Maintenant que vous avez lu le dernier Econoclaste, vous pouvez acheter dans toutes les bonnes librairies le dernier opuscule du Cepremap, consacré à la proposition faite par Thomas Piketty et votre serviteur pour une ambitieuse réforme des retraites. Il s’agit d’une version remaniée et révisée du document de travail esquissé en mars dans Le Monde, présenté sur Ecopublix et discuté par Emmanuel de Ceteris Paribus et Arthur Goldhammer de French politics. Un court article annonce la publication dans l’Express et l’opuscule sera présenté le 24 octobre à Paris et discuté par M. Charpin et M. Malys. Il y a peu de sexe et beaucoup de notes de bas de page, mais nous avons essayé d’être aussi pédagogique que possible sur ce sujet qui concerne chacun d’entre nous.
De nombreux autres travaux restent à faire, mais nous espérons que cette proposition suscitera suffisamment d’intérêt pour motiver d’autres études, plus poussées et plus précises. L’objectif n’est pas de proposer une solution miracle – l’équation fondamentale des retraites (cotisations, niveau des pensions et âge de la retraite) est incontournable – mais de clarifier les droits à la retraite sur le long terme et ainsi renforcer notre assurance vieillesse publique, obligatoire et en répartition.
Les points qui ont été clarifiés dans cette nouvelle version concernent en particulier la question de la revalorisation des pensions après la liquidation. La logique des comptes notionnels est d’offrir la même revalorisation que la croissance des salaires (et non pas une revalorisation, généralement plus faible, sur les prix). Ceci a l’avantage d’un système très simple en terme de mécanisme et aussi très clair : la croissance est partagée entre actifs et retraités et le niveau de vie des retraités est maintenu constant relativement au niveau de vie des actifs. Dans le système actuel, les retraites sont indexées sur les prix, entraînant en cas de croissance un décrochage progressif des pensions par rapport aux salaires, décrochage d’autant plus marqué que les retraités sont âgés ou sont partis tôt en retraite.
Bien évidemment, si l’on décide de passer à une revalorisation par les salaires et non les prix, cela a un coût qui se traduit par des taux de remplacement plus faible au début de la retraite, en échange de retraites qui sont revalorisées plus favorablement. Dans le système suédois actuel ainsi que dans le système italien, les pouvoirs publics ont décidé de maintenir l’indexation sur les prix et donc d’anticiper la croissance des salaires en offrant des taux de remplacement plus élevés en échange d’une revalorisation par les prix. C’est de là que vient le mécanisme de 1,6% de croissance (cas suédois) anticipé. Cela donne lieu à un mécanisme de correction automatique si la croissance se retrouve plus faible que le taux anticipé : les retraites peuvent ainsi croître plus faiblement que l’inflation si le taux de croissance passe en dessous des 1,6%.
Dans l’opuscule, nous avons proposé de considérer de revenir en arrière sur cette indexation sur les prix instituée par M. Balladur pour remettre en place une indexation sur les salaires. Non seulement le mécanisme d’ajustement est plus simple (tous les salariés et retraités profitent de la même croissance des salaires) mais aussi les choix de retraite sont plus transparents. Le succès de la réforme Balladur a été de réduire les pensions par un mécanisme d’indexation peu clair aux yeux des salariés (pas de baisse apparente du taux de remplacement) même si la réduction des taux de remplacement était bien réelle. La logique des comptes notionnels est de mettre au jour la soutenabilité du système et de clarifier les choix publics à faire.
Là encore vos commentaires sont les bienvenus.
De nombreux autres travaux restent à faire, mais nous espérons que cette proposition suscitera suffisamment d’intérêt pour motiver d’autres études, plus poussées et plus précises. L’objectif n’est pas de proposer une solution miracle – l’équation fondamentale des retraites (cotisations, niveau des pensions et âge de la retraite) est incontournable – mais de clarifier les droits à la retraite sur le long terme et ainsi renforcer notre assurance vieillesse publique, obligatoire et en répartition.
Les points qui ont été clarifiés dans cette nouvelle version concernent en particulier la question de la revalorisation des pensions après la liquidation. La logique des comptes notionnels est d’offrir la même revalorisation que la croissance des salaires (et non pas une revalorisation, généralement plus faible, sur les prix). Ceci a l’avantage d’un système très simple en terme de mécanisme et aussi très clair : la croissance est partagée entre actifs et retraités et le niveau de vie des retraités est maintenu constant relativement au niveau de vie des actifs. Dans le système actuel, les retraites sont indexées sur les prix, entraînant en cas de croissance un décrochage progressif des pensions par rapport aux salaires, décrochage d’autant plus marqué que les retraités sont âgés ou sont partis tôt en retraite.
Bien évidemment, si l’on décide de passer à une revalorisation par les salaires et non les prix, cela a un coût qui se traduit par des taux de remplacement plus faible au début de la retraite, en échange de retraites qui sont revalorisées plus favorablement. Dans le système suédois actuel ainsi que dans le système italien, les pouvoirs publics ont décidé de maintenir l’indexation sur les prix et donc d’anticiper la croissance des salaires en offrant des taux de remplacement plus élevés en échange d’une revalorisation par les prix. C’est de là que vient le mécanisme de 1,6% de croissance (cas suédois) anticipé. Cela donne lieu à un mécanisme de correction automatique si la croissance se retrouve plus faible que le taux anticipé : les retraites peuvent ainsi croître plus faiblement que l’inflation si le taux de croissance passe en dessous des 1,6%.
Dans l’opuscule, nous avons proposé de considérer de revenir en arrière sur cette indexation sur les prix instituée par M. Balladur pour remettre en place une indexation sur les salaires. Non seulement le mécanisme d’ajustement est plus simple (tous les salariés et retraités profitent de la même croissance des salaires) mais aussi les choix de retraite sont plus transparents. Le succès de la réforme Balladur a été de réduire les pensions par un mécanisme d’indexation peu clair aux yeux des salariés (pas de baisse apparente du taux de remplacement) même si la réduction des taux de remplacement était bien réelle. La logique des comptes notionnels est de mettre au jour la soutenabilité du système et de clarifier les choix publics à faire.
Là encore vos commentaires sont les bienvenus.
22 commentaires:
(1) Comme vous le dites, l'indexation sur les prix est une facon de rendre moins clairs les choix et de "lisser" l'ajustement des retraites. Est-ce un defaut?! Dans un systeme politique ou reduire la depense est bien difficile, c'est un instrument utile...
(2) Sur le fond, la qn du partage du risque est important:
- risque agrege sur les prix/salaires; l'indexation sur les prix garantit un niveau de vie absolu aux retraites (~ real bond), et laisse les actifs exposes au risque agrege de l'economie (croissance et cycles) ; on ne voit pas trop pourquoi alors que les retraites sont en principe plus a meme de ;
- risque idiosyncratique: la question est vaut-il mieux "front-loader" les retraites avec des taux plus eleves et de l'indexation + faible? les retraites sont dans une situation de desepargne, donc pas de contrainte de financement, donc non en principe...
- une question interessante sur les retraites en general c'est la difficulte de predire le taux de mortalite. Poterba dans sa presentation a SED l'ete dernier (slides: http://www.economicdynamics.org/poterba08.ppt ) en parlait en disant que les compagnies d'assurances s'inquietaient de cette possibilité.
ça a l'air bien mais par quelle baquette magique le système actuel, en déficit, va ne plus être en déficit?
c'est de la magie ou une arnaque?
@Anonyme A: Je pense que c'est un défaut car les individus n'ont pas conscience de la reduction des pensions. Ils ne peuvent ni repousser leur depart en retraite ni decider de consacrer une partie plus importante de revenus d'activite a la retraite. Ils risquent donc d'etre surpris en fin de vie par le faible montant de leurs retraites. La raison pour laquelle on a un systeme de retraite c'est pour eviter cette situation.
@Anonyme B: il n'y a pas de baguette magique ni de solution miracle: le systeme de comptes notionnels ne regle en RIEN les deficits du systeme actuel. Il faudra les payer d'une facon ou d'une autre. Ce que notre proposition suggere c'est de dissocier les deficits du systeme actuel des deficits du systeme a terme. La bosse du baby boom est due au fait que les caisses de retraite n'ont pas fait de reserves pendant que les baby-boomers etaient actifs. Ce probleme n'est pas reglé par le changement de systeme et correspond a ce que nous avons identifié comme des mesures "financieres transitoires" (nous n'en minimisons pas l'importance).
L'autre probleme a long terme du systeme de retraite est l'augmentation de l'esperance de vie. Et ce probleme est pris en compte dans un systeme de comptes notionnels qui ajuste pour chaque generation le niveau des pensions mensuelles a l'esperance de retraite de cette génération.
Merci pour votre réponse.
Je suis surpris par votre réponse : vous dites que les systèmes actuels n'ont pas fait de réserves pour passer le cap du baby-boom. qui dit réserves dit capitalisation!! et vous êtes très négatif ds votre étude sur le sujet.
Ensuite prendre des taux actuariels au moment du départ ne résout pas (en partie) le problème de dérive.
Vous admettez que votre solution ne résoud pas le déficit structurel mais c'est la ou est le problème, avec la diminution des taux de remplacements qui va avec. comment peut on alors proposer une solution qui fera encore diminuer ces taux de remplacement? vous croyez que c'est jouable socialement?
@Anonyme B: Dans un systeme de comptes notionnels, si l'essentiel du financement est en repartition, les mouvements demographiques ou economiques donnent naissance a un provisionnement/decaissement dans le fonds de reserve qui est adossé au systeme. Simplement les engagements de retraite qui sont en repartition doivent le rester. Nos preventions contre la capitalisation sont simplement contre l'idee qu'elle puisse etre la solution de remplacement au systeme actuel. Les marches financiers ont en effet un rendement tres risqué et une transition totale vers la capitalisation impliquerait de financer deux generations en meme temps (pour prefinancer les retraites des jeunes et financer celles des retraités). Nous sommes par contre tres positifs sur la capitalisation mise en place avec le fonds de reserve des retraites.
Ensuite sur votre remarque sur le deficit structurel, je ne suis pas sur de vous suivre. Si vous appelez deficit structurel, les deficits qui sont aujourd'hui prevus pour les caisses de retraite d'ici a l'horizon 2050, il y a bien deux problemes: le baby-boom et l'esperance de vie. Le baby-boom est un probleme transitoire qui represente un cout absolu (c'est le probleme mis de coté dans notre proposition). L'augmentation de l'esperance de vie par contre est un probleme permanent et il est pris en compte dans un systeme de comptes notionnels.
Sur la question des taux de remplacement: si on maintient le meme taux de cotisation, l'augmentation de l'esperance de vie va reduire les taux de remplacement pour un age de depart en retraite donné. Oui. Mais c'est inevitable. Si on souhaite eviter une telle baisse il faut soit repousser l'age de depart soit augmenter le taux de cotisation.
Nous pensons que la vertu d'un systeme en comptes notionnels est de clarifier et rendre transparent ces choix. Les choix fait par les citoyens en connaissance de cause seront socialement acceptable...
La prise en compte de taux actuariel ne résoud pas le problème de fond : le déficit structurel du régime par capitalisation
d'un coté vous avez une population active qui devrait stagner donc les ressources devrait évoluer comme la masse salariale et d'un autre coté, les retraités qui vont augmenter en nombre et donc les dépenses devraient augmenter avec une taux supérieur à celui de la masse salariale : d'où un déséquilibre que les taux actuariels ne pourront pas résoudre.
Enfin, en analysant le "report orange" (rapport du régime suédois), on constate que le taux de couverture du régime est à peine au dessus de 100%! et pourtant ce taux comprend des réserves équivalent à 4 années de retraites (en France cela équivaut à 800 milliards!!)
donc le sysème suédois a pu se mettre en place car ils avaient les réserves pour. En France, nous n'avons pas cette marge de maneuvre.
Je rajouterai, que ce système de compte notionel, n'est pas si bien perçu par les suédois eux mêmes.
Donc je doute de l'interet de passer d'un système déficitaire à un autre système déficitaire, même s'il est plus juste.
L'effort doit être fait pour trouver une solution fiable dans le temps
Bonjour,
J'ai lu votre "opuscule" et mes remarques portent sur ce texte.
Je n'arrive pas à comprendre ce qui ferait de vos propositions un plus considérable par rapport à la situation actuelle.
Ce que je note : une meilleure transparence, une mobilisation de l'épargne sur du long terme (retraite) et pas du court terme (dépenses courantes), les carrières longues récompensées.
Est-ce que réellement, pour ça, ça vaut la peine de changer ?
Il doit y avoir quelque chose qui ne passe pas dans votre message, qui ne me parle pas, car pour moi, c'est très sympathique mais ça ne vaut pas un grand changement. C'est peut-être juste une question de marketing, trouver le langage qui fait s'impliquer la ménagère de moins de 50 ans...
Vous écrivez : "le régime de pension des fonctionnaires est globalement plus généreux que celui du privé, afin de compenser des salaires plus faibles". Cette causalité a-t-elle été démontrée ou est-ce un artefact de mesures plus ou moins démagogiques prises avec le temps ?
Pourquoi répétez vous sans cesse "actuellement 40 ans" alors que pour la plus grande partie de vos lecteurs, la retraite se calculera sur 42 annuités et que votre raisonnement doit en tenir compte ?
Quelque chose me paraît mal dit. Un salarié cotisant 39 annuités ne profitera pas de la retraite une année de plus (21 au lieu de 20 dans votre exemple page 42)! Personnellement j'arriverai au mieux à 29 annuités à 65 ans, j'aurais pourtant 65 ans comme celui qui aura 42 annuités !
S'il y a bien une chose que votre méthode ne changera pas c'est que la précarité et le chômage grandissant conduirons bon nombre d'entre nous au minimum vieillesse.
Chère Olgi,
D'abord merci d'avoir pris la peine de lire notre proposition. Sachant le temps que vous avez déjà consacré à lire nos arguments, je ne pense pas vous convaincre avec quelques lignes supplémentaires, mais j'essaye quand même.
Le système que nous proposons ne va pas apporter des améliorations considérables en terme de niveau de pension. Mais aucun système ne peut s'extraire de la contrainte que les retraites sont toujours payées par les salariés. Si nous vivons plus longtemps, nous devrons soit cotiser plus, soit plus longtemps, soit accepter des pensions réduites.
Notre proposition ne changera rien à cela. Par contre, le changement considérable de notre proposition est de révéler de façon transparente quels sont les choix à faire. Aujourd'hui, le système de retraite n'est pas à l'équilibre. Les jeunes actifs cotisent pour des droits de retraites dont ils ne peuvent pas savoir dans quelle mesure ils seront garantis. Afin de garantir le système (convaincre les jeunes actifs de continuer à cotiser) ainsi que faciliter le débat public sur le choix du niveau de prélèvement que l'on veut bien consacrer aux retraites, il est important de simplifier le système. Notre proposition ne vise pas tant les générations sur le point de partir en retraite qui bénéficieront du système actuel que les jeunes générations qui doutent des droits à la retraite qu'ils peuvent espérer.
Notre proposition ne résout pas le chômage, la pauvreté, pas plus que la faim dans le monde et bien d'autres choses. Elle vise juste rendre plus simple et plus transparent notre système de retraite afin de garantir sa pérennité.
Sur les fonctionnaires, il n'y a pas de causalité très claire, mais les gouvernements trouvent souvent plus facile de réduire la croissance des salaires que celle des pensions qu'ils ne maîtrisent pas très bien. Aujourd'hui par exemple les salaires des fonctionnaires sont plutôt en baisse réel, mais le coût de leur pension en hausse. Il ne me semble pas très efficace de rémunérer les agents de l'Etat plus avec des pensions qu'avec du pouvoir d'achat.
A défaut de vous avoir convaincue, j'espère avoir éclairci votre lecture.
Rapport tres interessant. Pour info je crois qu'il y a une typo dans l'exemple donne de calcul de la pension versee (p.21). Ce n'est pas 1540 euros (1540*12*20=369600) mais 1570 (1570*12*20=376800)...
Antoine,
Merci pour toute cette série sur les retraites, et j'espère qu'elle va continuer !
Je n'ai pas eu le temps de lire en entier votre opuscule, donc désolé si vous y répondez par avance aux questions que je me permets de vous poser ici.
1) Tout système d'épargne obligatoire est paternaliste. Que répondrez-vous à celui a une forte préférence pour le présent et/ou une aversion au risque faible ? De même pour celui qui ne voudrait pas sortir en rente mais plutôt en capital au moment où il part en retraite.
Est-ce que votre réponse sera (outre la baisse du PSS) : “les gens n'arrivent pas gérer rationnellement leurs revenu sur long terme, donc le système obligatoire maximise le bien-être agrégé même s'il n'est pas pareto-optimal” ? Auquel cas, la défense d'un système non-obligatoire requerrait non pas un argument économique, mais un argument moral de type libertarien.
2) Il me semble que votre proposition ne repose sur aucun argument de redistribution, mais seulement a) de maximisation du welfare et b) d'équité horizontale. Est-ce vrai (ce serait un atout politique) ?
Par exemple, la prise en compte de la pénibilité par l'intermédiaire de l'espérance de vie est présentée, si j'ai compris, comme un simple argument d'équité horizontale (c'est nécessaire pour distribuer à chacun l'entièreté son capital épargné ; dans le système actuel, certains meurent trop tôt).
3) Ce que je vais dire doit être faux, mais je ne sais pas pourquoi.
Je suis surpris que votre argument en faveur de la répartition repose sur l'impossibilité des marchés financiers à garantir un capital sur long terme, alors que nos banquiers nous expliquent qu'au contraire c'est sur long terme qu'on peut absorber la volatilité. Pourquoi ce qui est vrai pour mon épargne à moi ne le serait pas pour celle de tous ?
Ainsi, si on admet que : a) sur long terme, le rendement des marchés actions est au moins significativement supérieur au taux d'accroissement de la masse salariale ; b) les systèmes par capitalisation mutualisent les fonds des épargnants ; c) dans un fonds de pension, les retraits ne peuvent avoir lieu tous en même temps et, mieux encore, ils sont anticipables ; dès lors, ne peut-on imaginer qu'on arrive à lisser l'effet des baisses boursières pour distribuer à chacun, dans 40 ans, certes moins que la rentabilité des marchés elle-même, mais néanmoins davantage que l'accroissement de la masse salariale ?
Je suppose que la réponse se trouve dans l'examen des fonds de pension existants, mais je ne la trouve pas. Est-ce qu'en fait on ne veut pas considérer a) comme admis (cf. la baisse actuelle de la bourse) ?
4) S'il est vrai que le taux de cotisation des fonctionnaires (et sans doute leur espérance de vie à la retraite) est plus élevé, cela signifie qu'à salaire net égal, leur revenu tout au long de la vie est plus élevé que celui d'un salarié du privé. Mais de combien précisément faut-il réévaluer leur salaire net pour pouvoir faire la comparaison avec le privé ?
Cet élement n'est jamais évoqué dans le débat sur le montant des salaires du public, alors qu'il paraît essentiel.
Merci de me répondre si vous avez le temps !
Arthur Muller
Arthur,
La série sur les retraites n'est pas prête de s'arrêter (si les lecteurs ne se lassent pas!). Vos questions nécessiteraient chacune de longs posts, mais j'essaie
d'être succinct dans mes réponses.
1)L'argument paternaliste: la mise en place de système de retraite est en partie due à des raisons paternalistes (les individus n'épargnent pas assez et finissent pauvres et dépendant de l'Etat ou de la charité) ou des raisons d'efficacité (les marchés financiers ne sont pas parfaits et ne parviennent pas à offrir un risque suffisamment faible sans l’aide de l’Etat). Par exemple, les régimes en capitalisation mis en place dans les années 1930 ont été balayés par l’inflation de la guerre et il a fallu faire le choix à la Libération soit de « laisser mourir » ces anciennes générations, soit de leur offrir une retraite via l’Etat. Le choix d’un système par répartition à ce moment là s’explique simplement par ces conditions historiques. Même dans les systèmes de retraite privés existants dans le monde, il existe des régulations obligeant les fonds de pension à détenir des actifs sans risque (des obligations d’Etat). Pour qu’ un système de retraite non obligatoire puisse être maintenu, il faut accepter que ceux qui n’auront pas assez épargné, mal investi, sous-estimé leur espérance de vie ou eu la malchance de prendre sa retraite après un krach ou une guerre, se retrouvent au grand âge dans une situation de pauvreté. Si la société ne souhaite pas « laisser mourir » les vieux pauvres, alors il y a un argument en faveur de l’assurance obligatoire (pour éviter le hasard moral ou la pauvreté des vieux).
2)Notre proposition repose sur une distinction de la redistribution de la partie assurance : le système de comptes notionnels s’appuie en effet sur un argument d’équité horizontale. Dès lors que le système a de telles complexités qui permettent des effets antiredistributifs ou qui contredisent l’équité horizontale, il nous semble important de clarifier ce qui est un pur problème d’assurance. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas un débat possible sur le niveau et les façons d’effectuer de la redistribution verticale : en séparant bien la partie redistribution, il est possible de mieux cibler celle-ci sur les retraités pauvres, mieux assurer contre les risques de carrière etc.
3)Sur le rendement de la capitalisation, deux choses sont à mentionner : d’abord si effectivement il est possible d’obtenir des rendements plus élevés et de moindre variance avec les marchés actions sur le long terme, la variance reste encore très élevée : si le rendement des actions (portefeuille diversifié) sur un siècle est de l’ordre de 7%, l’écart-type est de 28% ! Pour réduire cette variance, il est possible de s’assurer en partie avec des options (qui sont couteuses et réduisent d’autant le rendement moyen) ou par la diversification avec des actifs sans risques comme les obligations d’Etat (qui sont en fait équivalents au principe de répartition). Ensuite, la comparaison avec le rendement de la répartition est faussée par le fait qu’une transition vers la capitalisation implique d’honorer les engagements passés (la dette implicite du système de retraite actuel). Il faudrait donc taxer les rendements de la capitalisation pour honorer cette dette. Même s’il était possible d’obtenir des rendements financiers moins risqués, le coût d’une transition vers un système capitalisé serait gigantesque. Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas pertinent d’augmenter la part capitalisée du système actuel (en augmentant les contributions au fonds de réserve par exemple).
4)La question est bonne et nous n’avons pas de réponse définitive : une partie du surplus de cotisation retraite de l’Etat employeur est due à des effets démographiques, une partie à des pensions plus généreuses. Ensuite la comparaison des salaires des fonctionnaires avec ceux du privé n’est pas aisé du fait que la structure des emplois et des qualifications est très différente.
Merci de votre réponse rapide et complète !
Pour vérifier si j'ai compris :
1) sans système obligatoire, on a un dilemme entre acceptation de la pauvreté des vieux qui ont tout dépensé et aléa moral. En effet.
2) l'opuscule CEPREMAP s'intéresse à la fonction d'assurance seulement, donc par définition pas à la redistribution.
3) vous doutez que les avantages de la capitalisation, s'ils existent, soient suffisants pour justifier une transition coûteuse.
4) vous ne savez pas.
Il me semble interessant de donner la source sur le rendement de 7% avec un écart type de 28% (ou en Europe, aux EU? quels portefeuile,etc)
merci
Je rajoute que donner un écart type en ignorant les mécansime de base de lissage de cet écart type et les outils utilisé par les fonds de capitalisation, c'est faire l'impasse sur ce qui se fait réellement sur le marché.
Prenez l'exemple des contrats d'assurance vie libellés en Euro dont l'actif sous jacent possède une partie en Action (de l'ordre de 20%) : quel est d'après vous l'écart type?
Votre analyse sur la capitalisation est très légère, très théorique.
@Arthur: oui, c'est bien cela!
@Arthur et Anonyme: pour être très clair, le point de vue exprimé en faveur de maintenir le système en répartition n'est pas une opposition de principe à un financement en capitalisation. C'est simplement le fait que le rendement supérieur des marchés financiers ne permet pas d'autofinancer la transition (car le rendement plus élevé se traduit par un risque plus élevé). Cela ne veut pas dire que la composition optimale entre financement sans risque (répartition ou bonds du Trésor) et actifs risqués est actuellement la bonne: je suis d'ailleurs plutôt en faveur d'une augmentation du rôle joué par la capitalisation via le fonds de réserve des retraites.
@Anonyme: les références des rendements financiers (cités dans l'opuscule!) viennent de Robert Barro Quarterly Journal of Economics, Août 2006, "Rare Disasters And Asset Markets in the Twentieth Century". L'article propose une explication à problème "d'equity premium" en soulignant que sur le XXème siècle les rendements des marchés financiers ont subi de multiples crise avec des baisses considérables (le tableau II donne une liste de ces krachs du marché et le tableau IV correspond aux rendements cités).
@Anonyme: Mon analyse est sûrement très légère, mais je peux vous faire remarquer que le lissage des risques qui est fait par différents instruments financiers repose sur l'utilisation d'actifs sans risque qui ne sont que des reconnaissances de dette de l'Etat (ie les obligations d'Etat). La répartition correspond à un financement uniquement par ces obligations d'Etat sans risque. On peut tout à fait juger que nos assurance de retraite publique devrait constituer des réserves plus importantes et les placer en partie sur les marchés financiers (voir remarque plus haut) mais il ne faut pas pour autant oublier que le rendement plus élevé de ceux-ci se traduit par un risque plus élevé: l'écart-type n'est pas théorique! Il suffit de jeter un coup aux marchés financiers de ces derniers mois pour s'en convaincre, non?
Merci pour vos réponses.
Sur le lissage du risque, je ne pense pas à des outils comme l'utilsation des obligations d'état mais à des outils comme la PPE utilisée en assurance vie par exemple (Provision pour excédents).
Je vous conseil de regarder la dimunition des bourses entre 2001 et 2008 par exemple et de regarder les rendements des fonds euros des assureurs. cela devrait vous amener à vous demander pourquoi l'écart type n'est pas celui que vous indiquez.
Le métier d'un assureur n'est pas celui d'un banquier et il dispose d'outil pour lisser les variations.
Je ne partage pas votre opinion sur le fait que la répartition c'est le financement par les obligations d'état sans risque pour 2 raisons :
*la répartition repose sur les actifs, les obligatoins d'état sur les ressources de l'état et donc sur toute la population,
*les actifs considérés dans la répartition sont uniquement au niveau de l'état alors que les obligatoins peuvent porter sur plusieurs états et être des obligations d'entreprises.
Deux dernières questions et je vous laisse tranquille :
1) sauf erreur de ma part, je me souviens que dans les posts précédents, vous expliquiez que, à une ou deux hypothèses raisonnables près, le système par capitalisation n'évitait pas le problème du changement du ratio démographique (les retraités vendeurs de produits financiers sont plus nombreux que les achteurs actifs et donc la valeur de ces produits baisse). Je voulais alors déjà vous poser une question que suggèrent les remarques de M. Anonyme : dans un régime par capitalisation, les acheteurs potentiels ne sont pas limités au pays des retraités ; si donc il existe des pays qui ont un autre ratio démographique (et un nombre d'investisseurs suffisant), la dévaluation à la vente n'existe plus et cela change la donne. Or, c'est bien le cas aujourd'hui, et sans doute encore davantage dans les décennies à venir. Est-ce que ça ne pourrait pas être un bon argument en faveur de la capitalisation, tant que la démographie n'est pas uniforme dans le monde ? Ou je me trompe ?
2) Pouvez-vous me conseiller un article ou deux sur ce débat répartition / capitalisation ? Je n'ai pas trouvé quelque chose de bien par moi-même.
Merci encore et j'espère vous lire à nouveau sur le sujet !
Arthur
@Anonyme: Vous avez parfaitement raison de souligner qu'il est possible de lisser les rendements par de multiples instruments et ainsi d'offrir un rendement plus faible en échange d'un risque (écart-type) plus faible. Mais la question pour notre système de retraite en répartition est de savoir si ce rendement lissé pour obtenir le même niveau de risque est suffisant pour envisager de remplacer le système en répartition par un système en capitalisation. Et la réponse est là très certainement négative. La dette implicite du système de retraite français est de l'ordre de 450-500% du PIB. Pour passer à un système en capitalisation, il faudrait taxer les rendements (après lissage) pour rembourser une telle dette (c'est-à-dire payer les retraites des générations actuellement en retraite) en même temps qu'accumuler des actifs pour les nouvelles générations d'actifs. Comme nous devons faire face en plus à l'effet baby-boom qui n'a pas été provisionné par des réserves, envisager un basculement à la capitalisation me paraît complètement impossible.
@Arthur et M. Anonyme: ce que j'ai dit plus haut ne veut pas dire qu'il n'y a pas des arguments forts à une utilisation accrue de la capitalisation. L'argument que je trouve le plus convaincant est celui mentionné par M. Anonyme sur le fait que la capitalisation permet de diversifier les risques hors des frontières nationales.
@Arthur: je vais publier bientôt un post sur les rendements de la répartition; je devrais aussi envisager un post sur le débat capitalisation/répartition. En attendant je peux vous recommander Blanchet et Villeneuve "Que reste-t-il du débat répartition-capitalisation?", Revue d'économie financière, 1997 ou le livre de Patrick Artus et Florence Legros "Le choix du système de retraite" Economica.
Sur le lissage, je pense que l'on ne se comprend pas dans la mesure ou les outils auxquels je pense ne réduisent pas le rendement.
Sur la dette implicite du système français, je pense que vous faites erreur en parlant de 450-500% du PIB. la rapport Pebereau l'évaluait à 450-500 milliards (de mémoire), une note de l'INSEE allant jusqu'à 1000 milliards.
D'un autre coté, je ne suis pas partisan de tout passer en capitalisation.
Le coût d'une transition devrait être affiné et a été fait dans certains pays (comme le Chili).
Dans le dernier rapport de la cour des comptes (sur la répartition des prélèvements obligatoires entre génération), il y a un graphique où l'on montre l'évolution du taux de remplacement en fonction de plusieurs scénarios (dont l'un avec introduction d'une dose de capitalisation), interessant et à développer.
@Anonyme: Je ne comprends effectivement pas comment il est possible d'obtenir le même rendement avec moins de risque. Tout mécanisme d'assurance ou de lissage a un coût qui se traduit par un rendement plus faible.
Sur les engagements implicites des systèmes de retraite, le rapport Pébereau ne reprend que la dette implicite du régime de la Fonction publique. Il y a plusieurs mesures de ces engagements implicites de l'ensemble des systèmes de retraite qui varient entre 3 et 5 années de PIB selon les hypothèses faites. Je vous conseille la lecture de l'article de Blanchet et Ouvrard "Indicateurs d'engagements implicites des systèmes de retraite" . Les variantes sont présentées et discutées.
En effet, c'est à cette note de l'INSEE à laquelle je pensais mais je ne me souvenais plus que cela ne concernait que la fonction publique.
Pour revenir au mécanisme de lissage, je ne parle pas de mécanisme d'assurance mais de mécanismes utilisés en assurance. 2 outils sont à leurs dispositions:
*la PPE : provision pour excédents (on stocke lordque que l'on fait des excédents, et on destocke lordque les rendements financiers sont moins bon),
*et la norme comptable solvabilité 1 (en cours solvabilité 2 qui n'a pas la même logique) qui permettent de piloter le résultat d'assurance (PDD : provison pou dépéréciation d'actifs, PRE : provision pour risque d'exigibilité) et surtout comptabilisation des actifs au coût historique.
Toût ceci n'a pas de coût et expliquent pourquoi les assureurs en France sont moins sensibles au risque de volatilité.
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