mardi 26 février 2008

Qui paie la TVA ?


Même si la question de la TVA sociale n'occupe plus le devant de l'actualité, les variations des taux de TVA sont encore à l'ordre du jour. Qu'il s'agisse d'en augmenter le taux normal (TVA sociale) ou d'en diminuer le taux réduit (sur les biens de première nécessité), les commentateurs partent généralement du principe que ce sont les consommateurs qui paient l'intégralité de la taxe. Les posts qu'Ecopublix a consacré à l'incidence fiscale ont dû leur échapper... sinon, ils sauraient que la TVA est aussi payée par les entreprises. Au sujet de la TVA, deux idées fausses s'affrontent selon le côté du marché où l'on se situe : du côté de la demande, les consommateurs pensent qu'ils paient l'intégralité des taxes sur la consommation, l'expression "taxe indirecte" étant à cet égard trompeuse ; à l'opposé, si vous demandez à un patron de PME qui paie la TVA, il vous répondra invariablement que c'est lui, parce qu'il envoie un chèque au fisc le 15 de chaque mois. Or le plus souvent, la charge de la TVA est partagée entre les consommateurs et les producteurs.

I/ Quelques rappels sur la TVA

La Taxe sur la valeur ajoutée est un impôt qui pèse sur la quasi totalité des biens et services consommés ou utilisés en France. Avec près de 179 milliards d'euros prévus en 2008, c'est la première recette budgétaire de l'Etat (environ 50% des recettes fiscales), loin devant l'impôt sur le revenu (60 milliards, soit 17% des recettes fiscales).

D'après l'article 266 du Code général des impôts, l'assiette de la TVA est est composée de « toutes les sommes, valeurs, reçues ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire de services en contrepartie de la livraison ou de la prestation ». Pour dire les choses simplement, la TVA est calculée sur l'ensemble du prix de vente des biens et services. Formellement, elle est acquitée par les organismes «assujettis » à la TVA, c'est-à-dire essentiellement les entreprises. Chaque entreprise paie la TVA sur ses produits ou services, en déduisant le montant de la TVA qu'elle a elle-même supporté sur les acquisitions de biens et services utilisés dans le cadre de son activité : c'est le mécanisme dit de «récupération de la TVA sur les achats ». Les agents « non assujettis » (les administrations et les ménages) ne peuvent quant à eux déduire la TVA sur leurs achats.

Le montant de la taxe est proportionnel au prix de vente hors taxe et les taux de TVA sont fixés par l'Etat. A l'heure actuelle, il existe en France trois taux de TVA :
1/ Le taux normal, fixé à19,6% ;
2/Le taux réduit, fixé à 5,5%, pour les produits de première nécessité et de consommation courante ;
3/ Le taux «super-réduit», fixé à 2,1%, qui ne concerne qu'un très petit nombre de biens (les publications de presse, par exemple).

II/ Comment définir la part de TVA qui est payée par le consommateur ?

Pour savoir qui paie la TVA, il faudrait pouvoir comparer le prix que l'on observerait en l'absence de TVA au prix en présence de TVA. Si les deux prix sont égaux, cela signifie que le consommateur paie l'intégralité de la taxe. En général cependant, le prix sans TVA sera plus élevé que le prix hors taxes avec TVA car lors de la mise en place de la taxe, la hausse des prix fait baisser la demande, ce qui fait à son tour pression sur l'offre et conduit à une diminution des prix. Ainsi, la TVA est partagée entre les consommateurs, qui paient comptablement la taxe, et les producteurs qui doivent baisser leurs prix pour limiter la baisse de la demande.

Le meilleur moyen de comprendre l’ajustement des prix aux variations de la TVA est de regarder se qui se passe sur l'un des graphiques les plus élémentaires de la microéconomie : le graphique d'offre et de demande.


Sur ce graphique, la courbe de demande est beaucoup plus pentue que la courbe d'offre, ce qui signifie que les quantités demandées varient peu lors de grandes variations de prix. Dans cette configuration, on voit que la variation de prix est très proche de la variation de TVA. Le consommateur étant moins élastique (sa consommation change peu après des variations de prix) que le producteur, il paie la plus grande partie de la taxe.

Dans le second graphique ci-dessous, c'est l'inverse qui se produit : la demande varie fortement avec le niveau des prix et la hausse des prix est faible par rapport à la variation de TVA. Le producteur étant beaucoup moins élastique que le consommateur, c'est lui qui paie la plus grande partie de la taxe.


Il existe pourtant un problème : on ne peut pas observer en même temps les prix en vigueur avec la TVA et ceux qui qui prévaudraient s'il n'y avait pas de TVA. De ce fait, il peut paraître difficile de mesurer précisément la part de la TVA payée qui est payée par les consommateurs. Toutefois, il est possible de l'estimer en utilisant les réformes qui ont modifié les taux de TVA au cours du temps. Supposons que le taux de TVA soit passé dans un pays donné de 10 à 20% : si à la suite de cette réforme, le prix TTC des biens a augmenté de moins de (0,2-0,1)/1,1 = 9%, alors cela signifie que l'augmentation de la taxe n'a pas été payée intégralement par les consommateurs.

De multiples petites variations des taux locaux peuvent être exploitées aux Etats-Unis mais les réformes sont plus rares en Europe. Cependant, la réforme de 1999 sur les services de réparations courantes dans les logements, ainsi que les faibles variations de taux plein de 1995 et 2000 ont été étudiées, et la réforme allemande de l'année dernière devrait l'être prochainement.

III/ Alors, qui paie quoi ?

Que nous apprennent ces études ? Eh bien, que les variations de prix sont très variables suivant les marchés.

Globalement, ce sont les consommateurs qui paient la plus grosse part de la TVA, mais leur participation peut varier de la moitié jusqu'à la quasi totalité de la taxe. Dans le détail, on observe que la TVA sur les biens qui nécessitent une quantité importante d'investissement en capital fixe (la production de voitures, par exemple) est payée en plus faible proportion par les consommateurs que la TVA sur les services. Une des interprétations de ce phénomène pourrait être que l'offre varie moins facilement quand il y a beaucoup de capital fixe, et donc que l'offre des industries intensives en capital ressemble à celle du second graphique, alors que l'offre de services ressemble davantage à celle du premier graphique.

Pour ce qui est de savoir ce qui se passerait si on baissait la TVA sur les biens de première nécessité (le pain, par exemple), aucune étude empirique n'est disponible. On en est donc réduit à des conjectures sur la forme des courbe d'offre et de demande pour ce type de biens. Si peu d'informations existent sur l'élasticité de l'offre des biens de première nécessité (qui doit beaucoup varier d'un bien à l'autre) on peut raisonnablement supposer que l'élasticité de la demande de biens de première nécessité est particulièrement faible. En effet, dans la mesure où ces biens sont de première nécessité, leur consommation ne peut pas baisser fortement lorsque leur prix augmente et n'a pas de raison de s'envoler quand leur prix baisse. Au contraire, une baisse du prix des biens de première nécessité permet d'augmenter la consommation des autres biens alors qu'une augmentation de leur prix oblige les consommateurs à se priver de ces autres biens. Ainsi, il est probable qu'une baisse de la TVA sur les biens de première nécessité se traduirait par une baisse sensible du prix de ces biens. Il faut cependant noter que le taux de taxe applicable aux biens de première nécessité est déjà faible en France, si bien qu'une annulation complète de ce taux ne pourrait engendrer qu'une baisse maximale de 5,5%.

IV/ Des cas particuliers

Il existe des exceptions aux règles décrites plus haut, en particulier pour les biens importés et pour les biens issus de marchés particulièrement peu concurrentiels.

Pour les biens importés, la variation de la demande sur le territoire national n'a que peu d'influence sur la production mondiale du produit, et donc sur l'offre. Par conséquent, l'offre de biens importés se comporte comme si elle était totalement élastique et la TVA est intégralement payée par les consommateurs nationaux.

La concurrence imparfaite a quant à elle des effets ambigus sur l'incidence fiscale. Pour certains biens, il est possible que l'ajustement des prix soit particulièrement faible : ce sera notamment le cas lorsque la marge des producteurs et déjà très forte en situtation de concurrence imparfaite, si bien qu'un surplus de taxe ne pourra pas être payé par le consommateur mais sera en partie financé par le producteur. A l'inverse, sur des marchés comportant peu d'entreprises, une hausse de la taxe peut, en réduisant la taille totale du marché, faire diminuer le nombre de concurrents, donc accroître le pouvoir de marchés des entreprises et ainsi engendrer ainsi une hausse encore plus importante des prix. Dans ce dernier cas, on peut même assister à des hausses (ou baisses) de prix supérieures aux hausses (ou baisses) de TVA.
_Clement_

4 commentaires:

Gu Si Fang a dit…

"l'offre des industries intensives en capital ressemble à celle du second graphique, alors que l'offre de services ressemble davantage à celle du premier graphique"

Ceci doit donc diminuer la rentabilite des projets necessitant des investissements importants. Peut-on en conclure que les taxes assises sur le salaire sont plus favorables a l'epargne que ne l'est la TVA?

Anonyme a dit…

Il me semble que vous avez oublié d'évoquer dans votre énumération des taux de TVA applicables en France, le taux de 8,50 % applicable dans les D.O.M.

Anonyme a dit…

deux idées faussent s'affrontent : "fausses" svp

Anonyme a dit…

vous ne parlais pas les taux de TVA aplicables en France.Celle-ci céléve à 8,50%.

Publier un commentaire