Thomas Piketty et votre serviteur viennent de publier une tribune dans Le Monde daté du samedi 12 avril proposant de considérer une vaste refonte du système de retraite français. Je me propose de revenir sur cette proposition et de répondre aux possibles questions et critiques émanant de la blogosphère éco. EDIT: Depuis la publication de ce post, le document de travail a été repris et publié sous la forme d'un opuscule présenté dans ce post plus récent./EDIT Emmanuel de Ceteris Paribus a livré une première analyse critique de cette proposition et Arthur Goldhammer de French politics émet lui aussi quelques doutes sur la faisabilité politique d’une telle réforme vue de l’autre côté de l’Atlantique. Toutes ces remarques sont bienvenues et méritent d’être discutées (les lecteurs qui ont déjà lu la note peuvent sauter les parties I et II de ce post et passer tout de suite à l’évocation des critiques en partie III).
I/ De quoi s’agit-il ?
La proposition à considérer est la refonte totale du système de retraite français et son basculement vers un système unique de comptes individuels de cotisation (ou comptes notionnels). Avant de présenter les caractéristiques et les avantages d’un tel système, il nécessaire d’évaluer la nécessité d’une telle réforme : s’engager dans la refonte d’un système de retraite n’est pas quelque chose que l’on entreprend à la légère. La transition vers un nouveau système de retraite engendre forcément des coûts administratifs, un énorme effort de concertation et doit donc se justifier comme un investissement pour l’avenir.
Quels sont les problèmes de notre système de retraite actuel ?
1/ La stabilité financière du régime n’est pas assurée : avec les règles déterminant les pensions telles qu’elles existent aujourd’hui, le système ne garantit pas le paiement des retraites dans les 10 à 30 ans qui viennent. L’incertitude qui entoure les règles qui vont s’appliquer quand les générations actuellement actives vont prendre leur retraite est considérable. Cela entame la confiance des jeunes générations dans « le contrat social » implicite entre les générations que devrait représenter la retraite par répartition.
2/ Les règles déterminant les pensions sont complexes et déroutantes : contrairement à l’idéal d’un système public et obligatoire qui devrait être unique, universel et compréhensible par tous les citoyens, notre système actuel est morcelé en de multiples régimes dont les règles sont différentes et complexes. Il n’est pas impossible qu’après 3 ans consacrés à une thèse sur les retraites en France, vous soyez surpris par une règle oubliée dans un régime particulier… pour la majorité des salariés, la compréhension des règles déterminant leur pension est un casse-tête générateur d’angoisse et de frustration ! Or l’un des principaux arguments en faveur de la mise en place d’un système public et obligatoire d’assurance vieillesse était justement d’éviter la multiplicité des régimes et les coûts administratifs qui vont avec…
3/ Le système actuel est totalement inadapté à la mobilité des salariés : les changements de secteur (public/privé), de statut (cadres/non-cadres/non-salariés) ou la mobilité au sein l’Union européenne sont très mal pris en compte par le système actuel. Un salarié qui passe 10 ans dans le secteur public puis passe dans le secteur privé sera fortement pénalisé. La portabilité des droits au sein de l’Union est pratiquement inexistante et conduit à des injustices diverses (des salariés n’ayant pas cotisé au système de retraite bénéficient de droits, d’autres au contraire perdent totalement leurs cotisations au système). La population des polypensionnés (dans le jargon des experts, les personnes touchant plusieurs pensions) est en constante augmentation avec la mobilité croissante des salariés. Un régime de retraite par profession était un système tout à fait acceptable lorsque les salariés n’occupaient au cours de leur vie professionnelle qu’un seul emploi dans la même entreprise. Aujourd’hui, le système public devrait garantir les droits à la retraite de tous les salariés quels que soient leurs parcours professionnels.
4/ Les salariés qui ont commencé à travailler tôt sont les grands perdants du système actuel : aujourd’hui, si vous avez commencé à travailler très tôt dans des métiers manuels, vous devez subventionner ceux qui ont pu faire des études et qui ont commencé à travailler plus tardivement. Les différentiels d’espérance de vie renforcent cette redistribution à l’envers (l’espérance de vie étant corrélée au niveau d’études). L’augmentation de la durée de cotisation (augmentée de 30 ans à 37,5 en 1982, puis en 1993 à 40 ans) a eu tendance à limiter cet effet (ainsi que l’ouverture des droits dès 58 ans en 2003 pour ceux ayant commencé à travailler dès 14 ans), mais ne l’a pas fait disparaître et les contributions des longues carrières sont toujours mal valorisées par le système actuel.
5/ Les salariés aux carrières plates sont également défavorisés : pour un niveau identique de cotisations au système de retraite, un salarié qui voit son revenu progresser au cours de sa carrière touchera davantage de pension qu’un salarié identique dont les revenus sont restés stables. Le système actuel induit donc une redistribution des carrières longues et plates vers les carrières moins longues et croissantes (ou en langage plus sociologique : des ouvriers vers les cadres supérieurs et intellectuels).
6/ Les cotisations retraite sont perçues comme des impôts : last but not least, les retraites publiques et obligatoires représentent une part considérable de nos prélèvements obligatoires et dépenses publiques (13% du PIB, un tiers des prélèvements obligatoires). L’essentiel des différences de niveau de dépense publique entre des pays dits à faible dépense publique (le Royaume-Uni par exemple, où le taux de prélèvements obligatoires n’est « que » de 40%) et la France provient de la part des retraites publiques. Or ces dépenses d’assurance vieillesse ne sont pas des impôts, mais bien un mécanisme de transfert de revenu (de l’épargne obligatoire). Il est crucial de bien séparer ces cotisations retraite des autres prélèvements obligatoires sans quoi les salariés risquent de croire (c’est une pensée répandue) qu’ils sont beaucoup plus taxés qu’ils ne le sont en réalité. Ceci a des conséquences très néfastes : réduction de l’offre de travail (l’aspect négatif de toute taxation du travail) et donc invitation à réduire en retour les dépenses publiques. Il serait paradoxal que le fonctionnement de notre système de retraite actuel conduise à des réductions non souhaitées des dépenses publiques en réaction à un mode de financement illisible.
Ces critiques du système actuel nous sont apparues suffisamment importantes, à Thomas Piketty et à moi, pour qu’il soit envisageable de proposer une refonte générale du système. L’exemple de la réforme suédoise de 1994-1998 montrait qu’une telle ambition était possible et il nous a semblé que c’était la meilleure réforme envisageable. Les experts appellent ce genre de grosses réformes des « réformes non paramétriques », en les opposant aux réformes que l’on a connu jusqu’alors (des « réformes paramétriques »). Dans une réforme paramétrique, on ne modifie que des « paramètres » (durée requise d’assurance tous régime, durée requise d’assurance dans le régime, décote, surcote, calcul du salaire de référence, indexation, âge minimal de départ, âge maximal, taux de cotisation, valeur du salaire de référence, valeur d’achat du point, taux d’appel et j’en passe). La réforme est forcément une grosse tambouille d’experts et c’est à qui jouera le plus finement pour rouler l’autre. Une réforme « non-paramétrique » est une réforme qui modifie plus considérablement le fonctionnement du système. Les débats d’experts ont utilisé ce terme principalement pour désigner le passage à un système en capitalisation. La réforme que nous proposons ici est une réforme « non-paramétrique », mais qui ne touche pas au financement du système par la répartition.
II/ Qu’est-ce qu’un système de comptes notionnels ?
La proposition consiste à transformer notre système de retraite actuel en un système de comptes notionnels similaire à celui qui a été mis en place en Suède dans les années 1990. Le système reste public, obligatoire et financé en répartition. Ce qui change, ce sont les règles qui déterminent le montant des pensions. Emmanuel de Ceteris Paribus a réalisé un très pédagogique résumé du système proposé et je ne sais pas si je peux faire mieux ici. Je renvoie à la note pour plus de détails.
Dans un système de comptes individuels de cotisation (ou comptes notionnels), le salarié voit ses droits crédités sur un compte individuel au fur et à mesure qu’il verse des contributions au système : chaque euro cotisé est crédité sur ce compte (de façon fictive, d’où le nom de « comptes notionnels ») qui est une mesure de ses droits à la retraite. Chaque année, ces droits sont réévalués grâce à un taux d’intérêt réel (un taux d’intérêt réel de 2% étant comparable à un rendement de 4% lorsque l’inflation est de 2%). Au fil de sa carrière, le salarié voit donc son capita-retraite augmenter avec ses contributions et le rendement garanti par l’Etat. Il ne prend aucun risque d’investissement (le système est financé en répartition) et aucune de ses contributions au système n’est négligée (à 14 ans comme à 62 ans). Le patrimoine retraite peut être liquidé à partir de 60 ans suivant une règle simple : la rente mensuelle (la pension) dépend de l’espérance de vie à cet âge. Si le salarié décide de partir plus tard, il touchera plus de pension mensuelle (moins de temps en retraite) ; s’il a commencé à cotiser plus tôt, son patrimoine retraite est plus important et il peut donc partir plus tôt. L’augmentation de l’espérance de vie conduit à ce que chaque génération doit avoir accumulé un peu plus de patrimoine retraite pour partir avec la même pension mensuelle : la modification du système est progressive et suit la mesure que l’on peut faire de l’espérance de vie.
Ce système permet de répondre à l’ensemble des critiques évoquées plus haut (et rappelées par Ceteris Paribus) : mettre fin aux injustices des longues carrières et des carrières plates, faciliter la mobilité des travailleurs, simplifier les règles et l’administration du système, offrir un lien clair et direct entre les cotisations et les pensions et finalement proposer un système dont la stabilité financière peut être garantie sur le long terme.
Arthur Goldhammer croit y voir un changement d’inspiration (d’un système bismarckien vers un système beveridgien – voir le post sur la typologie des systèmes de retraite). C’est loin d’être le cas ! Le système proposé renforce le côté « bismarckien » d’assurance vieillesse (les pensions sont déterminées par les cotisations) et le sépare plus explicitement de son aspect beveridgien (le minimum vieillesse et les autres avantages non contributifs). Ce qui ressemble plus à un modèle beveridgien, c’est son côté universaliste (un seul système pour tout le monde) et moins corporatiste (un régime par secteur ou statut), mais on est à l’opposé du modèle britannique d’un filet de sécurité faible et non contributif.
III/ Les critiques possibles
Une telle proposition de réforme doit naturellement susciter des critiques. Nous avons essayé, dans le document de travail qui accompagne notre tribune dans Le Monde, d’être clairs sur le fait que des points de détail méritent débat. J’essaie ici de répondre aux critiques que j’ai déjà pu lire et distinguer celles qui méritent d’être retenues de celles que je ne trouve pas vraiment convaincantes. J’essaie en particulier de répondre à Emmanuel de Ceteris Paribus et à Arthur Goldhammer (d’autres billets suivront pour réagir aux remarques d’autres blogueurs) tout en classifiant les types de critiques.
1/ Les critiques profondes du système
Avant de passer au cas français, il vaut la peine de revenir sur les débats internationaux qui ont eu lieu suite à la mise en place de ce système en Suède.
Après avoir mis en place leur réforme, les Suédois sont tombés amoureux de leur système de retraite et se sont lancés dans le prosélytisme avec un zèle de missionnaires, afin de convaincre les autres pays du monde d’adopter un tel système. La pensée officielle des organisations internationales était modelée à l’époque (fin des années 1990) par la publication de la Banque mondiale Averting the Old Age Crisis (1994). Dans ce rapport, la Banque mondiale prenait position pour son système idéal de retraite à trois étages : un premier étage non contributif (beveridgien) mais redistributif, un second étage obligatoire par capitalisation organisé par les entreprises et un dernier étage en capitalisation facultatif. Ce modèle étant peu ou prou celui des pays anglo-saxons, ceux-ci virent arriver ces socialo-communistes de Suédois avec beaucoup de méfiance. La Suède voulait que son modèle de comptes notionnels soit proposé aux pays émergents et en particulier aux anciens pays du bloc de l’Est (qui devaient mettre en place de nouveaux systèmes de retraite). C’est dans ce contexte que la Banque mondiale organisa une grande conférence pour faire débattre les experts des systèmes de retraite sur les mérites vantés d’un système de comptes notionnels. On peut trouver en ligne l’ensemble des contributions qui sont d’une grande valeur pour se faire sa propre idée des avantages et inconvénient d’une telle réforme (c’est en anglais et pour un public de spécialistes). Quelles sont les principales critiques mentionnées par ces experts ?
a) Le système n’est pas en capitalisation : les défenseurs d’un régime de retraite en capitalisation insistent sur le fait que si les comptes notionnels constituent une amélioration du système par répartition, ils ne conduisent pas à la transition vers un système capitalisé. Les économistes favorables à la privatisation des systèmes de retraite sont donc sceptiques sur la valeur d’une réforme qui est très importante mais qui ne conduit pas au système qu’ils jugent optimal. Les experts ayant participé à la privatisation du système de retraite chilien ont eu à cœur de venir contredire les Suédois en prétendant que l’exemple chilien était bien plus avantageux à cet égard que l’exemple suédois. Dans un système à compte notionnel, il devient très difficile de réduire les pensions versées par le système par répartition : la garantie de l’Etat est très visible et les droits à la retraite sont consolidés. Tous ceux qui préfèrent donc la réduction des retraites publiques et la mise en place de retraites privées financées en capitalisation ont donc des raisons tout à fait valables de s’opposer à la mise en place d’un tel système.
b) S’agit-il juste un changement de vocabulaire ? La seconde critique qui revient dans ces discussions est le fait qu’il est possible d’améliorer considérablement les systèmes existants par des réformes qui n’utilisent pas le vocabulaire des comptes notionnels : il est possible de mettre en place une décote actuariellement neutre (1) qui évolue chaque année en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie sans passer par l’existence de comptes notionnels. On peut discuter de l’aspect pédagogique d’une telle réforme, mais il me semble essentiel : afin de faciliter le débat démocratique sur le niveau de prise en charge publique du risque vieillesse, il est important que tous les citoyens aient conscience du mode de fonctionnement de celui-ci. L’énorme avantage d’une réforme vers les comptes notionnels est qu’elle rend évidente la pédagogie du système du retraite : la contrainte budgétaire est clairement exprimée et les choix qu’entraînent les changements démographiques sont présentés à chacun.
Je comprends la première critique d’Emmanuel sur la perte de la notion de taux de remplacement de cette façon. La réforme proposée revient à ne plus parler de droits à un taux de remplacement en fonction du dernier salaire, mais insiste au contraire sur le fait que les retraites sont payées par les salariés et que c’est à eux finalement de décider comment fait l’arbitrage entre pouvoir d’achat et durée de la retraite. Je trouve – peut-être à tort – que c’est une grande force de ce système que de sortir de la logique du taux de remplacement pour insister sur l’accumulation de droits garantis.
2/ Les critiques de l’économie politique de la réforme
Une des critiques principales que l’on peut adresser à l’application de cette réforme en France (ce que dit en substance Arthur Goldhammer et de façon moins catégorique Emmanuel de CP), c’est que les politiques, les syndicats et les intérêts particuliers qui « gagnent » au système actuel vont s’opposer à sa mise en place. C’est possible mais cela nous paraît loin d’être évident tant la réforme permet de compenser « les perdants ».
Les syndicats : La première opposition mentionnée est celle des syndicats. Si l’on part sur l’hypothèse que les syndicats sont simplement des empêcheurs de tourner en rond ou des corporatistes conservateurs, alors effectivement ils n’auraient aucun « intérêt » à défendre la préservation pour les générations suivantes d’un système public par répartition en France. Mais cette vision des syndicats est caricaturale : sur les questions de retraite les syndicats se sont battus pour obtenir de meilleurs droits pour les carrières longues, défendent ardemment la garantie du système par répartition et l’indépendance des régimes d’assurance vieillesse face aux interférences de l’Etat. Une telle réforme devrait répondre aux préoccupations d’une majorité d’entre eux. Il paraîtrait assez paradoxal que les syndicats français s’opposent à la consolidation du système par répartition pour favoriser l’émergence des fonds de pension ! Encore moins crédible serait la remise en cause de la dimension d’assurance vieillesse du système de retraite et la mise en place d’un mécanisme de financement par l’impôt non contributif (CSG et autres).
Les fonctionnaires : La critique la plus forte d’Emmanuel est l’opposition probable des fonctionnaires à une telle réforme qui ferait baisser leur pension. C’est un point crucial de qui mérite d’être discuté. Pour rendre la réforme universelle, il faut pouvoir unifier tous les régimes existants dans le nouveau régime. Cela implique de fusionner les régimes de la Fonction publique avec le nouveau système.
Pourquoi la retraite des fonctionnaires pose-t-elle problème dans la transition vers le nouveau système ? Aujourd’hui, les fonctionnaires bénéficient de retraites plus importantes qui sont financées par une cotisation implicite de l’Etat nettement plus élevée que les cotisations des salariés du privé (près de 60% contre 25% du salaire brut dans le privé). Cela signifie que, sur la rémunération globale d’un fonctionnaire, une part plus importante est consacrée à la retraite et une part plus faible est consacrée au salaire net. En échange de retraites plus importantes, les fonctionnaires acceptent d’être relativement moins bien payés. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, ils devront accepter d’être de moins en moins bien payés (à moins de vouloir diminuer les services publics et diminuer leur nombre…).
La réforme propose de faire apparaître clairement les cotisations retraite des fonctionnaires sur leur fiche de paie et de séparer ces cotisations en deux : celles du nouveau système de 25% (qui donnent les mêmes droits que tout le monde) et les anciennes qui correspondent au supplément de cotisation nécessaire pour financer les retraites courantes des fonctionnaires. L’objectif est de diminuer ce supplément de cotisation et d’augmenter les salaires nets en proportion. La compensation salariale est partie intégrale de cette proposition de réforme. Si les fonctionnaires souhaitent maintenir un niveau de retraite proche de l’ancien système, ils pourront le faire en consacrant ces augmentations de salaire à des cotisations pour la retraite. S’ils préfèrent utiliser ce supplément de salaire pour augmenter leur pouvoir d’achat, ils seront aussi libres de le faire.
La question de fond que pose Emmanuel – à mon sens très justement – est de savoir à quel rythme effectuer l’augmentation de salaires dans la transition. Effectuer toute l’augmentation de salaire d’un coup (+40% au jour J) représenterait un coup de transition considérable (l’Etat s’étant engagé à payer les retraites définies selon l’ancien système, il y a une dette implicite qu'il est nécessaire d'honorer). Attendre que la transition dans le nouveau système libère des marges de manœuvre pour augmenter les salaires pourrait apparaître très risqué aux fonctionnaires (il faut faire confiance à l’Etat). Une solution intermédiaire pourrait être plus acceptable : l’acceptation du système donne droit à une augmentation immédiate des salaires (+5-10% par exemple) et les baisses de cotisation donnent lieu à des augmentations successives plus lentes. Une telle transition a un coût immédiat important pour l'Etat mais il peut être lissé sur une longue décennie.
Nous n’avons pas voulu donner des chiffres trop précis sur la façon de réaliser cette compensation salariale car il faudrait pouvoir modéliser beaucoup plus finement les pensions et les salaires des fonctionnaires afin de préciser les possibilités de cette transition. Notre note n’est pas une réforme clé en main, à prendre ou à laisser, mais une proposition à discuter. Si elle recueille un intérêt suffisant, elle devra conduire à un gros travail d’expertise pour la préparer dans de bonnes conditions. Un des points à étudier devra être un chiffrage exact des variantes à proposer aux fonctionnaires. Je serais surpris si ceux-ci rejettent en bloc cette proposition. Ils y ont beaucoup à gagner (augmentations salariales, retraites garanties et normalisation de leur statut; pour y perdre il faudrait parier qu'ils ne subiront pas d'autres réformes de leur système de retraite...).
Les cadres du privé et du public : la question du plafond est une question aussi très importante. Nous avons proposé un plafond équivalent à deux fois le plafond de la sécurité sociale (soit 66 652 euros annuels ou 5554 euros mensuel) contre 8 fois aujourd’hui. En pratique, cela signifie que l’on cesse d’assurer par des prélèvements obligatoires la retraite des salariés au-dessus de 5500 euros mensuel. La réforme peut tout à fait être mise en place sans abaisser le plafond, mais il nous paraît important de considérer son abaissement.
Une des critiques qui est faite à tort à un abaissement du plafond est de dire qu’un plafond plus élevé permet de faire davantage contribuer les hauts salaires. C’est inexact. Un plafond plus élevé conduit à des cotisations plus élevées mais aussi à des retraites plus élevées. Si les hauts salaires vivent plus longtemps que les plus faibles salaires, un plus haut plafond accentue la redistribution à l'envers. Au cours de la phase de transition, cet abaissement du plafond a un coût : il faudra donc clairement faire apparaître la dette implicite du système par répartition entre le nouveau plafond et l’ancien. Cela suppose de discuter des modalités de transition et d’imposer une taxe sur les salaires au-dessus du nouveau plafond pour épurer la dette implicite.
Je m’arrête là pour aujourd’hui. Au final, je crois profondément qu’un pays qui est capable de réaliser des TGV qui permettent d’aller de Lille à Lyon en 3h doit être capable de réformer son système de retraite pour le rendre aussi efficace : il faut le même engagement de l’Etat, savoir mettre de côté quelques intérêts particuliers et avoir la volonté d’investir dans l’avenir…
PS pour Emmanuel : je me couvre la tête de cendre pour la coquille (décôte au lieu de décote). Je fais tout mon possible pour qu’elle soit rapidement corrigée dans la note…
Note :
(1) la notion de neutralité actuarielle est souvent mise en avant pour améliorer les systèmes par répartition. On entend par ce terme le fait que l'âge de départ en retraite n'induit aucune modification (gain ou perte) pour l'équilibre financier du système. Il faudra un jour consacrer un post entier à cette notion.
I/ De quoi s’agit-il ?
La proposition à considérer est la refonte totale du système de retraite français et son basculement vers un système unique de comptes individuels de cotisation (ou comptes notionnels). Avant de présenter les caractéristiques et les avantages d’un tel système, il nécessaire d’évaluer la nécessité d’une telle réforme : s’engager dans la refonte d’un système de retraite n’est pas quelque chose que l’on entreprend à la légère. La transition vers un nouveau système de retraite engendre forcément des coûts administratifs, un énorme effort de concertation et doit donc se justifier comme un investissement pour l’avenir.
Quels sont les problèmes de notre système de retraite actuel ?
1/ La stabilité financière du régime n’est pas assurée : avec les règles déterminant les pensions telles qu’elles existent aujourd’hui, le système ne garantit pas le paiement des retraites dans les 10 à 30 ans qui viennent. L’incertitude qui entoure les règles qui vont s’appliquer quand les générations actuellement actives vont prendre leur retraite est considérable. Cela entame la confiance des jeunes générations dans « le contrat social » implicite entre les générations que devrait représenter la retraite par répartition.
2/ Les règles déterminant les pensions sont complexes et déroutantes : contrairement à l’idéal d’un système public et obligatoire qui devrait être unique, universel et compréhensible par tous les citoyens, notre système actuel est morcelé en de multiples régimes dont les règles sont différentes et complexes. Il n’est pas impossible qu’après 3 ans consacrés à une thèse sur les retraites en France, vous soyez surpris par une règle oubliée dans un régime particulier… pour la majorité des salariés, la compréhension des règles déterminant leur pension est un casse-tête générateur d’angoisse et de frustration ! Or l’un des principaux arguments en faveur de la mise en place d’un système public et obligatoire d’assurance vieillesse était justement d’éviter la multiplicité des régimes et les coûts administratifs qui vont avec…
3/ Le système actuel est totalement inadapté à la mobilité des salariés : les changements de secteur (public/privé), de statut (cadres/non-cadres/non-salariés) ou la mobilité au sein l’Union européenne sont très mal pris en compte par le système actuel. Un salarié qui passe 10 ans dans le secteur public puis passe dans le secteur privé sera fortement pénalisé. La portabilité des droits au sein de l’Union est pratiquement inexistante et conduit à des injustices diverses (des salariés n’ayant pas cotisé au système de retraite bénéficient de droits, d’autres au contraire perdent totalement leurs cotisations au système). La population des polypensionnés (dans le jargon des experts, les personnes touchant plusieurs pensions) est en constante augmentation avec la mobilité croissante des salariés. Un régime de retraite par profession était un système tout à fait acceptable lorsque les salariés n’occupaient au cours de leur vie professionnelle qu’un seul emploi dans la même entreprise. Aujourd’hui, le système public devrait garantir les droits à la retraite de tous les salariés quels que soient leurs parcours professionnels.
4/ Les salariés qui ont commencé à travailler tôt sont les grands perdants du système actuel : aujourd’hui, si vous avez commencé à travailler très tôt dans des métiers manuels, vous devez subventionner ceux qui ont pu faire des études et qui ont commencé à travailler plus tardivement. Les différentiels d’espérance de vie renforcent cette redistribution à l’envers (l’espérance de vie étant corrélée au niveau d’études). L’augmentation de la durée de cotisation (augmentée de 30 ans à 37,5 en 1982, puis en 1993 à 40 ans) a eu tendance à limiter cet effet (ainsi que l’ouverture des droits dès 58 ans en 2003 pour ceux ayant commencé à travailler dès 14 ans), mais ne l’a pas fait disparaître et les contributions des longues carrières sont toujours mal valorisées par le système actuel.
5/ Les salariés aux carrières plates sont également défavorisés : pour un niveau identique de cotisations au système de retraite, un salarié qui voit son revenu progresser au cours de sa carrière touchera davantage de pension qu’un salarié identique dont les revenus sont restés stables. Le système actuel induit donc une redistribution des carrières longues et plates vers les carrières moins longues et croissantes (ou en langage plus sociologique : des ouvriers vers les cadres supérieurs et intellectuels).
6/ Les cotisations retraite sont perçues comme des impôts : last but not least, les retraites publiques et obligatoires représentent une part considérable de nos prélèvements obligatoires et dépenses publiques (13% du PIB, un tiers des prélèvements obligatoires). L’essentiel des différences de niveau de dépense publique entre des pays dits à faible dépense publique (le Royaume-Uni par exemple, où le taux de prélèvements obligatoires n’est « que » de 40%) et la France provient de la part des retraites publiques. Or ces dépenses d’assurance vieillesse ne sont pas des impôts, mais bien un mécanisme de transfert de revenu (de l’épargne obligatoire). Il est crucial de bien séparer ces cotisations retraite des autres prélèvements obligatoires sans quoi les salariés risquent de croire (c’est une pensée répandue) qu’ils sont beaucoup plus taxés qu’ils ne le sont en réalité. Ceci a des conséquences très néfastes : réduction de l’offre de travail (l’aspect négatif de toute taxation du travail) et donc invitation à réduire en retour les dépenses publiques. Il serait paradoxal que le fonctionnement de notre système de retraite actuel conduise à des réductions non souhaitées des dépenses publiques en réaction à un mode de financement illisible.
Ces critiques du système actuel nous sont apparues suffisamment importantes, à Thomas Piketty et à moi, pour qu’il soit envisageable de proposer une refonte générale du système. L’exemple de la réforme suédoise de 1994-1998 montrait qu’une telle ambition était possible et il nous a semblé que c’était la meilleure réforme envisageable. Les experts appellent ce genre de grosses réformes des « réformes non paramétriques », en les opposant aux réformes que l’on a connu jusqu’alors (des « réformes paramétriques »). Dans une réforme paramétrique, on ne modifie que des « paramètres » (durée requise d’assurance tous régime, durée requise d’assurance dans le régime, décote, surcote, calcul du salaire de référence, indexation, âge minimal de départ, âge maximal, taux de cotisation, valeur du salaire de référence, valeur d’achat du point, taux d’appel et j’en passe). La réforme est forcément une grosse tambouille d’experts et c’est à qui jouera le plus finement pour rouler l’autre. Une réforme « non-paramétrique » est une réforme qui modifie plus considérablement le fonctionnement du système. Les débats d’experts ont utilisé ce terme principalement pour désigner le passage à un système en capitalisation. La réforme que nous proposons ici est une réforme « non-paramétrique », mais qui ne touche pas au financement du système par la répartition.
II/ Qu’est-ce qu’un système de comptes notionnels ?
La proposition consiste à transformer notre système de retraite actuel en un système de comptes notionnels similaire à celui qui a été mis en place en Suède dans les années 1990. Le système reste public, obligatoire et financé en répartition. Ce qui change, ce sont les règles qui déterminent le montant des pensions. Emmanuel de Ceteris Paribus a réalisé un très pédagogique résumé du système proposé et je ne sais pas si je peux faire mieux ici. Je renvoie à la note pour plus de détails.
Dans un système de comptes individuels de cotisation (ou comptes notionnels), le salarié voit ses droits crédités sur un compte individuel au fur et à mesure qu’il verse des contributions au système : chaque euro cotisé est crédité sur ce compte (de façon fictive, d’où le nom de « comptes notionnels ») qui est une mesure de ses droits à la retraite. Chaque année, ces droits sont réévalués grâce à un taux d’intérêt réel (un taux d’intérêt réel de 2% étant comparable à un rendement de 4% lorsque l’inflation est de 2%). Au fil de sa carrière, le salarié voit donc son capita-retraite augmenter avec ses contributions et le rendement garanti par l’Etat. Il ne prend aucun risque d’investissement (le système est financé en répartition) et aucune de ses contributions au système n’est négligée (à 14 ans comme à 62 ans). Le patrimoine retraite peut être liquidé à partir de 60 ans suivant une règle simple : la rente mensuelle (la pension) dépend de l’espérance de vie à cet âge. Si le salarié décide de partir plus tard, il touchera plus de pension mensuelle (moins de temps en retraite) ; s’il a commencé à cotiser plus tôt, son patrimoine retraite est plus important et il peut donc partir plus tôt. L’augmentation de l’espérance de vie conduit à ce que chaque génération doit avoir accumulé un peu plus de patrimoine retraite pour partir avec la même pension mensuelle : la modification du système est progressive et suit la mesure que l’on peut faire de l’espérance de vie.
Ce système permet de répondre à l’ensemble des critiques évoquées plus haut (et rappelées par Ceteris Paribus) : mettre fin aux injustices des longues carrières et des carrières plates, faciliter la mobilité des travailleurs, simplifier les règles et l’administration du système, offrir un lien clair et direct entre les cotisations et les pensions et finalement proposer un système dont la stabilité financière peut être garantie sur le long terme.
Arthur Goldhammer croit y voir un changement d’inspiration (d’un système bismarckien vers un système beveridgien – voir le post sur la typologie des systèmes de retraite). C’est loin d’être le cas ! Le système proposé renforce le côté « bismarckien » d’assurance vieillesse (les pensions sont déterminées par les cotisations) et le sépare plus explicitement de son aspect beveridgien (le minimum vieillesse et les autres avantages non contributifs). Ce qui ressemble plus à un modèle beveridgien, c’est son côté universaliste (un seul système pour tout le monde) et moins corporatiste (un régime par secteur ou statut), mais on est à l’opposé du modèle britannique d’un filet de sécurité faible et non contributif.
III/ Les critiques possibles
Une telle proposition de réforme doit naturellement susciter des critiques. Nous avons essayé, dans le document de travail qui accompagne notre tribune dans Le Monde, d’être clairs sur le fait que des points de détail méritent débat. J’essaie ici de répondre aux critiques que j’ai déjà pu lire et distinguer celles qui méritent d’être retenues de celles que je ne trouve pas vraiment convaincantes. J’essaie en particulier de répondre à Emmanuel de Ceteris Paribus et à Arthur Goldhammer (d’autres billets suivront pour réagir aux remarques d’autres blogueurs) tout en classifiant les types de critiques.
1/ Les critiques profondes du système
Avant de passer au cas français, il vaut la peine de revenir sur les débats internationaux qui ont eu lieu suite à la mise en place de ce système en Suède.
Après avoir mis en place leur réforme, les Suédois sont tombés amoureux de leur système de retraite et se sont lancés dans le prosélytisme avec un zèle de missionnaires, afin de convaincre les autres pays du monde d’adopter un tel système. La pensée officielle des organisations internationales était modelée à l’époque (fin des années 1990) par la publication de la Banque mondiale Averting the Old Age Crisis (1994). Dans ce rapport, la Banque mondiale prenait position pour son système idéal de retraite à trois étages : un premier étage non contributif (beveridgien) mais redistributif, un second étage obligatoire par capitalisation organisé par les entreprises et un dernier étage en capitalisation facultatif. Ce modèle étant peu ou prou celui des pays anglo-saxons, ceux-ci virent arriver ces socialo-communistes de Suédois avec beaucoup de méfiance. La Suède voulait que son modèle de comptes notionnels soit proposé aux pays émergents et en particulier aux anciens pays du bloc de l’Est (qui devaient mettre en place de nouveaux systèmes de retraite). C’est dans ce contexte que la Banque mondiale organisa une grande conférence pour faire débattre les experts des systèmes de retraite sur les mérites vantés d’un système de comptes notionnels. On peut trouver en ligne l’ensemble des contributions qui sont d’une grande valeur pour se faire sa propre idée des avantages et inconvénient d’une telle réforme (c’est en anglais et pour un public de spécialistes). Quelles sont les principales critiques mentionnées par ces experts ?
a) Le système n’est pas en capitalisation : les défenseurs d’un régime de retraite en capitalisation insistent sur le fait que si les comptes notionnels constituent une amélioration du système par répartition, ils ne conduisent pas à la transition vers un système capitalisé. Les économistes favorables à la privatisation des systèmes de retraite sont donc sceptiques sur la valeur d’une réforme qui est très importante mais qui ne conduit pas au système qu’ils jugent optimal. Les experts ayant participé à la privatisation du système de retraite chilien ont eu à cœur de venir contredire les Suédois en prétendant que l’exemple chilien était bien plus avantageux à cet égard que l’exemple suédois. Dans un système à compte notionnel, il devient très difficile de réduire les pensions versées par le système par répartition : la garantie de l’Etat est très visible et les droits à la retraite sont consolidés. Tous ceux qui préfèrent donc la réduction des retraites publiques et la mise en place de retraites privées financées en capitalisation ont donc des raisons tout à fait valables de s’opposer à la mise en place d’un tel système.
b) S’agit-il juste un changement de vocabulaire ? La seconde critique qui revient dans ces discussions est le fait qu’il est possible d’améliorer considérablement les systèmes existants par des réformes qui n’utilisent pas le vocabulaire des comptes notionnels : il est possible de mettre en place une décote actuariellement neutre (1) qui évolue chaque année en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie sans passer par l’existence de comptes notionnels. On peut discuter de l’aspect pédagogique d’une telle réforme, mais il me semble essentiel : afin de faciliter le débat démocratique sur le niveau de prise en charge publique du risque vieillesse, il est important que tous les citoyens aient conscience du mode de fonctionnement de celui-ci. L’énorme avantage d’une réforme vers les comptes notionnels est qu’elle rend évidente la pédagogie du système du retraite : la contrainte budgétaire est clairement exprimée et les choix qu’entraînent les changements démographiques sont présentés à chacun.
Je comprends la première critique d’Emmanuel sur la perte de la notion de taux de remplacement de cette façon. La réforme proposée revient à ne plus parler de droits à un taux de remplacement en fonction du dernier salaire, mais insiste au contraire sur le fait que les retraites sont payées par les salariés et que c’est à eux finalement de décider comment fait l’arbitrage entre pouvoir d’achat et durée de la retraite. Je trouve – peut-être à tort – que c’est une grande force de ce système que de sortir de la logique du taux de remplacement pour insister sur l’accumulation de droits garantis.
2/ Les critiques de l’économie politique de la réforme
Une des critiques principales que l’on peut adresser à l’application de cette réforme en France (ce que dit en substance Arthur Goldhammer et de façon moins catégorique Emmanuel de CP), c’est que les politiques, les syndicats et les intérêts particuliers qui « gagnent » au système actuel vont s’opposer à sa mise en place. C’est possible mais cela nous paraît loin d’être évident tant la réforme permet de compenser « les perdants ».
Les syndicats : La première opposition mentionnée est celle des syndicats. Si l’on part sur l’hypothèse que les syndicats sont simplement des empêcheurs de tourner en rond ou des corporatistes conservateurs, alors effectivement ils n’auraient aucun « intérêt » à défendre la préservation pour les générations suivantes d’un système public par répartition en France. Mais cette vision des syndicats est caricaturale : sur les questions de retraite les syndicats se sont battus pour obtenir de meilleurs droits pour les carrières longues, défendent ardemment la garantie du système par répartition et l’indépendance des régimes d’assurance vieillesse face aux interférences de l’Etat. Une telle réforme devrait répondre aux préoccupations d’une majorité d’entre eux. Il paraîtrait assez paradoxal que les syndicats français s’opposent à la consolidation du système par répartition pour favoriser l’émergence des fonds de pension ! Encore moins crédible serait la remise en cause de la dimension d’assurance vieillesse du système de retraite et la mise en place d’un mécanisme de financement par l’impôt non contributif (CSG et autres).
Les fonctionnaires : La critique la plus forte d’Emmanuel est l’opposition probable des fonctionnaires à une telle réforme qui ferait baisser leur pension. C’est un point crucial de qui mérite d’être discuté. Pour rendre la réforme universelle, il faut pouvoir unifier tous les régimes existants dans le nouveau régime. Cela implique de fusionner les régimes de la Fonction publique avec le nouveau système.
Pourquoi la retraite des fonctionnaires pose-t-elle problème dans la transition vers le nouveau système ? Aujourd’hui, les fonctionnaires bénéficient de retraites plus importantes qui sont financées par une cotisation implicite de l’Etat nettement plus élevée que les cotisations des salariés du privé (près de 60% contre 25% du salaire brut dans le privé). Cela signifie que, sur la rémunération globale d’un fonctionnaire, une part plus importante est consacrée à la retraite et une part plus faible est consacrée au salaire net. En échange de retraites plus importantes, les fonctionnaires acceptent d’être relativement moins bien payés. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, ils devront accepter d’être de moins en moins bien payés (à moins de vouloir diminuer les services publics et diminuer leur nombre…).
La réforme propose de faire apparaître clairement les cotisations retraite des fonctionnaires sur leur fiche de paie et de séparer ces cotisations en deux : celles du nouveau système de 25% (qui donnent les mêmes droits que tout le monde) et les anciennes qui correspondent au supplément de cotisation nécessaire pour financer les retraites courantes des fonctionnaires. L’objectif est de diminuer ce supplément de cotisation et d’augmenter les salaires nets en proportion. La compensation salariale est partie intégrale de cette proposition de réforme. Si les fonctionnaires souhaitent maintenir un niveau de retraite proche de l’ancien système, ils pourront le faire en consacrant ces augmentations de salaire à des cotisations pour la retraite. S’ils préfèrent utiliser ce supplément de salaire pour augmenter leur pouvoir d’achat, ils seront aussi libres de le faire.
La question de fond que pose Emmanuel – à mon sens très justement – est de savoir à quel rythme effectuer l’augmentation de salaires dans la transition. Effectuer toute l’augmentation de salaire d’un coup (+40% au jour J) représenterait un coup de transition considérable (l’Etat s’étant engagé à payer les retraites définies selon l’ancien système, il y a une dette implicite qu'il est nécessaire d'honorer). Attendre que la transition dans le nouveau système libère des marges de manœuvre pour augmenter les salaires pourrait apparaître très risqué aux fonctionnaires (il faut faire confiance à l’Etat). Une solution intermédiaire pourrait être plus acceptable : l’acceptation du système donne droit à une augmentation immédiate des salaires (+5-10% par exemple) et les baisses de cotisation donnent lieu à des augmentations successives plus lentes. Une telle transition a un coût immédiat important pour l'Etat mais il peut être lissé sur une longue décennie.
Nous n’avons pas voulu donner des chiffres trop précis sur la façon de réaliser cette compensation salariale car il faudrait pouvoir modéliser beaucoup plus finement les pensions et les salaires des fonctionnaires afin de préciser les possibilités de cette transition. Notre note n’est pas une réforme clé en main, à prendre ou à laisser, mais une proposition à discuter. Si elle recueille un intérêt suffisant, elle devra conduire à un gros travail d’expertise pour la préparer dans de bonnes conditions. Un des points à étudier devra être un chiffrage exact des variantes à proposer aux fonctionnaires. Je serais surpris si ceux-ci rejettent en bloc cette proposition. Ils y ont beaucoup à gagner (augmentations salariales, retraites garanties et normalisation de leur statut; pour y perdre il faudrait parier qu'ils ne subiront pas d'autres réformes de leur système de retraite...).
Les cadres du privé et du public : la question du plafond est une question aussi très importante. Nous avons proposé un plafond équivalent à deux fois le plafond de la sécurité sociale (soit 66 652 euros annuels ou 5554 euros mensuel) contre 8 fois aujourd’hui. En pratique, cela signifie que l’on cesse d’assurer par des prélèvements obligatoires la retraite des salariés au-dessus de 5500 euros mensuel. La réforme peut tout à fait être mise en place sans abaisser le plafond, mais il nous paraît important de considérer son abaissement.
Une des critiques qui est faite à tort à un abaissement du plafond est de dire qu’un plafond plus élevé permet de faire davantage contribuer les hauts salaires. C’est inexact. Un plafond plus élevé conduit à des cotisations plus élevées mais aussi à des retraites plus élevées. Si les hauts salaires vivent plus longtemps que les plus faibles salaires, un plus haut plafond accentue la redistribution à l'envers. Au cours de la phase de transition, cet abaissement du plafond a un coût : il faudra donc clairement faire apparaître la dette implicite du système par répartition entre le nouveau plafond et l’ancien. Cela suppose de discuter des modalités de transition et d’imposer une taxe sur les salaires au-dessus du nouveau plafond pour épurer la dette implicite.
Je m’arrête là pour aujourd’hui. Au final, je crois profondément qu’un pays qui est capable de réaliser des TGV qui permettent d’aller de Lille à Lyon en 3h doit être capable de réformer son système de retraite pour le rendre aussi efficace : il faut le même engagement de l’Etat, savoir mettre de côté quelques intérêts particuliers et avoir la volonté d’investir dans l’avenir…
PS pour Emmanuel : je me couvre la tête de cendre pour la coquille (décôte au lieu de décote). Je fais tout mon possible pour qu’elle soit rapidement corrigée dans la note…
Note :
(1) la notion de neutralité actuarielle est souvent mise en avant pour améliorer les systèmes par répartition. On entend par ce terme le fait que l'âge de départ en retraite n'induit aucune modification (gain ou perte) pour l'équilibre financier du système. Il faudra un jour consacrer un post entier à cette notion.
31 commentaires:
Bravo pour cet "outing" (ainsi que pour l'étude réalisée avec T.Piketty, bien sûr).
Je réplique ici une question que j'ai posée sur Econoclaste. En fait votre article y répond partiellement, en distinguant réforme paramétrique et non-paramétrique, ainsi que sur les syndicats.
« L'aspect le plus frappant de cette réforme, ne serait-ce pas la disparition programmée de la négociation collective? Pas pendant la réforme, bien sûr, mais après. Aujourd'hui les retraites doivent être "négociées", voire "revendiquées" collectivement. Après une telle réforme, cet aspect serait tout à fait secondaire.
« Il me semble important de souligner ce côté révolutionnaire du système de points individuels. Il rétablirait certaines incitations individuelles qui ont plus ou moins disparu. Il séparerait les retraites d'autres questions qui n'ont rien à voir comme la redistribution, la pénibilité, etc. Surtout, il pourrait affaiblir considérablement les lobbies syndicaux et patronaux en rendant à chaque individu sa liberté de choisir - en partie - la durée ou le montant de sa retraite.
« S'il était enclenché, le mouvement ne pourrait pas s'arrêter là. Une fois que les cotisations seront vues comme de l'épargne individuelle, on peut s'attendre à ce que chaque cotisant demande à avoir de plus en plus d'autonomie dans la gestion de "son épargne". La Sécu est-elle prête pour la révolution individualiste? »
Juste une question un peu tétracapilectomiste, mais qui peut avoir son importance en cas de négociation de la mise en place du système : quelle espérance de vie à 65 ans est considérée ? La même pour tout le monde ? Sachant que si c'est effectivement la même, tu favorises (mais pas plus que maintenant où ce phénomène est extrêmement fort) les espérances de vie au dessus de la moyenne et défavorises ceux en dessous. Or l'inégalité sociale de ce point de vue là est énorme.
J'ai lu un article (de médecine) dernièrement sur ce sujet là, et les inégalités de santé sont très liées au niveau social (très grossièrement), les inégalités sont d'ailleurs très croissantes dans les deux directions âge et temps, donc c'est à la fois un phénomène croissant et encore plus important pour les vieux que pour les jeunes (dans la cohorte, car c'est plus aujourd'hui pour les jeunes qu'hier pour les vieux quand ils étaient jeunes, et l'augmentation pour les vieux aujourd'hui par rapport à hier est plus importante que l'augmentation générale...).
Certes, il ne faut pas tout mélanger et la beauté de votre système réside dans sa clarté et sa simplicité, mais dire qu'on va régler les inégalités de santé par ailleurs et que donc on ne les prend pas en compte dans le calcul des retraites, n'est-ce pas un petit peu optimiste (ou hypocrite).
@Gus Si Fang: Sur la question de la négociation collective, le nouveau systeme la reporte sur les negociations salariales. Les questions de rémunérations (qui doivent faire l'objet de negociations) sont séparées des questions d'arbitrage du systeme de retraite.
@Dyslexix: L'espérance de vie à n'importe quel age est en principe l'espérance de vie moyenne (le cas en Suede). Du coup le systeme introduit effectivement une forte redistribution des hommes vers les femmes et des CSP ouvriers vers les categories intello sup (comme dans le systeme actuel).
Ce que je dirais pour répondre à ta remarque (dans le cas ou l'on choisit une esperance de vie moyenne), c'est:
1/ l'abaissement du plafond reduit la redistribution à l'envers par rapport au systeme actuel
2/ la prise en compte de l'integralite des carrieres longues fait la meme chose
=> le systeme proposé, meme a esperance de vie moyenne, est moins antiredistributif que systeme actuel. Tu vas me dire que c'est comme la guillotine (un pas vers l'humanité mais en restant injuste) et donc on a considéré dans la note la prise en compte de l'esperance de vie par CSP mais tout en restant prudents sur les possibles derapages et inconvenients d'une telle prise en compte. Trois possibilités sont examinées:
1/ Prendre des mesures d'esperance de vie par CSP et proposer a la liquidation une prise en compte de la moyenne sur la vie professionnelle de ces esperances de vie: l'idee est d'eviter qu'un non cadre qui passe cadre voit sa pension baisser considerablement par sa progression au statut de cadre. Tout le probleme est qu'il faut une grille assez precise pour eviter les gros sauts mais pas trop pour eviter les batailles corporatistes. Cela ne me parait pas evident a realiser.
2/ La seconde proposition est de mesurer les taux d'accidents/maladies par entreprises/secteurs et instaurer des cotisations retraite bonus/malus : cela permettrait de mettre des incitations en place pour les entreprises, mais la plus grande partie des differentiels d'esperance de vie n'est pas expliquee par les accidents du travail. La branche accident du travail qui a deja un systeme proche ne fonctionne pas tres bien et il paraissait difficile de prendre cela comme modele.
3/ La troisieme proposition est de ne pas prendre en compte directement les esperances de vie mais d'introduire de la redistribution correlee aux variations d'esperance de vie: le taux de rendement garanti pourrait etre plus eleve sous 1 plafond et plus faible entre 1 et 2 plafonds: cela introduit une certaine redistribution des plus hauts salaires vers les plus faibles et peut corriger les differentiels d'esperance de vie. Le problème est que cela ne s'attaque pas au pb de base (l'esperance de vie) et le revenu est loin d'etre un proxi parfait pour l'esperance de vie.
Je reconnais que c'est une question tres difficile et je suis ouvert à toute proposition.
Stimulante cette proposition, merci.
Sur le dernier débat lancé, l'évaluation de l'espérance de vie, je ne suis pas macroéconomiste ni financier, j'ai juste de vagues souvenirs des cours de N. Drouin. Voila une proposition comme elle vient.
Il ne me semble pas totalement absurde d'imaginer que des sociétés financières soient en mesure de corriger la redistribution à l'envers. Je m'explique.
Si l'ouvrier de 60 ans prenant sa retraite va y passer à 70 ans en moyenne avec un ecart-type de 2 ans. Si le système de retraite lui donne 800 euros par mois, en comptant que ces ouvriers vivront jusqu'à 80 ans en moyenne. Si ce droit est cessible à une institution financière. Alors, il est tout à fait dans l'intérêt des 2 parties de faire un deal. Par exemple, le retraité touchera de la banque 1000 euros jusqu'à sa mort. Et la banque percevra 800 euros pendant 20 ans du système de retraite. Et hop, le marché te lève l'asymétrie d'information ;-)
Le problème de ce système (je m'en rends compte après avoir écrit), c'est que l'espérance de vie à laquelle est soumise la caisse de retraite augmente au fur et à mesure que des personnes font ce genre de deal. A vue de nez, le résultat est que le seul équilibre qui soit stable est l'âge maximum. Tout le monde se fait racheter sa rente viagère contre une autre rente viagère par des institutions financières en concurrence (merde, il y a risque de faillite) sauf celui ou celle qui vivra jusqu'à 120 ans.
@William: ce n'est pas une idée idiote. Un des problemes que je voyais dans son application est le fait que l'on ne souhaite pas forcement proposer des rentes differentiels selon l'esperance de vie pour toutes les categories: par exemple on ne souhaite pas forcement differencier les hommes des femmes (donner moins a toutes les femmes car elles vivent plus longtemps). Dans le cas d'un mecanisme de marché, il deviendrait tres diffile de distinguer la discrimination autorisee (classe sociale) de celle interdite (par sexe). On rentrerait aussi dans une course morbide ou les assurés viendraient avec des preuves medicales de leur consommation de tabac, de leur bulletin de santé degradé... dans l'espoir d'obtenir une rente mensuelle plus importante. J'avoue que cela ne me parait par extremement attractif (c'est un euphemisme!).
Il est difficile, a mon sens, de sortir completement du fait que la retraite est une assurance vieillesse (on s'assure contre le risque vieillesse). Ceux qui ont moins de risques (ceux qui ne vont pas vivre vieux) paient pour ceux qui ont plus de risques (qui vont vivre vieux).
Grrrr... Excellent billet évidemment. J'enrage un peu, car en parallèle, mon avatar universitaire a rédigé la même chose pour un petit livre sur les retraites que la France entière devrait s'arracher à la fin de l'année. Avec un sus un encadré sur la neutralité actuarielle...
Juste pour pinailler un peu : le système de compte notionnel doit s'accompagner d'un effort d'information TRES significatif des assurés, et très tôt dans la carrière. Une étude récente de l'INSEE a montré que le système de surcote déjà existant en France était connu de moins de 50% des français. Du coup, en 2006 (soit 2 ans pleins après la réforme de 2003), il n'y avait que 7% de "surcoteurs".
William et Petitsuix : je ne suis pas sûr de bien comprendre en quoi ce "swap" serait possible. Le régime de retraite ne donne pas droit à un flux financier pendant 20 ans mais à une retraite jusqu'au décès, dont le montant mensuel est calculé en fonction de l'espérance de vie moyenne.
Une solution pour traiter le problème de moindre espérance de vie de certaines catégories serait d'autoriser la sortie en capital, mais elle déséquilibrait financièrement le système.
@emmanuel : pour éviter le problème de "stabilité financière du système" de sa sortie en capital, on peut alors autoriser la sortie en flux garanti jusqu'à l'espérance de vie ; mais évidemment seul ceux qui ont interêt à sortir du système, et donc ont une espérance de vie plus courte, le feront...
C'est même le problême de communiquer le capital notionnel : assez vite les cotisants voudront pouvoir le récupérer, non ?
@Gizmo: Je suis désolé d'avoir anticipé les propositions de l'avatar de Gizmo, mais j'en suis très heureux. La question de l'information des assurés est ultra importante et je ne peux que renforcer cette remarque. La réforme proposée rend cette information nettement plus facile qu'aujourd'hui. Au vu de la complexité du système actuel, il n'est pas étonnant qu'une majorité de salariés ne connaissent pas les règles exactes de liquidation.
Un autre point sur lequel la note n'insiste pas trop (mais qui devrait faire plaisir à Gizmo) c'est le renforcement du rôle du Fonds de réserve des retraites qui prendrait alors un rôle accru en étant le complément en capitalisation de l'assurance vieillesse publique.
@Emmanuel : l’idée derrière la décentralisation du calcul de la rente est d’offrir à des établissements financiers la possibilité de faire l’intermédiation et la discrimination des risques. L’assurance vieillesse verserait à ces assurances le flux de revenu calculé sur la base de l’espérance de vie moyenne et chaque assuré se verrait offert par ces assurances une rente variant en montant selon le risque d’espérance de vie estimé. Ces établissements financiers feraient un profit en étant capable d’offrir des rentes plus élevées aux risques faibles (à ceux qui ont une forte probabilité de mourir plus tôt que l’espérance de vie moyenne) et des rentes plus faibles à ceux qui ont un fort risque (comme les non fumeurs, sportifs, éduqués et riches…). Mais je reste sceptique sur la possibilité pratique d’obtenir un bon fonctionnement d’un tel marché (voir la réponse plus haut à William).
La sortie en capital serait effectivement impossible dans tel système (financement en répartition) sans rendre explicite la dette implicite du système par répartition. De plus, même si l’on met de côté ces éléments de financement, l’objectif de l’assurance vieillesse ne serait pas atteint : la sortie en capital ne permet pas d’obtenir pour autant une rente viagère et donc de s’assurer contre l’incertitude sur la durée de vie.
@linca : voir ma réponse à Emmanuel ; si on veut s’orienter dans une telle voie, il faut obliger tout le monde à sortir du système et à voir sa rente déterminée par une tierce personne.
@William et Emmanuel : Il n’est d’ailleurs pas obligatoire de passer par un mécanisme de marché. On pourrait très bien instaurer une méthode économétrique pour prédire l’espérance de vie en rentrant des caractéristiques déterminées par la loi (age, csp, fumeur ou pas, travaux pénibles, dangereux etc) et publier des tables d’espérance de vie déterminées par ces prédictions.
@tous : mon sentiment à l’heure actuelle, c’est qu’il n’existe pas vraiment de solution totalement satisfaisant à la question des différentiels d’espérance de vie dans un système de retraite. En voulant totalement compenser pour ces différentiels, il faut faire attention à ne pas rendre illisible un système qu’on essaie de simplifier ni à recréer des mauvaises incitations. La réforme proposée, même avec une espérance de vie moyenne, amoindrit la redistribution à l’envers actuellement présente dans le système. C’est déjà un premier pas.
Petitsuix : oui, j'avais compris le mécanisme mais en ce cas on change complètement de paradigme. Les systèmes de répartition (tant l'actuel que celui proposé dans l'article) fonctionnent sur le principe d'une rente viagère, par sur celui d'une rente versée au moins pendant x années.
Très d'accord sur la conclusion. Vouloir calibrer au plus fin risque en effet de rendre le système peu lisible, et d'avoir des effets pervers (au nom de quoi faudrait-il compenser financièrement, par une retraite plus élevée, le choix individuel des fumeurs?).
j'apprecie ecopublix depuis plusieurs mois, j'y ai trouvé des point de vues intéressants. J'ai eu envie de réagir parfois: accords ou bien sûr, désaccord, mais
sur le système de retraite proposé par petitsuix et son coauteur médiatique,
j'aurais plusieurs observations:
1 nous sommes bien dans un système à trois niveaux:
-répartition "beveridgienne" pour la partie en deçà des droits notionnels,
-système décrit de droit notionnels de répartition
-au delà du plafond, capitalisation personnelle...
des difficultés sont bien sûr aux marges: comment fournir un "minimum vieillesse" décent sans donner l'impression de défavoriser ceux qui ont peu cotisé, durant une durée limitée, sauf avec une prestation differentielle progressive , potentiellement coûteuse...
- si les cotisations au systéme de retraite par répartition sont non imposables (ou plutôt imposables au moment de la sortie en rente), les systèmes de capitalisation vont demander le même statut fiscal, qui peut aussi être couteux...peut être admettre la défiscalisation jusqu'à 8 fois le PLSS?
-sur la difficulté liée à la différence d'espérance de vie, si la sortie en pur capital est évidemment impensable, car ne garantissant pas un niveau de revenu et posant la question de la transmission du patrimoine, pourquoi pas une sortie sur un capital à réinvestissement dans un produit "à rente" pour ceux qui le souhaitent, non transmissible, financé par un emprunt de la caisse des retraites,
-sur le problème de la pénibilité , je pense aussi qu'elle doit être gérée par l'entreprise, sous forme de rémunération, ou, péférablement, de compensation en temps libre cumulable dansq un compte épargne temps jusqu'à permettre un départ du poste anticipé de plusieurs années, payées par l'entreprise...
-enfin pour l'assurance maladie, le probléme me paraît différent et ne pas devoir être abordé en même temps.
Bonjour,
Une catégorie sociale qui semble perdante également et que William ne prend pas en compte dans son idée de "rachat" de la pension de retraite est celle des veuves.
La pension de reversion qui est (en gros) de 50% de la pension du conjoint va être d'autant réduite que les pensions sont aussi un peu réduite avec ce système puisque prenant moins en compte les meilleures années.
Ceci signifie que d'avantage de perssonnes agées se retrouveront au niveau du minimum vieillesse qui est véritablement bas, et disons le, indigne.
De même, l'idée de William, qui avait été lancée dans le vent je le reconnais, donne un meilleur pouvoir d'achat à l'ouvrier promis à une fin précoce mais laisse sa veuve à l'espérance de vie plus longue avec une nouvelle brutale chute de revenus (50% calculés sur la pension normale et pas celle rachetée par la banque).
Alors effectivement, il lui restera la possibilité de faire racheter à son tour sa pension de reversion par la banque mais là son espérance de vie plus longue présente moins d'intérêt pour l'organisme financier.
Le minimum vieillesse a de beaux jours devant lui, et j'espère que l'argent récupéré par la mise en place de ce système permettra de construire des hospices publics...
@François: vous avez raison sur votre observation des trois niveaux du système proposé.
Je ne suis pas sûr de comprendre votre remarque sur le minimum vieillesse: pourquoi devrait-il défavoriser ceux qui ont peu cotisé? Son rôle est au contraire de leur apporter un minimum supérieur à ce qu'ils pourraient recevoir avec leurs cotisations.
Sur la question du traitement fiscal des cotisations et de l'épargne, elle est très importante, mais n'est pas vraiment essentielle à la mise en place de cette réforme (c'est une autre question).
@Olgi: le système proposé ne réduit pas les dépenses de retraite. Le fait de calculer la pensions sur l'ensemble des cotisations avantage seulement ceux qui ont cotisé longtemps sur un salaire en faible augmentation par rapport à ceux qui ont cotisé moins longtemps avec des salaires croissants en fin de carrière. Par ce mécanisme, le taux de remplacement pour les faibles salaires (pensions) sera plus élevé que pour les plus hauts salaires (cadres éduqués). L'usage du minimum vieillesse sera donc moindre, contrairement à ce que vous pensez.
Enfin, il faut le répéter, cette réforme ne va libérer aucun argent. Elle va même demander un fort effort financier pour être mise en place afin de régler le problème de la transition.
bonjour
mon commentaire sur le minimum vieillesse disait seulement que si celui-ci est "assez eleve" mettons 600 euros, pour une retraite mensuelle qui serait de l'ordre de 850 euros pour un travailleur qui a cotisé 40,41,42 ans au SMIG, ce dernier pourrait trouver la situation injuste et peu incitative à travailler.
Ce qui pourrait amener à un "pseudo RSA", une indemnité de "minimum vieillesse" partielle pour aider le "retraité pauvre"...
quant à l'aspect fiscal, en haut des tranches de revenu, il est certes en dehors du champ mais ferait certainement l'objet de discussion acharnées entre partisans d'un fort système de capitalisation, qui insisteraient sur la défiscalisation large, forte, et les autres, soucieux de privilégier ce système par répartition...
@François: le fait que le minimum vieillesse peut être considéré comme injuste par ceux qui ont de longues carrières avec des salaires proches du salaire minimum est effectivement un problème. C'est pourquoi le système actuel dispose du minimum contributif. Le post sur le minimum vieillesse sur Ecopublix avait souligné que ce mécanisme a de gros problème d'application aujourd'hui, en plus d'être menacé par l'augmentation du minimum vieillesse décidé il y a un mois. La réforme proposée permet d'offrir de meilleurs taux de remplacement aux carrières longues et plates sans passer un mécanisme supplémentaire et simplement en valorisant les cotisations effectuées par ces salariés aux carrières longues.
Sans prétendre avoir une réponse satisfaisante à cette question complexe, je m'interroge sur la pertinence économique, politique de cette remarque:
"Aujourd’hui, les fonctionnaires bénéficient de retraites plus importantes qui sont financées par une cotisation implicite de l’Etat nettement plus élevée que les cotisations des salariés du privé (près de 60% contre 25% du salaire brut dans le privé). Cela signifie que, sur la rémunération globale d’un fonctionnaire, une part plus importante est consacrée à la retraite et une part plus faible est consacrée au salaire net. En échange de retraites plus importantes, les fonctionnaires acceptent d’être relativement moins bien payés. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, ils devront accepter d’être de moins en moins bien payés (à moins de vouloir diminuer les services publics et diminuer leur nombre…).
La réforme propose de faire apparaître clairement les cotisations retraite des fonctionnaires sur leur fiche de paie et de séparer ces cotisations en deux : celles du nouveau système de 25% (qui donnent les mêmes droits que tout le monde) et les anciennes qui correspondent au supplément de cotisation nécessaire pour financer les retraites courantes des fonctionnaires. L’objectif est de diminuer ce supplément de cotisation et d’augmenter les salaires nets en proportion." etc.
Ce qui me dérange c'est la phrase soulignée, l'idée qu'il y a un arbitrage net et clair entre salaire et retraite chez les fonctionnaires. On pourrait dire aussi: entre salaire et protection de l'emploi; salaire et conditions de travail (voir l'étude sur le salaire chez les enseignants, et le lien avec la féminisation de la profession par ex).
Hors, sans vouloir surévaluer la préférence pour le présent de nos amis fonctionnaires, il me semble pour le moins rapide de considérer que les fonctionnaires sont lésés salarialement à hauteur de leurs avantages en termes de retraite et qu'ils en sont conscients (alors que vous dénoncez justement l'opacité du système...). Ou alors le fonctionnaire moyen est un sacré homo oeconomicus ultra rationnel, qui ne raisonne qu'en terme de revenu permanent et qui sait bien que les 200 euros mensuels que lui met dans la vue son voisin prétentieux seront plus que compensés s'il vit au-delà de 76 ans et deux mois. (héhé)
Evidemment, le problème des retraites pèse très fortement sur le bugdet de l'Etat et affecte très certainement la capacité de négociation salariale des syndicats et des fonctionnaires. Mais le lien est indirect, difficilement mesurable, et comme je l'ai indiqué auparavant, est difficile à isoler parmi d'autres facteurs comme la sécurité de l'emploi. Surtout l'Etat n'est pas un employeur comme les autres, autrement dit le raisonnement qu'on pourrait appliquer à General Motors grevé par ses engagements pour les pensions, marche moins pour l'Etat, qui, tout comme les salariés en mal de pouvoir d'achat (là, tout de suite), a une certaine préférence pour le présent, un présent sans grosses manifs et avec coups de pouce démagogiques.
Au fond, la seule solution à mon sens supportable socialement et dont vous évoquez parfois explicitement, parfois entre parenthèses, les grandes lignes pourrait être la suivante:
- compensation progressive ET PARTIELLE sur la base des avantages actuels en termes de retraite (même s'ils sont difficiles à mesurer)
- compensation également progressive liée à l'augmentation de la productivité des fonctionnaires (baisse du nombre de fonctionnaires, mobilité et polyvalence, remise en cause du statut sont les hypothèses qui me viennent à l'esprit).
Du coup, je pense un peu différemment de Goldhammer: vous êtes finalement trop consensuels et pas assez révolutionnaires pour que, pris dans la dynamique de constructions des réformes, votre projet remette vraiment à plat le système.
(enfin ça serait quand même une bien belle réforme...)
Les 2% de rendement dépendent de la démographie et de la progression des salaires. Le système notionnel sera-il moins sensible à ces variables que le système actuel?
Dans l'étude vous écrivez qu'au 20ème siècle, le rendement réel moyen des obligations a été négatif de 1,8%. "Autrement dit, un système par répartition fondé sur des comptes individuels de cotisations aurait apporté historiquement un meilleur rendement moyen que les rendements financiers observés." Est-ce parce qu'il offre une protection contre l'inflation?
J'ai une autre question un peu floue. Quelles sont les conséquences si les gens essaient d'atteindre l'arbitrage qu'ils considèrent optimal entre consommation présente et future, alors que le taux de rendement du système notionnel diffère de leurs préférences temporelles? (NB : on peut se poser exactement la même question pour le système actuel).
@chadef: il n'y a pas besoin de prétendre que les fonctionnaires sont des homo economicus pour dire qu'il y a un arbitrage entre rémunération immédiate et rémunération différée. Pour un même coût pour l'Etat employeur, il est possible de varier la part consacré au salaire direct et à la pension de retraite. Cela ne doit rien changer à la situation des fonctionnaires (même rémunération totale) ni à celle de l'Etat (même coût de ses agents).
Après, il y a une autre question qui consiste à estimer si les fonctionnaires sont plus ou moins bien rémunérés que les salariés du secteur privé (pour les mêmes qualifications etc). Il ne me semble pas évident que les fonctionnaires soient trop rémunérés (mais plutôt que la part de leur rémunération différée est nettement plus importante que leur salaire).
@Gu si fang: le taux de rendement d'un système de comptes notionnels dépend du taux de croissance de la masse salariale (comme le système actuel), mais celui-ci peut être lissé sans problème pour offrir le rendement moyen (il faut donc un système performant de fonds de réserve qui capitalise les années de forte croissance et désaccumule les années de croissance inférieure à la moyenne). L'avantage de ce système (parce qu'il est fondé sur la répartition) est d'offrir un rendement garanti contre l'inflation.
Je ne comprends pas la dernière question: qu'est-ce que cela veut dire la différence entre le taux de rendement et les préférences temporelles des agents? Vous voulez parler du taux de préférence pour le présent (le taux d'actualisation subjectif) des individus?
Merci pour cette réponse. Pour préciser ma question :
Oui, par préférence temporelle je veux dire le taux naturel wicksellien. Le système notionnel a un rendement aligné sur l'évolution de la masse salariale. Les 2% peuvent être différents du taux naturel. Je me demande ce qui se passe quand les gens essaient de revenir à l'équilibre.
Comme on dit, "c'est du lourd".
Donc, comme il se doit, quelques petites questions sur un aspect relativement anecdotique (je précise que la remarque peut fort bien être valable dans le système actuel) :
1/ La notion d'information, d'information et encore d'information : certes, mais on donne quoi comme information ? Cumul des cotisations versées vs "capital" constitué (en tenant compte de l'actualisation à un certain taux) ? Et surtout, comment calculer la "retraite garantie" (et on retombe sur le problème d'actuariellement neutre) sans exposer le système à un risque de dérive de table (démographique) ?
2/ Ce système pousse encore plus loin l'individualisation des droits (corolaire à l'information, non ?). Cela semble interdire, au moins très fortement limiter, les subventions croisées intra-générationnelles (le concept de cotisation égale / retraite égale signifie a priori également cotisation supérieure de 75% / retraite supérieure de 75%) des riches vers les pauvres (je devrais dire : des pensions les plus élevées vers les pensions les moins élevées) et intergénérationnelles (qui peut dire aujourd'hui si les plus anciens feront plutôt partie de la population à revenu relativement élevé, au contraire de la situation d'il y a 30 ans). Bref, les droits semblent gravés dans le marbre.
3/ Je fais observer en outre que le problème du transfert des droits est effectivement un problème majeur. Problème, à partir où l'on instaure une partie "capitalisation" (afin d'amortir les chocs démographiques) : si l'on doit transférer (vers un autre pays), comment évaluer sa quote-part du gâteau (et des plus-values latentes sur le gâteau) ?
@Gu Si Fang: On revient là à la question du lien entre épargne individuelle et système de retraite par répartition. Les individus peuvent, en effet, réagir a l'obligation de participer au système de retraite (et donc a recevoir un rendement différent de celui déterminé par le marché) en modifiant leur niveau d'épargne (ou leur offre de travail). Les économistes sont très divisés sur cette question de la substitution entre épargne privée et système par répartition. Théoriquement, si les individus sont parfaitement rationnels et si les marches sont parfaits (et dans ce cas, pas besoin de système de retraite public) alors les agents peuvent emprunter ou épargner pour revenir a leur profil de consommation optimale. J'en reste ici car cela devient assez compliqué et on ne sait pas grand chose de la façon dont réagissent les individus face a un taux de rendement différent de leur taux d'escompte (en gros, on voit surtout qu'ils ne réagissent pas bcp).
@Cimon: des bonnes questions pas anecdotiques du tout!
1/ Sous le vocable d’information, on rassemble deux choses : la pédagogie du système et l'information individuelle sur les droits a la retraite.
La pédagogie, ce sont tous les éléments du système qui mettent en avant le fonctionnement du système de retraite (en gros, des cotisations qui financent des retraites qui dépendent de la productivité et de l'espérance de vie). C'est important, a notre sens, qu'une politique aussi importante que les retraites soit bien comprise par les citoyens (afin qu’ils puissent choisir de modifier le système en connaissance de cause). Là-dessus, le système proposé est nettement plus efficace que le système actuel.
La deuxième chose, c'est l'information individuelle sur les droits a la retraite. Elle a deux objectifs : le premier est de renforcer le sentiment que les cotisations des jeunes actifs ne sont pas des taxes, mais de l’accumulation de droits. Ainsi le premier point d'information, qui est consubstantiel a la reforme proposée, est le fait que toutes les cotisations ouvrent des droits (il n’est plus nécessaire de connaître les règles de validation des trimestres et d’agrégation des salaires moyens etc). Chaque année un total des droits accumulés peut être envoyé aux salariés (le capital accumule des cotisations), ou la revalorisation est précisée. On peut aussi facilement envisager que le système de retraite crée des comptes individuels en ligne (comme les comptes bancaires) ou chaque salarié peut consulter l’accumulation de ses droits.
Le second objectif de l’information est d’aider les salariés à planifier leur sortie du marché du travail (et donc a estimer le montant de leur retraite). En utilisant les tables démographiques (espérance de vie estimées chaque année par génération), il est facile de préciser le montant de la retraite déjà garantie selon l’âge de liquidation et le montant de la retraite a niveau de salaire constant selon l’âge de liquidation. Le système de « comptes retraite » en ligne pourrait permettre d’effectuer ces calculs à tout âge.
2/ Vous avez tout à fait raison sur le fait que le système sépare totalement la partie assurantielle de la retraite (retraite égale pour cotisations égales) de la partie redistribution (éléments non contributifs, minimum vieillesse, contributions pour les accidents de carrière etc) qui est financée a part par l’impôt. Le système n’empêche donc en rien des transferts intragenerationnels mais vise à les expliciter comme des transferts. Dans le système actuel, les règles de détermination des pensions conduisent a des transferts des pauvres vers les riches : les longues carrières sont pénalisées par rapport a ceux qui ont fait de longues études et les salariés qui ont eu une faible progression de salaire sont pénalisés par rapport a ceux qui ont eu des carrières fortement ascendantes. Donc, effectivement le nouveau système met un terme à ces transferts intragenerationnels. Les autres gros transferts, présents dans le système actuel (des hommes vers les femmes et des faibles espérances de vie vers les fortes espérances de vie) ne sont pas modifiés.
Pour les transferts intergenerationnels, c’est la même chose. Le système proposé vise à éviter qu’une génération « profite » du système pour faire payer ses retraites par la génération suivante, mettant en péril le contrat de solidarité entre les générations. La mise en place du système par répartition après guerre a permis de transférer d’importants montants des actifs vers les retraités qui avaient été ruinés par l’inflation de la guerre. Avec un système par répartition, ce scenario ne peut pas se répéter. Il devient donc important de fixer les droits dans le marbre afin de garantir la pérennité du système. On peut tout a fait critiquer une telle option, mais il est important d’avoir a l’esprit que laisser possibles des modifications faciles des droits la retraite est a double tranchant : le surcroit de flexibilité (baisse ou hausse des droits) se traduit par une perte de garantie (baisse ou hausse des droits ?). Si votre soucis est le fait qu’il est possible que l’on souhaite consacrer une part plus importante du revenu total a la retraite, alors rien n’empêche de le faire : il suffit d’augmenter le taux de cotisation.
3/ Pour les transferts entre pays des droits a la retraite, le système proposé simplifie tout : il n’y a plus besoin de transferts. Si un Italien vient travailler en France 1 an, il cotise comme tout le monde et recevra une pension selon les mêmes règles sans perdre ses cotisations. Il n’est pas question de prendre en compte la part capitalisé du système qui n’est la que pour assurer la viabilité financière a long terme du système. On peut imaginer que si le montant est faible, le capital accumulé soit versé en capital et non en rente. On peut aussi imaginer des transferts de capital accumulé avec les pays qui sont passés à ce système de comptes notionnels (Suede, Italie, Pologne etc).
Bonjour,
Je trouve que l'aspect capitalisation est négligé dans cette étude en ne retenant que l'aspect répartition : il y a donc un parti pris. De plus ici, lorsque l'on parle de capitalaisation, c'est synonyme de privatisation...
Avec un peu de temps je vais listé les imprécisions de cette "étude".
Cher Anonyme: je ne comprends pas votre remarque sur "l'aspect capitalisation" et votre reproche de "parti pris". Le systeme de retraite actuel fonctionne en repartition a 98%. Il est difficile d'ignorer l'existant.
Quant a votre reproche que nous confondons capitalisation et repartition, c'est une critique totalement injuste: le role que le fonds de reserve des retraites (capitalisation publique) doit jouer dans cette proposition de reforme en est une preuve parmi d'autres. Sinon vous pouvez aussi vous reporter au post sur la typologie des systemes de retraite sur ce blog qui a ete limpide sur le fait qu'il ne faut pas confondre capitalisation et systeme privé (et beaucoup d'autres choses).
Prenez le temps de lire nos "etudes" avant de mettre un nouveau commentaire.
c'est encore moi. Oui l'aspet capitalisation est baclé de mon point de vu dans l'étude. de mémoire un mot pour dire que pour le système suédois, les résultats ne sont pas fameux (ça aurait demandé a être creusé de mon point de vu). De plus, l'exemple pour dire que le système par capitalisation n'ont pas un meilleur rendement est un peu léger.
Mas encore une fois, je vais mettre mes arguements noir dur blanc sur cette étude car il y a des choses à préciser.
ça fait plaisir de lire enfin la transcription claire de ce que beaucoup de gens pensent et espèrent. Tant sur le diagnostic que sur la proposition.
Sur le diagnostic : plus personne ne saisit l'intérêt de cet empilement inextricable de statuts, qui a un coût administratif qui ne doit pas être négligeable mais, surtout, qui génère une incompréhension et une angoisse énormes. En plus, c'est foncièrement inégalitaire.
Sur la proposition : à lire vos idées, on se demande comment on n'a pas réussi à formuler cela plus tôt. C'est un truc que tout le monde souhaite sans le formuler.
Bravo et merci encore, je copie le lien et je fais suivre autour de moi.
Je ne vois cependant pas ce qui interdit à un tel système de continuer à envisager une part plus forte de cotisation pour certains (comme par exemple pour les fonctionnaires), en fait, il semble même envisageable de pouvoir fixer soi-même le niveau de sa part de cotisation. En pratique il me semble qu'il ne s'agit ni plus, ni moins, d'un système par capitalisation garantie par l'état, où les montants des pensions prennent en compte l'espérance de vie (la participation de l'ensemble de la population assurant la solidité du système vis-à-vis des aléas individuels, par opposition à un système par capitalisation purement individuel). Tout ceci en évitant les "dangers" liés aux spéculations des fonds par capitalisation.
Pour moi, une des questions importantes quand on parle des retraites est celle de la différence d'espérance de vie selon les CSP à cause des conditions de travail.
Je ne vois que deux réponse possibles :
- on estime que ce n'est pas l'impôt qui règlera ce problème, on ne le compte donc pas dans la construction de l'impôt. Mais ça doit s'accompagner d'un réel travail sur les conditions de travail pour que cette insupportable injustice cesse
- on estime qu'on ne peut pas vraiment réduire cet écart et dans un souci d'équité on le prend en compte en permettant à certains de partir plus tôt sans souffrir d'une pension amputé.
J'ai du mal à voir comment vous gérer cette question avec cette proposition.
Arg... voilà ce que ça donne de commentez quand on devrait faire autre chose. Quelques corrections !
D'abord "vous gérez" et "amputée"
Ensuite, et surtout, remplacez "impôt" par "système de retraite"
@anonyme: dans la réforme suédoise, la partie en capitalisation (2% de cotisation sont placés dans des fonds) a effectivement soulevé beaucoup de problèmes: difficulté pour les salariés a choisir entre 200 types de fonds et cout d'administration importants (nettement plus élevés que pour la partie en répartition). Cette partie de la reforme suédoise n'est pas du tout reprise dans notre proposition.
@Coline: merci pour ce gentil mot.
@Vince: vous avez raison ; rien n'interdit d'avoir des taux de cotisation différents dans ce système. On pourrait ainsi envisager des cotisations supplémentaires (facultatives) de la part des salariés. Il est plus difficile d'envisager conceptuellement pourquoi on voudrait imposer des taux de cotisation différents. Par contre, je crois qu'il est important de bien distinguer le terme "capitalisation" qui veut dire "placé sur les marchés financiers" d'un système de comptes individuels notionnels qui mimique une épargne sans voir ces fonds placés sur les marchés.
@Colin: je comprends tout à fait votre préoccupation sur les inégalités d'espérance de vie et notre proposition n'est pas complètement satisfaisante de ce point de vue. Quatre remarques quand même:
1/ vous parlez des différences d'espérance de vie liées aux conditions de travail. Le problème, c'est que la plupart des différences d'espérance de vie sont difficilement attribuables aux conditions de travail (mais plutôt a la consommation d'alcool, de tabac etc.). Pour pouvoir bien prendre en compte ce qui est du aux conditions de travail, il faudrait pouvoir les isoler (parfois c'est facile – exemple avec l’amiante - mais souvent non). Une des propositions évoquées dans notre étude serait de mettre en place des cotisations modulées selon les entreprises dépendant de la mortalité des salariés et/ou le taux d’accident du travail. Nous n’avons pas voulu pousser trop en avant cette solution simplement car une telle solution à du mal à fonctionner dans le cadre de la branche accident du travail (a priori plus simple que dans le cadre des retraites). Si on pouvait résoudre ces difficultés de mise en place, alors un tel système aurait une logique plutôt positive d’incitation aux modifications des conditions de travail (et donc de leur impact sur l’espérance de vie).
2/ Sur votre seconde proposition, je crains qu’elle ne tombe sur le même problème que la première : comment faire en sorte de distinguer les salariés selon leur espérance de vie ? Si l’on utilise des catégories très larges (cadres, ouvriers etc), des sauts entre catégories auront des effets très forts sur l’âge de départ en retraite ; si on utilise des catégories très fines, cela entraine la course aux cas particuliers et desincite tout effort sur les conditions de travail. Si enfin on utilise des prédictions médicales, on offre plus de retraite à ceux qui ont des comportements a risque (on les incite a continuer…).
3/ Notre proposition permet quand même de réduire la redistribution à l’ envers de ces inégalités d’espérance de vie : avec un plafond plus bas et la prise en compte des débuts de carrière, les ouvriers qui ont les plus faibles espérances de vie sont peu touchés en terme de retraite par l’espérance de vie moyenne. Ce n’est pas idéal, mais c’est déjà mieux qu’actuellement.
4/ Idéalement, il faut s’attaquer a la base du problème, qui est un problème de santé publique. Ma grosse crainte est qu’en voulant réduire cette inégalité criante, on en oublie de traiter la cause…
Bonjour et un grand merci pour cette proposition.
En ce qui concerne les différences d'espérance de vie, qui m'a également sauté aux yeux comme le grand absent de la proposition, je suis d'accord pour dire que le seul indicateur réellement objectif est le taux d'accidents du travail, mais il laisse passer la majeure partie des problèmes. Regarder l'espérance de vie par métier revient à définir la dureté du métier en considération de ce qu'il était il y'a 30 ou 40 ans, quand travaillaient les gens qui meurent aujourd'hui. On espère que ces métiers ont pu évoluer depuis. Et quid des nouveaux métiers pour lesquels on a pas encore de donnée?
Il me semble que s'il y'a bien une place pour le dialogue social, c'est là. Le meilleur système est sans doute de mettre en place un bonus de crédit pour les années dans des métiers "pénibles", cette pénibilité étant définie dans une convention collective. Ensuite surviennent les difficultés: s'agit-il d'un sursalaire brut de branche? Mais alors quelle amélioration réelle de la situation du salarié, dont les représentants auraient aussi bien pu négocier un sursalaire net dans un monde idéal? Est-ce au contraire pris en charge au niveau global? Mais alors comment ce poids est-il réparti? Ne risque t'on pas de rentrer dans un combat de titans s'il y'a un gâteau de la pénibilité à se partager?
Pourtant, je crois que ce système reste le meilleur car si les indicateurs objectifs font finalement défaut, on doit se rabattre sur des positions subjectives pour déterminer la pénibilité du métier, et dans ce cas la discussion entre partenaires sociaux est sans doute la moins mauvaise enceinte pour y arriver.
Encore une fois, merci!!
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