Parmi les mesures annoncées par le chef Sarkozix pour augmenter le pouvoir d’achat des Gaulois, le logement occupe une place de choix, avec la proposition de supprimer la caution et de changer l’indice de référence pour l’indexation des loyers. En effet, si les loyers en Gaule sont fixés librement lors d’un changement de locataire, leur hausse, une fois le bail signé, est limitée par la croissance d’un indice défini par l’Etat. La proposition du chef consiste à remplacer l’indice actuel, appelé l’indice de référence des loyers, par l’indice des prix à la consommation (hors loyers et tabac). Cette substitution des indices va-t-elle augmenter le pouvoir d’achat des Gaulois ? Pour faire court, la réponse est peut-être oui pour certains d’entre eux au détriment d’autres catégories dans le court terme, mais certainement non à plus long terme. Pour bien comprendre pourquoi, il est utile de replacer cette mesure un peu technique dans le contexte plus général des politiques de contrôle des loyers, et de la discussion des économistes sur leur efficacité.
I/ Les consequences néfastes du controle des loyers
La régulation des loyers est apparue en Europe à l'occasion de la Première guerre mondiale, pour aider les locataires, (et en premier lieu les familles de soldats) à faire face à cette situation exceptionnelle, dans un contexte général de contrôle des prix. Cette régulation a généralement été prolongée jusqu’à la Seconde guerre mondiale, au cours de laquelle les loyers furent de nouveau gelés, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis (1). En 1970, de nombreuses villes européennes maintenaient un contrôle des loyers plus ou moins strict et parfois réservé aux anciennes habitations, héritage direct des programmes mis en place pendant la guerre. Dans un contexte de forte inflation, le contrôle des loyers a connu un renouveau à cette période, sous diverses formes dont nous reparlerons plus loin.
Le contrôle des loyers représente un cas d’étude standard en économie. On peut illustrer le problème avec un simple graphique d’offre et de demande de logements locatifs. On porte sur l’axe horizontal la quantité d’appartements sur le marché (Q), et sur l’axe vertical le loyer versé aux propriétaires (P).
Sans régulation, l’équilibre s'établit au point E. Supposons qu'on décide d'instaurer un plafonnement des loyers, qui ne peuvent légalement excéder le niveau PR. Le nouvel équilibre s'établit au point R. Quelles en sont les caractéristiques ?
1/ L'effet sur les prix : le loyer régulé (PR) est plus faible que le loyer de l’équilibre non réglementé (PE).
2/ L'effet sur les quantités : pour ce niveau de loyer, la demande de logements locatifs excède le nombre de logements effectivement loués à l'équilibre. Sur le graphique, on constate que pour le loyer PR, la demande est plus élevée que la quantité disponible QR. En présence d'un excès de demande de ce type, l'allocation des logements aux locataires désireux de louer un logement s'organise selon le principe du rationnement : l'ensemble des demandeurs solvables ne pouvant être servis, le tri s'effectue selon d'autres critères que le prix (position dans la file d'attente, garanties de paiement, discrimination, etc.)
3/ Une baisse de la qualité des logements : La perte de profitabilité de la location décourage l’entretien des immeubles, ainsi que la construction de nouveaux logements, si bien que la mise en place d'un contrôle des loyers entraîne une diminution de la qualité du parc locatif.
4/ Une perte d'efficacité : le rationnement induit par le contrôle des loyers constitue l’inefficacité majeure de la régulation : graphiquement, cette perte d'efficacité ( baptisée « perte sèche » par les économistes) correspond à l'aire coloriée en jaune. En présence d'un plafonnement des loyers, les consommateurs sont prêts à payer plus que ce que les propriétaires demanderaient pour un accroissement du nombre de logements sur le marché, car la demande se situe au-dessus de l’offre entre les points R et E. Le contrôle des loyers empêche ces transactions d'avoir lieu, alors qu'elles augmenteraient le bien être global. Cette inefficacité prend plusieurs formes, qui peuvent s’observer actuellement en Suède, un pays Barbare qui a ceci de singulier que les loyers y sont encore complètement contrôlés : les files d’attente pour obtenir un appartement situés au cœur des grandes ville s'y étalent sur plusieurs dizaines d’années (on parle de 30 à 50 ans). Les locataires en place conservent leur logement le plus longtemps possible puisqu’ils bénéficient de bas loyers, préférant sous-louer (souvent illégalement) leur appartement avec des baux de courte durée plutôt que de le perdre, même s’ils ne comptent pas l’habiter dans un futur proche. Du coup, les nouveaux arrivants sur le marché du logement, par exemple les jeunes et les étrangers, éprouvent de grandes difficultés à se loger. Les propriétaires (et les agences de location) exploitent cette pénurie en demandant aux locataires des versements annexes, souvent illégaux, et sélectionnent leurs locataires. Enfin, les très nombreux locataires qui ne parviennent pas à mettre la main sur un bail de longue durée se voient obligés de multiplier les sous-locations et les déménagements, et n’ont souvent d’autre choix que d’acheter un logement pour surmonter cette pénurie.
5/ Une réduction de la mobilité des individus : en incitant les propriétaires à mettre en vente leurs appartements auparavant mis en location (cette dernière formule rapportant moins d’argent), le contrôle des loyers fait chuter le nombre de logements disponibles sur le marché locatif. Cela pénalise fortement les jeunes, les personnes mobiles géographiquement et plus généralement tous ceux qui ne souhaitent ou ne peuvent investir dans l'achat d'une maison ou d'un appartement. Le marché du travail pâtit indirectement de cette réduction de la mobilité des locataires, puisque les individus vont limiter leurs recherches d’emploi à un secteur géographique qui ne les force pas à déménager. Ces deux effets ont été confirmés au Danemark : les locataires jouissant d’un appartement à loyer régulé restent plus longtemps dans leur logement et les chômeurs acceptent plus souvent une offre d’emploi proche de leur habitation que ceux qui occupent des appartements à loyer non contrôlé.
6/ Les effet redistributifs du contrôle des loyers : a priori, les gagnants et les perdants de la réglementation des loyers sont relativement aisés à identifier. La baisse des loyers profite aux locataires, alors que les propriétaires gagnent moins d’argent. Le contrôle des loyers opère donc une redistribution des propriétaires vers les locataires. Sur le graphique, cette redistribution est représentée par le rectangle vert dont l’aire est égale à la différence entre le montant total des loyers payés par les locataires (loyer multiplié par quantité de logement) et ce qu’ils paieraient en l'absence de plafond. Il faut néanmoins ajouter un bémol à ce bilan redistributif : certes, la législation opère un transfert de revenu des propriétaires vers les locataires, mais uniquement en faveur de ceux qui ont conservé leur logement à la suite du plafonnement des loyers, c'est-à-dire sans prendre en compte tous ceux qui ont été lourdement pénalisé par la perte de leur logement (QE-QR), provoquée par le rationnement du marché. Au total, le bien-être global diminue : graphiquement, cette perte est mesurée par le triangle jaune situé entre les courbes d'offre et de demande de logement.
II/ Quelle marge pour la régulation du marché ?
L'inefficacité du contrôle des loyers signifie-t-elle qu'il n'y ait aucune place pour l'intervention publique en matière de régulation du marché locatif ? Non, car il existe un certain nombre d'imperfections sur le marché du logement qui peuvent justifier dans certains cas la mise en place d'une régulation de la progression des loyers. Le système aujourd'hui en vigueur en Gaule comme dans beaucoup d’autres pays ne consiste d'ailleurs pas en un contrôle total du niveau des loyers, mais en une limitation de la croissance du loyer, une fois le bail signé, ce qui modifie les effets de la régulation.
Le marché du logement est en effet loin d’être un marché « parfait » où l’information circule librement et où le coût de trouver un bien est nul : les locataires supportent des coûts de recherche élevés et accepteront probablement le premier logement qui correspond à leurs critères sans savoir s’il en existe un autre similaire pour un prix moins élevé. Ceci confère aux propriétaires un pouvoir de marché qui leur permet d’extraire une rente au détriment des locataires : dans cette situation, une régulation pourrait être bénéfique afin d’éviter que les propriétaires ne fixent les loyers à un niveau supérieur à celui qui prévaudrait si le marché du logement était parfaitement fluide.
Par ailleurs, la régulation des loyers telle qu’elle fonctionne actuellement en France et dans d’autres pays d’Europe ne correspond pas à un côntrôle pur et simple des prix : elle ne fixe plus le niveau des loyers mais régule son évolution. Ce type de mesure s’est développé dans les années 1970, en accompagnement de réglementations visant à protéger les locataires contre le risque d'exclusion de leur logement, tout en poursuivant initialement l’objectif de limiter la hausse des prix dans une période d’inflation galopante. Cette forme de régulation a moins d’effets négatifs que le contrôle pur et simple des loyers, puisque le niveau des loyers peut s’ajuster à chaque fois que le bail d'un logement mis en location expire. Elle génère donc moins d’inefficacités, tout en assurant les ménages contre de fortes variations imprévues du niveau des loyers. Elle réduit aussi le pouvoir de monopole des propriétaires qui s'exerce en particulier au moment du renouvellement du bail. Le loueur va profiter du coût élevé d'un déménagement pour son locataire pour augmenter fortement le loyer. Le contrôle limite ces comportements.
Sans parler de monopole, d'autres arguments laissent penser que le marché souffre de problèmes d'information. D'un côté les propriétaires ne connaissent pas les caractéristiques des différents locataires, c'est-à-dire s'ils vont payer leur loyer, respecter les règles de copropriété, dégrader le logement, etc. Ce problème de sélection adverse va faire monter les prix. De l'autre les locataires ne connaissent pas non plus les caractéristiques du propriétaire: va-t-il entretenir le logement, a-t-il l'intention de vendre dans un futur proche? Les deux parties prennent en compte ces risques lorsqu'ils négocient le contrat et la loi peut fournir un contrat type pour éviter qu'une des deux parties ne soit clairement désavantagée.
Si le blocage des prix apparaît comme une mesure particulièrement néfaste, on peut donc envisager des arguments en faveur de formes plus sophistiquées de contrôle, sur les prix ou sur la nature des contrats. Il faut cependant souligner que ces justifications théoriques ne permettent pas de conclure sur l’optimalité des formes actuelles de régulation, parce que les études empiriques mesurant les imperfections sur le marché du logement et calculant les bénéfices attendus de telles mesures n’existent pas encore à notre connaissance. En revanche, et comme nous l'avons déjà souligné dans la première partie, les conséquences négatives sont connues, obervées, et parfois précisément mesurées. On ne peut en dire autant des effets positifs.
III/ Quel sera l’effet du changement d’indice sur le pouvoir d’achat ?
Après cette petite mise en perspective du contrôle des loyers, revenons à nos sangliers : quel sera l’effet du changement d’indice de référence de revalorisation des loyers proposé par le chef des Gaulois ? S’il est difficile de prévoir l’évolution future des différents indices, une analyse de leur évolution passée permet de tirer quelques enseignements.
Il faut d’abord souligner que l’indice historique de référence utilisé pour les révisions de loyer en cours de bail était l’indice du coût de la construction (ICC, qui mesure comme son nom l’indique l’évolution du coût de la construction de nouveaux bâtiments) mais il a été remplacé depuis le 1er janvier 2006 par l’indice de référence des loyers (IRL). Quel était l'objectif poursuivi ? L’indice de référence des loyers a été conçu à la fois pour lisser les évolutions de l’ICC (très sensible à l’évolution du coût des matières premières) et pour limiter les hausses de ce dernier : il est composé à 60% de l’indice des prix à la consommation (IPC) hors loyers et tabac, à 20 % de l’ICC et à 20 % de l’indice des prix des travaux d’entretien et d’amélioration du logement. Etant donné la faiblesse de l’inflation actuelle, le graphique suivant montre que l’IPC hors loyers et tabac a évolué beaucoup moins vite entre 2000 et 2006 que les deux autres indices.
Si la tendance actuelle devait se poursuivre, l’utilisation de l’IPC hors loyers et tabac pourrait permettre aux ménages locataires qui ne déménagent pas de bénéficier de plus faibles hausses de loyer à court terme. Mais ceci n'est pas du tout garanti à moyen terme, car ce changement d’indice devrait aussi affecter en retour le niveau des loyers à chaque fois qu'un bail sera signé, puisque les propriétaires s’attendront à être contraints jusqu'à la signature du prochain bail de limiter les hausses de loyer à un niveau qui ne reflètera pas forcément le coût d’entretien du logement : l’effet attendu d’une telle mesure sera donc une hausse plus forte des loyers lors du changement de locataire, un allongement de la durée d’occupation des logements par les locataires actuels, une baisse des efforts d’entretien des propriétaires et la mise en vente de certains appartements.
Ainsi, s'il est possible que ces mesures bénéficient à court terme aux ménages locataires bien installés dans leur logement, cet effet s’estompera à long terme à mesure que ces ménages seront obligés de déménager. En outre, les ménages les plus mobiles vont être directement touchés par la hausse des loyers, puisqu'ils seront les premières victimes de la réévaluation des loyers qui interviendront à l'occasion de la signature des nouveaux baux de location. La mesure va donc avoir des effets redistributifs assez peu désirables, puisqu'elle va favoriser les ménages les moins mobiles (en général les plus âgés) au détriment des ménages les plus mobiles (c’est-à-dire les jeunes et les célibataires), ces catégories ne recoupant pas forcément celles qui ont connu la plus forte baisse de leur pouvoir d’achat. Enfin, comme nous l’avons déjà souligné dans la première partie, cette mesure peut avoir un effet pervers pour l’emploi, en décourageant les chômeurs de déménager pour trouver un nouvel emploi.
Finalement, si, cette avec cette mesure, le chef des Gaulois peut essayer de se faire barde et de calmer les esprits, il risque à plus long terme de les échauffer, car ce changement d'indice n'aura pas d’effet durable sur le pouvoir d’achat.
NOTES :
(1) La guerre imposait souvent de déplacer le travail (par exemple vers une nouvelle usine d’armement) et le gel évitait que ces déplacements ne s’accompagnent de hausses brutales des loyers. A la sortie de la guerre, ces restrictions empêchèrent les propriétaires de profiter de la hausse de la demande suscitée par le retour des soldats.
I/ Les consequences néfastes du controle des loyers
La régulation des loyers est apparue en Europe à l'occasion de la Première guerre mondiale, pour aider les locataires, (et en premier lieu les familles de soldats) à faire face à cette situation exceptionnelle, dans un contexte général de contrôle des prix. Cette régulation a généralement été prolongée jusqu’à la Seconde guerre mondiale, au cours de laquelle les loyers furent de nouveau gelés, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis (1). En 1970, de nombreuses villes européennes maintenaient un contrôle des loyers plus ou moins strict et parfois réservé aux anciennes habitations, héritage direct des programmes mis en place pendant la guerre. Dans un contexte de forte inflation, le contrôle des loyers a connu un renouveau à cette période, sous diverses formes dont nous reparlerons plus loin.
Le contrôle des loyers représente un cas d’étude standard en économie. On peut illustrer le problème avec un simple graphique d’offre et de demande de logements locatifs. On porte sur l’axe horizontal la quantité d’appartements sur le marché (Q), et sur l’axe vertical le loyer versé aux propriétaires (P).
Sans régulation, l’équilibre s'établit au point E. Supposons qu'on décide d'instaurer un plafonnement des loyers, qui ne peuvent légalement excéder le niveau PR. Le nouvel équilibre s'établit au point R. Quelles en sont les caractéristiques ?
1/ L'effet sur les prix : le loyer régulé (PR) est plus faible que le loyer de l’équilibre non réglementé (PE).
2/ L'effet sur les quantités : pour ce niveau de loyer, la demande de logements locatifs excède le nombre de logements effectivement loués à l'équilibre. Sur le graphique, on constate que pour le loyer PR, la demande est plus élevée que la quantité disponible QR. En présence d'un excès de demande de ce type, l'allocation des logements aux locataires désireux de louer un logement s'organise selon le principe du rationnement : l'ensemble des demandeurs solvables ne pouvant être servis, le tri s'effectue selon d'autres critères que le prix (position dans la file d'attente, garanties de paiement, discrimination, etc.)
3/ Une baisse de la qualité des logements : La perte de profitabilité de la location décourage l’entretien des immeubles, ainsi que la construction de nouveaux logements, si bien que la mise en place d'un contrôle des loyers entraîne une diminution de la qualité du parc locatif.
4/ Une perte d'efficacité : le rationnement induit par le contrôle des loyers constitue l’inefficacité majeure de la régulation : graphiquement, cette perte d'efficacité ( baptisée « perte sèche » par les économistes) correspond à l'aire coloriée en jaune. En présence d'un plafonnement des loyers, les consommateurs sont prêts à payer plus que ce que les propriétaires demanderaient pour un accroissement du nombre de logements sur le marché, car la demande se situe au-dessus de l’offre entre les points R et E. Le contrôle des loyers empêche ces transactions d'avoir lieu, alors qu'elles augmenteraient le bien être global. Cette inefficacité prend plusieurs formes, qui peuvent s’observer actuellement en Suède, un pays Barbare qui a ceci de singulier que les loyers y sont encore complètement contrôlés : les files d’attente pour obtenir un appartement situés au cœur des grandes ville s'y étalent sur plusieurs dizaines d’années (on parle de 30 à 50 ans). Les locataires en place conservent leur logement le plus longtemps possible puisqu’ils bénéficient de bas loyers, préférant sous-louer (souvent illégalement) leur appartement avec des baux de courte durée plutôt que de le perdre, même s’ils ne comptent pas l’habiter dans un futur proche. Du coup, les nouveaux arrivants sur le marché du logement, par exemple les jeunes et les étrangers, éprouvent de grandes difficultés à se loger. Les propriétaires (et les agences de location) exploitent cette pénurie en demandant aux locataires des versements annexes, souvent illégaux, et sélectionnent leurs locataires. Enfin, les très nombreux locataires qui ne parviennent pas à mettre la main sur un bail de longue durée se voient obligés de multiplier les sous-locations et les déménagements, et n’ont souvent d’autre choix que d’acheter un logement pour surmonter cette pénurie.
5/ Une réduction de la mobilité des individus : en incitant les propriétaires à mettre en vente leurs appartements auparavant mis en location (cette dernière formule rapportant moins d’argent), le contrôle des loyers fait chuter le nombre de logements disponibles sur le marché locatif. Cela pénalise fortement les jeunes, les personnes mobiles géographiquement et plus généralement tous ceux qui ne souhaitent ou ne peuvent investir dans l'achat d'une maison ou d'un appartement. Le marché du travail pâtit indirectement de cette réduction de la mobilité des locataires, puisque les individus vont limiter leurs recherches d’emploi à un secteur géographique qui ne les force pas à déménager. Ces deux effets ont été confirmés au Danemark : les locataires jouissant d’un appartement à loyer régulé restent plus longtemps dans leur logement et les chômeurs acceptent plus souvent une offre d’emploi proche de leur habitation que ceux qui occupent des appartements à loyer non contrôlé.
6/ Les effet redistributifs du contrôle des loyers : a priori, les gagnants et les perdants de la réglementation des loyers sont relativement aisés à identifier. La baisse des loyers profite aux locataires, alors que les propriétaires gagnent moins d’argent. Le contrôle des loyers opère donc une redistribution des propriétaires vers les locataires. Sur le graphique, cette redistribution est représentée par le rectangle vert dont l’aire est égale à la différence entre le montant total des loyers payés par les locataires (loyer multiplié par quantité de logement) et ce qu’ils paieraient en l'absence de plafond. Il faut néanmoins ajouter un bémol à ce bilan redistributif : certes, la législation opère un transfert de revenu des propriétaires vers les locataires, mais uniquement en faveur de ceux qui ont conservé leur logement à la suite du plafonnement des loyers, c'est-à-dire sans prendre en compte tous ceux qui ont été lourdement pénalisé par la perte de leur logement (QE-QR), provoquée par le rationnement du marché. Au total, le bien-être global diminue : graphiquement, cette perte est mesurée par le triangle jaune situé entre les courbes d'offre et de demande de logement.
II/ Quelle marge pour la régulation du marché ?
L'inefficacité du contrôle des loyers signifie-t-elle qu'il n'y ait aucune place pour l'intervention publique en matière de régulation du marché locatif ? Non, car il existe un certain nombre d'imperfections sur le marché du logement qui peuvent justifier dans certains cas la mise en place d'une régulation de la progression des loyers. Le système aujourd'hui en vigueur en Gaule comme dans beaucoup d’autres pays ne consiste d'ailleurs pas en un contrôle total du niveau des loyers, mais en une limitation de la croissance du loyer, une fois le bail signé, ce qui modifie les effets de la régulation.
Le marché du logement est en effet loin d’être un marché « parfait » où l’information circule librement et où le coût de trouver un bien est nul : les locataires supportent des coûts de recherche élevés et accepteront probablement le premier logement qui correspond à leurs critères sans savoir s’il en existe un autre similaire pour un prix moins élevé. Ceci confère aux propriétaires un pouvoir de marché qui leur permet d’extraire une rente au détriment des locataires : dans cette situation, une régulation pourrait être bénéfique afin d’éviter que les propriétaires ne fixent les loyers à un niveau supérieur à celui qui prévaudrait si le marché du logement était parfaitement fluide.
Par ailleurs, la régulation des loyers telle qu’elle fonctionne actuellement en France et dans d’autres pays d’Europe ne correspond pas à un côntrôle pur et simple des prix : elle ne fixe plus le niveau des loyers mais régule son évolution. Ce type de mesure s’est développé dans les années 1970, en accompagnement de réglementations visant à protéger les locataires contre le risque d'exclusion de leur logement, tout en poursuivant initialement l’objectif de limiter la hausse des prix dans une période d’inflation galopante. Cette forme de régulation a moins d’effets négatifs que le contrôle pur et simple des loyers, puisque le niveau des loyers peut s’ajuster à chaque fois que le bail d'un logement mis en location expire. Elle génère donc moins d’inefficacités, tout en assurant les ménages contre de fortes variations imprévues du niveau des loyers. Elle réduit aussi le pouvoir de monopole des propriétaires qui s'exerce en particulier au moment du renouvellement du bail. Le loueur va profiter du coût élevé d'un déménagement pour son locataire pour augmenter fortement le loyer. Le contrôle limite ces comportements.
Sans parler de monopole, d'autres arguments laissent penser que le marché souffre de problèmes d'information. D'un côté les propriétaires ne connaissent pas les caractéristiques des différents locataires, c'est-à-dire s'ils vont payer leur loyer, respecter les règles de copropriété, dégrader le logement, etc. Ce problème de sélection adverse va faire monter les prix. De l'autre les locataires ne connaissent pas non plus les caractéristiques du propriétaire: va-t-il entretenir le logement, a-t-il l'intention de vendre dans un futur proche? Les deux parties prennent en compte ces risques lorsqu'ils négocient le contrat et la loi peut fournir un contrat type pour éviter qu'une des deux parties ne soit clairement désavantagée.
Si le blocage des prix apparaît comme une mesure particulièrement néfaste, on peut donc envisager des arguments en faveur de formes plus sophistiquées de contrôle, sur les prix ou sur la nature des contrats. Il faut cependant souligner que ces justifications théoriques ne permettent pas de conclure sur l’optimalité des formes actuelles de régulation, parce que les études empiriques mesurant les imperfections sur le marché du logement et calculant les bénéfices attendus de telles mesures n’existent pas encore à notre connaissance. En revanche, et comme nous l'avons déjà souligné dans la première partie, les conséquences négatives sont connues, obervées, et parfois précisément mesurées. On ne peut en dire autant des effets positifs.
III/ Quel sera l’effet du changement d’indice sur le pouvoir d’achat ?
Après cette petite mise en perspective du contrôle des loyers, revenons à nos sangliers : quel sera l’effet du changement d’indice de référence de revalorisation des loyers proposé par le chef des Gaulois ? S’il est difficile de prévoir l’évolution future des différents indices, une analyse de leur évolution passée permet de tirer quelques enseignements.
Il faut d’abord souligner que l’indice historique de référence utilisé pour les révisions de loyer en cours de bail était l’indice du coût de la construction (ICC, qui mesure comme son nom l’indique l’évolution du coût de la construction de nouveaux bâtiments) mais il a été remplacé depuis le 1er janvier 2006 par l’indice de référence des loyers (IRL). Quel était l'objectif poursuivi ? L’indice de référence des loyers a été conçu à la fois pour lisser les évolutions de l’ICC (très sensible à l’évolution du coût des matières premières) et pour limiter les hausses de ce dernier : il est composé à 60% de l’indice des prix à la consommation (IPC) hors loyers et tabac, à 20 % de l’ICC et à 20 % de l’indice des prix des travaux d’entretien et d’amélioration du logement. Etant donné la faiblesse de l’inflation actuelle, le graphique suivant montre que l’IPC hors loyers et tabac a évolué beaucoup moins vite entre 2000 et 2006 que les deux autres indices.
Si la tendance actuelle devait se poursuivre, l’utilisation de l’IPC hors loyers et tabac pourrait permettre aux ménages locataires qui ne déménagent pas de bénéficier de plus faibles hausses de loyer à court terme. Mais ceci n'est pas du tout garanti à moyen terme, car ce changement d’indice devrait aussi affecter en retour le niveau des loyers à chaque fois qu'un bail sera signé, puisque les propriétaires s’attendront à être contraints jusqu'à la signature du prochain bail de limiter les hausses de loyer à un niveau qui ne reflètera pas forcément le coût d’entretien du logement : l’effet attendu d’une telle mesure sera donc une hausse plus forte des loyers lors du changement de locataire, un allongement de la durée d’occupation des logements par les locataires actuels, une baisse des efforts d’entretien des propriétaires et la mise en vente de certains appartements.
Ainsi, s'il est possible que ces mesures bénéficient à court terme aux ménages locataires bien installés dans leur logement, cet effet s’estompera à long terme à mesure que ces ménages seront obligés de déménager. En outre, les ménages les plus mobiles vont être directement touchés par la hausse des loyers, puisqu'ils seront les premières victimes de la réévaluation des loyers qui interviendront à l'occasion de la signature des nouveaux baux de location. La mesure va donc avoir des effets redistributifs assez peu désirables, puisqu'elle va favoriser les ménages les moins mobiles (en général les plus âgés) au détriment des ménages les plus mobiles (c’est-à-dire les jeunes et les célibataires), ces catégories ne recoupant pas forcément celles qui ont connu la plus forte baisse de leur pouvoir d’achat. Enfin, comme nous l’avons déjà souligné dans la première partie, cette mesure peut avoir un effet pervers pour l’emploi, en décourageant les chômeurs de déménager pour trouver un nouvel emploi.
Finalement, si, cette avec cette mesure, le chef des Gaulois peut essayer de se faire barde et de calmer les esprits, il risque à plus long terme de les échauffer, car ce changement d'indice n'aura pas d’effet durable sur le pouvoir d’achat.
NOTES :
(1) La guerre imposait souvent de déplacer le travail (par exemple vers une nouvelle usine d’armement) et le gel évitait que ces déplacements ne s’accompagnent de hausses brutales des loyers. A la sortie de la guerre, ces restrictions empêchèrent les propriétaires de profiter de la hausse de la demande suscitée par le retour des soldats.
18 commentaires:
On pourrait aussi éventuellement ajouter qu'à long terme l'offre et la demande de loyers tendent à devenir plus élastiques (les droites sont moins pentues), ce qui accentue la situation de pénurie (quand la demande de logements est supérieure à l'offre).
Et puis une citation un peu facile : «le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace que nous connaissions pour détruire une ville, exception faite d'un bombardement» (Assar LINDBECK, The Political Economy of the New Left, New York, Harper and Row, 1972, p. 39).
L'immobilier est un marché ultra-réglementé : secteur HLM très développé, contrôle des loyers dans le secteur privé, absence de liberté contractuelle, obstacles administratifs à la construction, multiplication des normes. Tout ceci via une kyrielle de lois : loi de 1948, loi Quillot (1982), loi Méhaignerie (1987), loi Malandain (1989), loi SRU/Gayssot (2000)... et bientôt une loi Boutin!
Or on observe depuis un siècle une sorte de "crise du logement permanente". Y aurait-il un lien entre les deux?
Non seulement cette mesure "en faveur du pouvoir d'achat" est de la poudre aux yeux, c'est le prolongement d'un échec. Au lieu de faire sauter les verrous du marché immobilier, on s'apprête à lui rajouter une serrure (le nouvel indice) et un cadenas (la suppression de la caution). Sans parler du projet de nationalisation de l'assurance loyers impayés...
Quelle seraient les conséquences sur l'offre d'un affaiblissement très significatif des barrières à la construction de logements neufs ?
Il me semble (mais je n'ai surement pas tout compris) que l'article ne prend pas suffisamment en compte l'aspect de la quantité de logements disponibles. Parce qu'il est dit que, marché régulé ou pas, s'il y a plus de logements, les prix de loyers diminuent.
Dans le cas d'un marché régulé, la réduction des prix de loyers réduit le triangle jaune des pertes des propriétaires. Les mesures sarkozystes, pour être logique avec le raisonnement tenu jusqu'à présent devraient donc s'accompagner d'une campagne de construction de bâtiments à usage locatif. Or c'est l'idée (à défaut de réalisation à mon avis) du plan Borloo à horizon 2013 (500000 logements sociaux).
Prix régulés et logements plus nombreux, ça semble alors cohérent avec le graphique. Non ?
La phrase "les propriétaires s’attendront à être contraints jusqu'à la signature du prochain bail de limiter les hausses de loyer à un niveau qui ne reflètera pas forcément le coût d’entretien du logement" provoque chez moi une remarque :
vous semblez supposer que l'augmentation du prix du loyer indexé sur l'ICC correspond réellement à l'évolution des coûts d'entretien engagés par le propriétaires. Mais quid si en fait le surplus d'augmentation entre une augmentation indexée sur ICC et une augmentation indexée sur l'IPC va complètement "dans la poche du propriétaire" ? Votre raisonnement sur l'évolution des prix à chaque renouvellement de bail, dans un marché de concurrence parfait, ne devrait plus tenir, non ?
Désolé de poser une question sans lien direct avec le contenu du billet, mais j'aurais souhaité savoir avec quel programme vous tracez vos graphes? Merci d'avance.
@Joseph: je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi la demande deviendrait plus élastique à long terme. Vous avez par contre raison de dire que l’offre devrait devenir plus élastique. C’est d’autant plus vrai sur le marché du logement où à court terme l’offre est généralement assez inélastique. La perte en sera alors plus grande. Dans les faits, et comme nous l’expliquons dans le post, les propriétaires vont par exemple vendre le logement qu’ils louaient. Ceci prendra du temps et les effets ne se feront sentir qu’après un certain temps. Pour la citation, vous devez savoir qu’Assar Lindbeck est suédois et que la politique du logement de son pays l’a sûrement inspiré. Pour tempérer un peu sa remarque, il faudrait ajouter que la vaste politique de construction de logements en Suède dans les années 60-70 par des compagnies publiques avait en grande partie pour but de rénover les logements existants et d’offrir des logements neufs. En quelques dizaines d’années le parc immobilier de la Suède a été transformé et les urbanistes reconnaissent généralement que de ce point de vue le programme fut un succès.
@ Gu Si Fang : vous avez raison. On accumule les mesures pour contrer les effets négatifs des mesures précédentes. Nous avons un peu escamoté la question de la caution dans le post car ces effets sont similaires à ceux que nous évoquons. Sans caution les propriétaires vont : 1. augmenter les loyers pour s’assurer contre des dégradations éventuelles, 2. être encore plus pointilleux dans le choix de leurs locataires. Au final il est paradoxalement très probable que ceux qui ont actuellement le plus de mal à trouver un logement (jeunes, chômeurs, familles à revenus faibles) vont souffrir de cette mesure car les propriétaires ne vont pas prendre le risque de louer. On retombe sur le problème de sélection adverse évoqué dans le post. Pour y remédier on pourrait imaginer que l’Etat se porte caution (un peu comme une banque centrale est prêteur en dernier ressort) pour certains individus. Ceci n’est pas sans effets négatifs mais mériterait un débat politique.
@Anonymous : s’il devient plus profitable de construire, l’offre augmentera. Sur le graph ce ci poussera la courbe d’offre vers la droite. Imaginons que l’Etat instaure le contrôle des loyers et en même temps augmente l’offre de logements. Sur le graphique vous verrez que la perte est diminuée par rapport à la situation avec uniquement contrôle des loyers. Cependant la perte ne disparaît pas pour autant, à moins que l’augmentation de l’offre soit telle que le plafond ne soit plus une contrainte et donc que le contrôle ne devienne inutile. Si le but est de faire baisser les loyers, il est donc plus souhaitable d’augmenter l’offre, mais sans réguler.
@Hildoceras : je vous renvoie à la réponse ci-dessus. La construction de logements fera en effet baisser les prix, et réduit les effets négatifs de la régulation mais ne les efface pas pour autant. Je ne vois pas en quoi il serait souhaitable de coupler régulation et construction. Ceci est d’autant plus paradoxal que la régulation provoque du rationnement donc si on veut profiter à plein d’un programme de construction, il ne faut pas imposer ensuite de régulation.
Cependant je ne suis pas sûr de comprendre pleinement votre remarque. Vous dites que « la réduction des prix de loyers réduit le triangle jaune des pertes des propriétaires ». Soyons clairs : le triangle jaune ne représente pas les pertes des propriétaires, mais celles de la société. De plus la réduction des loyers ne réduit pas le triangle, à moins que vous ne réfléchissiez dans un cadre d’augmentation de l’offre.
Votre remarque sur le plan Borloo est intéressante mais comme je l’ai expliqué cette politique d’offre ne devrait pas s’accompagner d’une régulation des loyers pour fonctionner à plein. De plus, je profite de l’expérience suédoise pour mettre en garde contre certains effets dévastateurs de ce genre de politique. Dans les années 60 et 70, la Suède a lancé un vaste programme de construction de logements (« le programme un million d’appartements ») pour faire face à une pénurie croissante. Les banlieues des villes ont commencé à se recouvrir de barres d’immeubles. Malheureusement ces logements se sont révélé moins populaires que prévu, et la pénurie dans le centre des villes s’est accrue. Ceci a été amplifié par le fait que les loyers en Suède dépendent légalement de la vétusté des appartements. Les logements neufs en banlieue étaient donc souvent plus chers que ceux en centre-ville. On dit aujourd’hui qu’il est relativement aisé d’obtenir un logement éloigné de la ville, neuf et cher (« aisé » à Stockholm signifie un an d’attente). Par contre il faudra plus de 40 ans d’attente pour un appartement à un prix similaire, voire plus bas, mais ancien et en centre-ville. Je ne veux pas faire de comparaison directe et malaisée entre le programme et la régulation suédois et le plan Borloo mais cet exemple illustre que l’accroissement de l’offre ne permet généralement pas de s’affranchir des conséquences négatives de la régulation. Il montre aussi que la régulation de la construction doit être faite avec précaution afin de bien identifier les besoins des locataires.
@Anonymous : les graphs sont réalisés avec le logiciel Fireworks de la suite Macromedia MX.
(1) en fait la mesure proposee va aussi defavoriser les menages plus 'borrowing constrained' dans la mesure ou le loyer augmentera moins vite au cours du temps (il faudra payer plus immediatement). enfin ca c'est peut-etre trop raffine.
(2) dans quelle mesure ce dispositif est-il contraignant? la hausse rapide des loyers a Paris ces dernieres annees suggere que les proprietaires parviennent a augmenter les loyers..? peut-on quantifier ca?
Disposeriez-vous sur le sujet de liens vers des articles d'économie appliquée, notamment un survey ?
@ Julien : Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’indice du coût de la construction, tout comme l’indice des prix à la consommation hors loyers et tabac, ne reflète pas forcément l’évolution réelle des coûts d’entretien du logement pour les propriétaires, qui seraient mieux représentés par l’indice des prix des travaux d’entretien et d’amélioration (IPEA). Ce dernier entrait jusqu’à présent pour 20% de l’indice de référence des loyers, et on peut comparer son évolution avec les autres indices sur ce document de l'Insee), : il apparaît qu’il a augmenté plus rapidement que l’IPC hors loyers et tabac ces dernières années.
Ceci étant dit, même si l’évolution des coûts d’entretien des logements était plus faible que l’indice choisi par le gouvernement pour limiter les hausses de loyers, les propriétaires ne pourraient « se mettre la différence dans la poche » que s’ils bénéficiaient d’un certain pouvoir de monopole. On sort donc en effet du cadre d’analyse de la concurrence pure et parfaite, mais nos analyses restent valides : le changement d’indice conduirait aussi les propriétaires à ajuster à la hausse les loyers lors du changement de bail.
@ Anonyme 1 : la hausse rapide des loyers à Paris confirme notre analyse. Le système en vigueur en France n’empêche pas les hausses de loyers lors du renouvellement de bail, qui font augmenter le niveau des loyers d’autant plus vite que la mobilité des ménages est élevée. Comme la mobilité augmente avec la taille de la ville (voir cette étude de l'Insee), la hausse des loyers devrait logiquement être plus rapide à Paris.
@ Anonyme 2 : L’article de Bengt Turner et Stephen Malpezzi, « A Review of empirical evidence on the costs and benefits of rent control », publié en 2003 dans la Swedish Economic Review (le document de travail est ici), rapporte les résultats d’un grand nombre d’études empiriques. Cependant, la littérature empirique s’est surtout concentrée sur le contrôle du niveau des loyers, et non sur les systèmes qui régulent uniquement les hausses de loyer, et il n’y a à ma connaissance pas d’étude empirique sur données françaises. Il n’y a donc actuellement pas d’études qui permettent d’évaluer sérieusement le cas français…
Il y a une idée latente dans les posts précédents qui mérite d'être (re)explicitée clairement: indicer les loyer sur le coût de la construction a pour double objectif de lisser l'évolution du prix du logement tout en empêchant les propriétaires de tirer une rente de leurs locataires liée au coût d'un déménagement.
Pourquoi lisser l'évolution du prix du logement?
D'abord il faut rappeler que le coût relatif d'un logement à l'achat et à la location est normalement plus ou moins fixe. Il découle d'un arbitrage intertemporel des agents entre acheter et louer et dépend par conséquent de paramètres structurels de l'économie (préférence pour le présent, taux d'intérêt,...). En concurrence parfaite, le prix d'achat d'un logement neuf est égal à son coût de construction. Si la concurrence est imparfaite, disons qu'il sera égal au coût de construction fois un taux de marge fixe. Le prix d'équilibre (à l'achat) sur le marché du logement va dépendre du prix et donc du coût de production des entrants, c'est à dire des logements neufs. Ainsi, on peut dire que l'évolution du prix de vente des logements dépend directement de l'évolution de coût de production des logements neufs, qui lui-même dépend directement de l'évolution de l'indice des prix à la construction. Comme le prix relatif d'un logement à l'achat et à la location est fixé par ailleurs, l'évolution (non contrainte) des loyers devrait être directement liée à cet indice du coût de la construction sur lequel ils étaient justement indicés.
Mettre fin à cette relation "mécanique", c'est donc en effet introduire la possibilité d'ajustements brutaux des prix d'un locataire au suivant mais c'est aussi induire un choc d'offre négatif. Car si le prix du logement devient en quelque sorte bruité, le risque pour l'investisseur immobilier augmente et l'incitation a construire diminue. Après, l'état peut effectivement distordre tout cela encore un peu plus en introduisant des réformes (ou des plans) favorisant l'offre.
1)
ne sous-estimez vous pas la dimension financiere ? le rendement du loyer ne depend pas seulement du cout de construction mais aussi du loyer de l'argent et de sa prévisibilité a long terme.
2)
il me semble que l'indice de cout à la construction a un impact important dans la decision de contruction (mais la son effet sur le loyer est neutre, puisque le bien est neuf et vacant) puis dans les 10-20 premieres années le cout d'entretien est relativement faible et peu impacté par le cout de la construction.
durant cette periode l'indexation du loyer sur cet indice constitue bien une rente ou une provision.
il ne redevient important que pour les biens a renover. mais cela veut dire qu'un investisseur n'a pas trop a se soucier de ce changement d'indice dans sa decision de construire (et donc de contribuer a augmenter l'offre), il peut raisonablement penser qu'il sera toujours temps de vendre ou de profiter d'un changement de locataire pour reactualiser le loyer.
j'en conclus que contrairement a votre pronostic le changement d'indice devrait etre relativement neutre sur le volume de l'offre et sur la dynamique de creation de logements - ce qui serait suceptible de rééquilibrer le marché a terme.
3)
par contre la réévaluation des standards en matiere d'isolation et de chauffage risque de modifier rapidement les données de l'offre de logement locatif, a la baisse
A Greenbox:
1) Sans doute.
2) Je suis d'accord pour dire que "dans les 10-20 premieres années le cout d'entretien est relativement faible et peu impacté par le cout de la construction. durant cette periode l'indexation du loyer sur cet indice constitue bien une rente ou une provision".
Je prétends en revanche que l'obtention de cette rente est inévitable, car le prix du logement, à la vente ou à la location, est fondamentalement fixé par le prix des logements neufs qui dépend étroitement de leur coût. Il s'agit du mécanisme de marché que j'essaie de détailler dans le post précédent.
Ainsi, on peut penser qu'en l'absence d'indexation sur le coût de la construction, les prix vont s'ajuster de façon plus brutale lors des changements de locataires. Un effet négatif sur l'offre pourrait être le suivant: lorsqu'il y a des augmentations brutales du coût de la construction, le fait que le prix à la location s'ajuste mal à court terme rend l'achat de logements neufs moins attractif pour les ménages qui louent. On peut s'attendre à ce que la demande globale de logements neufs diminue et que le temps moyen nécessaire pour vendre un logement neuf augmente (car ajustement difficile à court terme et donc marché moins fluide). Ces mécanismes ont un effet négatif sur l'offre.
On pourrait aussi s'attendre à des effets inversés lors de chocs à la baisse sur le coût de la construction. Mais ce n'est pas vrai, car les loyers sont rigides à la hausse mais pas à la baisse.
3) D'accord aussi.
A propos de l'augmentation de l'offre en logement. Il faut voir aussi qu'il existe une concurrence entre la construction de logement et la construction d'immeubles de bureaux (s'il est possible de convertir un immeuble de logement en immeuble de bureau les bureaux peuvent difficilement être transformés en logement pour de basses considérations sanitaires).
La surface utilisable dans une ville étant limitée il y a forcément un arbitrage qui va s'effectuer. Si le rendement obtenu par les constructions de bureaux est plus élevée (ou si les acteurs du marché préfèrent construire des immeubles de bureaux pour des questions de prestige ou parce que ça leur demande moins de tracasserie, ce ne sont pas les temps de retour qui dictent l'essentiel de la conduite humaine), il n'y aura pas de nouvelles construction de logements dans un certain nombres de zones. Comme la régulation des loyers est otée, les loyers des logements vont augmenter pour parvenir à l'équilibre avec les loyers des surfaces commerciales.
Les seuls endroits ou la construction de logements auront lieu et où les loyers baisseront ce sera en périphérie. Et à partir de ce moment là la baisse des loyers obtenue ne sera pas capable de compenser la perte financière liée à l'allongement des distances de trajets (si les loyers sont bas c'est qu'il n'y pas beaucoup de demandes pour des surfaces commerciales, donc qu'il n'y a pas beaucoup d'activité et qu'il faut se déplacer pour en trouver). Le gain sur le pouvoir d'achat n'est alors pas vraiment au rendez-vous...
Je ne suis pas économiste...
Si ce changement d'indice entre en vigueur, je serais prêt à parier qu'on s'apercevra vite que l'inflation qui "frémit" fera augmenter plus rapidement les prix à la consommation que les prix de construction! Alors on fera machine arrière...
La diminution du dépôt de garantie est plus grave. Déjà que les locataires indélicats ne paient pas les 2 derniers mois de loyer!
Vous évoquez la notion de fluidité du marché des locations. On voit bien le manque de rotation des HLM: On a intérêt à y rester, même si ses revenus ont augmenté... Sauf si les conditions de vie y sont vraiment trop dégradées. Le manque de fluidité est la hantise des bailleurs à cause de l'insécurité juridique à laquelle ils sont soumis: difficultés d'encaissement, d'expulsion, longueur des procédures. Même si en proportion ces difficultés sont marginales, elles sont leur hantise.
L'instabilité fiscale est aussi à prendre en compte.
Le choix de l'investissement immobilier (offre) dépend de ce que je viens de citer, mais aussi des rentabilités et fiscalités comparées avec les placements mobiliers.
Enfin, pour que le marché ajuste l'offre à la demande, la politique foncière doit le permettre: règles d'urbanisme. Il y aurait beaucoup à dire.
Autre chose: Quels sont les effets, bénéfiques et pervers des aides au logement et de bien d'autres interventions étatiques non citées?
P.S. Un bailleur entretient bien son logement pour garder son capital, mais aussi pour attirer et garder de bons locataires. Pas seulement en proportion du rapport: C.f. les "meublés" pouilleux loués à prix d'or par les services sociaux à Paris!
Qqch que je ne comprends pas : "ce changement d’indice devrait aussi affecter en retour le niveau des loyers à chaque fois qu'un bail sera signé, puisque les propriétaires s’attendront à être contraints jusqu'à la signature du prochain bail de limiter les hausses de loyer à un niveau qui ne reflètera pas forcément le coût d’entretien du logement."
Est-il bien certain qu'avec l'IPC l'évolution des loyers soit inférieure à celle du coût d'entretien des logements? A priori, il n'y a pas de raison que le coût de l'entretien, moins intensif en matière première que la construction, évolue sensiblement plus vite que l'IPC, non?
La partie I de votre billet est absolument remarquable. Merci.
Je pense que vore analyse graphique n'est pas tout à fait exacte.
1) Vous dites que le rectangle vert correspond à un transfert de revenu des propriétaires vers les locataires. Il s'agit plutôt d'un transfert de bien-être des propriétaires vers les locataires. En effet la taille du rectangle vert correspond à la volonté à payer des locataires ayant accés au marché.
2) La perte que vous évoquez correspond à a situation où les locataires ayant accés à la location après le contrôle des loyers sont ceux qui ont la volonté à payer la plus élevée. Toutefois, on peut imaginer un situation où les locataires ayant accés au logement sont ceux ayant la volonté à payer la plus faible (légèrement supérieur à Pr). Dans un tel cas le rectangle vert se réduit considérablement et la perte sèche augmente car des locataires ayant une volonté à payer importante sont exclus du marché.
Merci pour votre blog. Je le trouve très pédagogique et j'ai bien conscience que mes critiques rendent l'analyse plus complexe sans changer les conclusions.
Enregistrer un commentaire