparer l'évolution des recettes de l'Etat à celle des recettes fiscales des collectivités territoriales depuis le début des années 1980 :
Même s'il existe un certain décalage dans le temps (de l'ordre de deux années), les évolutions de ces deux courbes paraissent assez nettement opposées : autrement dit, lorsque les recettes de l'Etat ont diminué, les collectivités locales ont accru leurs recettes fiscales (1980-1997) ; inversement, elles ont plutôt eu tendance à les diminuer lorsque les recettes de l'Etat étaient en augmentattaion (1997-2002). Ce graphique pourrait donc accréditer l'idée selon laquelle l'Etat se serait « défaussé » sur les colelctivités locales lorsque ses recettes diminuaient en ne compensant pas intégralement les transferts de compétences, obligeant ces dernières à relever la fiscalité locale. Dans cette perspective, l'augmentation de la fiscalité depuis 2002 serait une conséquence de la diminution des recettes de l'Etat depuis 2000 qui aurait fait « payer » une partie du déficit public aux collectivités dans ce qui ressemblerait à un jeu non coopératif.
Cette explication, si elle n'est pas incompatible avec les tendances observées, ne peut cependant être réellement validée qu'à partir d'une analyse fine de l'évolution comparée des charges transférées aux collectivités et des compensations financières accordées par l'Etat, un travail qui nécessiterait l'utilisation de données auxquelles il est difficile d'accéder aujourd'hui. Il faudrait également pouvoir évaluer l'impact spécifique de certains transferts de charges, tels que la dévolution de la compétence sur le RMI aux départements en 2003, pour lesquels les collectivités locales pourraient ne pas avoir été suffisamment compensées.
IV/ Le développement de l'intercommunalité ?
Pour expliquer l'évolution récente de la fiscalité locales, on peut invoquer une troisième hypothèse : l'augmentation des taux des taxes pourrait être lié au développement de l'intercommunalité. Deux séries d'arguments peuvent alors être avancées pour expliquer que l'intercommunalité ait pu favorisé une augmentation des impôts locaux.
Une première explication renvoie au fait que la création des EPCI, qui s'est traduit par la création d'un nouveau taux de taxe, a pu alourdir la fiscalité globale si les autres échelons locaux n'ont pas diminué leur propres taux alors même que l'intercommunalité prenait à sa charge une partie des dépenses qui leur incombaient auparavant. Bien que séduisante, cette hypothèse ne tient pas entièrement la route, car elle n'est pas vraiment compatible avec ce qu'on a pu observer au sujet des EPCI qui ont choisi d'adopter le régime de la taxe professionnelle unique. Ce régime consiste pour des communes à intégrer totalement la fiscalité locale des entreprises au niveau de l'échelon intercommunal. Dans les communes participant à des EPCI qui ont opté pour la taxe professionnelle unique, il n'existe qu'un seul taux de taxe professionnelle. Or, on constate que ce taux est bien plus important que n'était la somme des taux des différents échelons avant la création de l’EPCI. Le mécanisme évoqué précédemment ne peut donc invoqué dans ce cas.
Reste une autre explication de l'impact de l'intercommunalité sur l'augmentation des impôts locaux : la concurrence fiscale entre communes. Les communes sont en effet en compétition les unes avec les autres pour attirer des habitants et des entreprises. La logique du moins-disant fiscal aboutit à réduire les taux de taxe à des niveaux inférieurs à ceux qui prévaudraient l'absence de concurrence fiscale. le développement de l'intercommunalité permet de sortir en partie de ce piège, en favorisant la coopération entre les communes membres d'un même EPCI, ce qui peut conduire à augmenter les taux d'imposition locaux.
Conclusion
Au total, si la hausse de la fiscalité locale est bien réelle, elle ne constitue pas un phénomène nouveau (elle s'apparenterait plutôt à une tendance de long terme) et ne semble pas pouvoir être imputée à la couleur politique des élus locaux. Il s'agit bien plutôt d'une conséquence de la dynamique de décentralisation engagée depuis plus de deux décennies et qui a été accéléré avec le développement de l'intercommunalité.
La question qui se pose alors est de savoir quel est l'échelon optimal de décision pour la fiscalité locale. L'échelon communal est sans doute trop décentralisé car bien que les communes soient sans doute les mieux placées pour répondre aux besoins spécifiques de leurs administrés, elles ont tendance à se livrer une concurrence fisacle qui appauvrit leurs ressources financières. En ce sens, le développement de l'intercommunalité constitue sans doute un pas dans la bonne direction, dans la mesure où il permet de limiter la concurrence fiscale locale pour mieux péréniser les ressources des collectivités. Cependant, cette évolution n'est pas sans créer de nouvelles difficultés : quid de la répartition des pouvoirs au sein du conseil intercommunal ? quid de la redistribution des ressources entres communes ? Autant de questions qui pourront faire l'objet de prochains posts...
I/ Principes de la fiscalité directe locale
La décentralisation en France repose sur de multiples échelons administratifs. Il existe des niveaux obligatoires : l'Etat, la région, le département et la commune, et un niveau optionnel, intermédiaire entre la commune et le département.
Ce niveau intercommunal peut prendre différentes formes juridiques d'EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale). La loi de 1999 en prévoit trois sortes : les communautés de communes, les communautés d'agglomérations et les communatués urbaines, les deux dernières étant définies en fonction de leur taille (50 000 habitants avec une ville de plus de 15 000 habitants pour les communautés d'agglomérations et plus de 500 000 habitants pour les communautés urbaines). Ces EPCI ont a leur charge l'aménagement du territoire, le développement économique, l'environnement, le cadre de vie ainsi que les équipements culturels et sportifs. De plus, les communautés d'agglomérations et les communautés urbaines doivent s'occuper de la politique de la ville, de l'équilibre social du logement ainsi que de l'assainissement des eaux. les communautés urbaines sont par ailleurs chargées de l'urbanisme, du logement, des transports, des zones d'activités et du développement culturel et social. Enfin, les communautés d'agglomérations et les communautés urbaines peuvent s'occuper de l'aide sociale.
La fiscalité locale comprend quatre impôts directs locaux : la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier bâti ou non bâti et la taxe professionnelle. Pour chacune de ces taxes, une base est calculée par les services centraux. Cette base reflète peu ou prou la valeur de l'immobilier pour les taxes d'habitation et foncières, et le capital fixe investi pour la taxe professionnelle. Ensuite, chaque échelon local peut librement (sous certaines contraintes) fixer un taux pour chacune des taxes. Les taxes sont ensuite prélevées au niveau national en multipliant la base par la somme des taux des différents échelons et le produit de ces taxes est reversé à chaque échelon à proportion de la part qui lui est due.
Si on considère, au niveau global, la somme de toutes ces taxes locales, on observe que les recettes fiscales ont effectivement augmenté fortement depuis 2003, comme on peut le constater sur le graphique suivant :
Mais ce graphique permet aussi de voir que replacée dans une perspective de long terme, cette incontestable augmentation n'apparaît pas aussi « phénomènale» que le clamèrent en 2005 les membres de la commission d'enquête sur l'évolution de la fisaclité locale. D'une certaine manière, cette augmentation ne fait que poursuivre la tendance observée depuis une vingtaine d'année, après une parenthèse baissière de 4 ans (1998-2002).
Quelles sont les raisons de cette augmentation tendancielle des impôts locaux en général et de l'augmentation intervenue depuis 2003 en particulier ? Trois explications peuvent être avancées. La première renvoie aux préférences politiques des élus locaux ; la deuxième au transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales (et notamment les EPCI, du fait de l'ampleur des prérogatives qui leur ont été dévolues) qui a nécessité un surplus de recettes locales parce qu'insuffisamment compensés ; enfin, le développement de l'intercommunalité pourrait expliquer directement la hausse des taxes directes locales.
II/ La couleur politique ?
En ce qui concerne l'explication partisane, il est évident que l’exemple avancé par Jean-François Copé n'a aucune pertinence du point de vue statistique. Etant donné que toutes les régions (sauf une qui possède bon nombre de particularités législatives et historiques) sont passées à gauche en 2004, il est difficile d’assurer que des régions restées à droite n’auraient pas augmenté leurs taux également. Par ailleurs, le graphique précédent permet de constater que le retournement de tendance date de 2003, c'est-à-dire un an avant les élections régionales de 2004, alors que droite et gauche se partageaient à peu près équitablement la présidence des conseils régionaux. Enfin, dans le détail, ce ne sont pas les taux régionaux qui ont le plus augmenté, mais plutôt les taux des échelons locaux inférieurs.
La question de l'influence de la couleur politique sur les variations de la fiscalité locale (à la hausse ou à la baisse) reste néanmoins posée. A ce sujet, les études empiriques indiquent que la composante partisane des impôts locaux est faible et rarement significative du point de vue statistique. Cette étude de deux chercheurs néerlandais conclut à l'absence d'impact significatif de la couleur politique sur le niveau des taux des taxes locales. Dans les études similaires menées en France, la couleur politique s'est révélée avoir une influence, mais très secondaire, et uniquement en ce qui concerne la taxe professionnelle (qui ne porte pas sur les ménages).
III/ Le rôle des transferts de compétences ?
D'importants transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales ont eu lieu avec la seconde vague de décentralisation amorcée en 2002. En principe, ces transferts devaient s'accompagner d'une juste compensation financière de l'Etat, sous la forme d'une augmentation des dotations aux collectivités. Ces transferts de compétences pourraient expliquer l'augmentation des impôts locaux si la compensation n'a pas été totale. C'est en tout cas l'explication la plus souvent adressée par les élus socialistes pour répondre aux critiques de la droite.
Disons-le d'emblée : cette question est difficile à trancher, principalement en raison de la difficulté à obtenir des données fiables sur l'évolution comparée des compensations financières accordées par l'Etat aux collectivités locales et des charges financières que ces compensations sont censées couvrir.
On se contentera donc de quelques éléments descriptifs. La première question qui se pose est évidemment de savoir dans quelle mesure ces transferts de compétences peuvent être détectés dans les comptes des collectivités locales. Le graphique suivant indique l'évolution des dépenses de l'Etat et des collectivités locales depuis le début des années 1980:
Il apparaît clairement que les dépenses des collectivités, en proportion du PIB, ont beaucoup augmenté depuis les premières lois de décentralisation votées au début des années 1980 avec une forte accélération depuis le lancement de l'acte II de la décentralisation en 2002. Les dépenses de l'Etat ont quant à elles évolué de manière plus cyclique, sous l'effet de la conjoncture économique et des alternances politiques. On notera au passage que les phases d'augmentation/diminution des dépenses de l'Etat ne sont pas associées à une couleur politique donnée : les dépenses ont fortement augmenté sous la gauche au début du premier septennat de François Mitterrand (1981-1986) avant de diminuer sous la droite lors de la première cohabitation (1986-1988) ; après 1997, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit, les dépenses ayant fortement diminué sous le gouvernement Jospin avant de repartir légèrement à la hausse sous les gouvernements Raffarin et Villepin (hors année 2006).
Si cette comparaison nous permet de constater qu'il y a bien eu transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales, elle ne permet pas de conclure quant au degré de compensation par l'état du coût financier associé à ces transferts.
Une manière, certes très indirecte mais néanmoins instructive, d'examiner cette question est de comparer l'évolution des recettes de l'Etat à celle des recettes fiscales des collectivités territoriales depuis le début des années 1980 :
Même s'il existe un certain décalage dans le temps (de l'ordre de deux années), les évolutions de ces deux courbes paraissent assez nettement opposées : autrement dit, lorsque les recettes de l'Etat ont diminué, les collectivités locales ont accru leurs recettes fiscales (1980-1997) ; inversement, elles ont plutôt eu tendance à les diminuer lorsque les recettes de l'Etat étaient en augmentattaion (1997-2002). Ce graphique pourrait donc accréditer l'idée selon laquelle l'Etat se serait « défaussé » sur les colelctivités locales lorsque ses recettes diminuaient en ne compensant pas intégralement les transferts de compétences, obligeant ces dernières à relever la fiscalité locale. Dans cette perspective, l'augmentation de la fiscalité depuis 2002 serait une conséquence de la diminution des recettes de l'Etat depuis 2000 qui aurait fait « payer » une partie du déficit public aux collectivités dans ce qui ressemblerait à un jeu non coopératif.
Cette explication, si elle n'est pas incompatible avec les tendances observées, ne peut cependant être réellement validée qu'à partir d'une analyse fine de l'évolution comparée des charges transférées aux collectivités et des compensations financières accordées par l'Etat, un travail qui nécessiterait l'utilisation de données auxquelles il est difficile d'accéder aujourd'hui. Il faudrait également pouvoir évaluer l'impact spécifique de certains transferts de charges, tels que la dévolution de la compétence sur le RMI aux départements en 2003, pour lesquels les collectivités locales pourraient ne pas avoir été suffisamment compensées.
IV/ Le développement de l'intercommunalité ?
Pour expliquer l'évolution récente de la fiscalité locales, on peut invoquer une troisième hypothèse : l'augmentation des taux des taxes pourrait être lié au développement de l'intercommunalité. Deux séries d'arguments peuvent alors être avancées pour expliquer que l'intercommunalité ait pu favorisé une augmentation des impôts locaux.
Une première explication renvoie au fait que la création des EPCI, qui s'est traduit par la création d'un nouveau taux de taxe, a pu alourdir la fiscalité globale si les autres échelons locaux n'ont pas diminué leur propres taux alors même que l'intercommunalité prenait à sa charge une partie des dépenses qui leur incombaient auparavant. Bien que séduisante, cette hypothèse ne tient pas entièrement la route, car elle n'est pas vraiment compatible avec ce qu'on a pu observer au sujet des EPCI qui ont choisi d'adopter le régime de la taxe professionnelle unique. Ce régime consiste pour des communes à intégrer totalement la fiscalité locale des entreprises au niveau de l'échelon intercommunal. Dans les communes participant à des EPCI qui ont opté pour la taxe professionnelle unique, il n'existe qu'un seul taux de taxe professionnelle. Or, on constate que ce taux est bien plus important que n'était la somme des taux des différents échelons avant la création de l’EPCI. Le mécanisme évoqué précédemment ne peut donc invoqué dans ce cas.
Reste une autre explication de l'impact de l'intercommunalité sur l'augmentation des impôts locaux : la concurrence fiscale entre communes. Les communes sont en effet en compétition les unes avec les autres pour attirer des habitants et des entreprises. La logique du moins-disant fiscal aboutit à réduire les taux de taxe à des niveaux inférieurs à ceux qui prévaudraient l'absence de concurrence fiscale. le développement de l'intercommunalité permet de sortir en partie de ce piège, en favorisant la coopération entre les communes membres d'un même EPCI, ce qui peut conduire à augmenter les taux d'imposition locaux.
Conclusion
Au total, si la hausse de la fiscalité locale est bien réelle, elle ne constitue pas un phénomène nouveau (elle s'apparenterait plutôt à une tendance de long terme) et ne semble pas pouvoir être imputée à la couleur politique des élus locaux. Il s'agit bien plutôt d'une conséquence de la dynamique de décentralisation engagée depuis plus de deux décennies et qui a été accéléré avec le développement de l'intercommunalité.
La question qui se pose alors est de savoir quel est l'échelon optimal de décision pour la fiscalité locale. L'échelon communal est sans doute trop décentralisé car bien que les communes soient sans doute les mieux placées pour répondre aux besoins spécifiques de leurs administrés, elles ont tendance à se livrer une concurrence fisacle qui appauvrit leurs ressources financières. En ce sens, le développement de l'intercommunalité constitue sans doute un pas dans la bonne direction, dans la mesure où il permet de limiter la concurrence fiscale locale pour mieux péréniser les ressources des collectivités. Cependant, cette évolution n'est pas sans créer de nouvelles difficultés : quid de la répartition des pouvoirs au sein du conseil intercommunal ? quid de la redistribution des ressources entres communes ? Autant de questions qui pourront faire l'objet de prochains posts...
1 commentaires:
Vous partez de l'hypothèse que le fait que les communes aient de confortables ressources financières est une chose bonne en elle même, et donc que toute concurrence fiscale est mauvaise en elle même.
Or ceci est contestable : Pourquoi les gens ne pourraient-ils pas chercher le moins disant fiscal comme ils cherchent le meilleur rapport qualité / prix pour un produit ordinaire ? Après tout, les collectivités sont des producteurs de biens publics. La recherche de l'efficacité en ce domaine est légitime.
De plus, si on se réfère aux travaux de "l'école des choix publics" (J.Buchanan, G.Tullock), le mécanisme démocratique conduit à des pratiques de log-rolling entre élus (je vote tes dépenses si tu votes les miennes), ce qui pousse les dépenses publiques au delà de ce que chaque individu souhaite. Chacun fait la course à la dépense publique en demandant à ce que ce soit "les autres" qui payent. Le politicien n'a pas son pareil pour inventer les politiques publiques qui diluent le coût sur tous et concentrent les bénéfices sur sa clientèle électorale. Les politiques publiques s'imposant à tous, les coûts, mêmes dilués, s'additionnent et finissent par peser.
Ainsi, dans ce contexte d'enfer fiscal voué à devenir toujours plus brûlant par la course à la rente, n'est-il pas au contraire légitime et souhaitable que le citoyen se protège de la prédation publique, en "votant avec ses pieds ?"
EcoGuy
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