lundi 17 septembre 2007

Qui paie les impôts?


L'incidence fiscale (= qui paie réellement les impôts) figure en bonne place sur le podium des concepts économiques les moins bien compris par les hommes politiques, les journalistes, les juristes, voire par certains économistes plus ou moins autoproclamés. Il y a quelques mois de cela, Markss de Libertés réelles avait rédigé un très bon post qui reprenait le cours d’économie de base à ce sujet. La répétition étant la meilleure des pédagogies, nous avons souhaité nous joindre au choeur des autres économistes gaulois pour combattre une méconnaissance aux conséquences dévastatrices pour la qualité du débat public ! Ne pas comprendre l’incidence fiscale, c'est se condamner à passer totalement à côté des enjeux de la TVA sociale, des déductions d’intérêts d'emprunt immobilier, des baisses ciblées de cotisations sociales… et plus généralement de tout ce qui touche à la fiscalité ! Nous continuerons à taper jusqu’à que cela rentre dans la tête des Gaulois!

A première vue, le titre de ce post (« Qui paie les impôts ? ») paraît bien naïf. Pour beaucoup en effet, la réponse à une telle question frise la lapalissade : le consommateur paie les impôts sur la consommation, les ménages paient l’impôt sur le revenu, les sociétés paient l’impôt sur les sociétés, les salariés paient les cotisations salariales et les patrons les cotisations patronales ! Voilà encore un bel exemple de la parfaite inutilité des économistes qui pensent avoir réinventé le fil à couper le beurre pour nous expliquer des évidences !

Vraiment ? Prenons un exemple très simple : les cotisations salariales. Légalement, elles sont payées par les salariés. Mais imaginons qu’à chaque augmentation de cotisations, les salariés parviennent au cours des négociations salariales à obtenir des augmentations de salaire. Qui finira alors par payer ces cotisations salariales ? Réponse : l’employeur. Prenons l’exemple inverse avec les cotisations patronales : si lorsque les cotisations sont augmentées, les salaires nets sont réduits, qui paie en réalité ces cotisations patronales ? Réponse : les salariés. Ce que les économistes appellent l’incidence fiscale, c’est l'analyse de la répartition de la charge d'un impôt, autrement dit : qui paie vraiment telle ou telle taxe? Et cette réalité ne dépend pas du nom de l’impôt ou de son détail juridique. Elle ne dépend que trois éléments : l’offre, la demande et le niveau de concurrence. Trois concepts que les économistes passent leur temps à étudier.

Pour être sûr de bien comprendre, prenons un contre-exemple cité par Greg Mankiw : il y a quelques mois, le gouverneur de l’Illinois a décidé d’introduire une cotisation patronale pour financer des dépenses de santé (une très bonne politique en soi) mais, pour être sûr que les cotisations seraient bien payées par les employeurs, il a fait figurer dans la loi la disposition suivante : « les cotisations patronales ne peuvent être déduites du salaire net ou des autres avantages des salariés ». Est-ce qu’une telle loi a des chances d’atteindre son but ? Vraisemblablement pas. Car ce qui compte, ce n’est pas la loi, mais bien la négociation des salaires entre employés et salariés. Sans ces cotisations sociales nouvelles, les employés et les employeurs auraient pu s’accorder sur une augmentation de salaire plus importante. Pour déterminer qui paie réellement l’impôt, il faut pouvoir comparer la situation qui prévaut en présence de l'impôt à un contrefactuel fictif (« quel aurait été le salaire brut sans impôt ? ») et celui-ci dépend du pouvoir de négociation des employés et des employeurs en matière de fixation du niveau du salaire ou, pour utiliser le jargon des économistes, de « l’élasticité de la demande et de l’offre de travail ». A ce titre, la distinction administrative entre cotisations patronales et cotisations salariales n’a aucun fondement économique (l’effet peut être différent à court ou moyen terme). Selon l’offre, la demande ou le degré de concurrence, ce seront les salariés ou les employeurs qui paieront les cotisations patronales et salariales. Le nom de l’impôt n’y changera rien, pas plus que la répartition légale entre cotisations salariales et patronales ! Pour citer Paul Krugman « aucune politique ne peut aller à l’encontre de la loi de l’offre et de la demande ». Cela ne signifie nullement que la politique soit par nature impuissante, mais qu'on ne peut rédiger des lois efficaces en ignorant les principes économiques.

Reprenons. Le premier concept fondamental de l’incidence fiscale est que celui qui paie légalement une taxe n’est pratiquement jamais celui qui la paie réellement. Les erreurs de raisonnement associées à la méconnaissance de cette règle sont innombrables.

On ignore ainsi souvent que les entreprises ne paient pas en général l’impôt sur les sociétés : la charge de cette impôt est transmise à ceux qui possèdent ces entreprises (les actionnaires), à ceux qui travaillent pour elles (les salariés, sous la forme de diminutions de salaires) ou encore à ceux qui achètent les produits de ces entreprises (les consommateurs, sous la forme d'augmentations de prix).

Un autre exemple est celui de l’impôt sur le revenu. Il est essentiellement payé par les ménages car ceux-ci ont peu de moyens pour transférer cet impôt sur d’autres groupes de l’économie (seuls les salariés dont les qualifications sont extrêmement rares – chanteurs, footballeurs, traders, etc. – peuvent annuler en partie une augmentation de leurs impôts en obtenant un accroissement de leur rémunération). Mais même à ce niveau très simple, certains indices révèlent que l’impôt sur le revenu n'est pas acquitté uniquement par les ménages. Par exemple, le fait que les banques proposent des comptes d’épargne fiscalisés avec un taux d’intérêt brut plus élevé que celui des comptes d’épargne défiscalisés est un signe qu’une partie de l’impôt (ou plutôt de la déduction d’impôt) est reporté sur (capturé par) les banques.

De manière encore plus flagrante, les différences de prix pratiquées entre les tarifs déclarés et les tarifs "au noir" des entrepreneurs en bâtiment indiquent qu'une partie des impôts nominalement payés par les entrepreneurs sont transférés sur le consommateur lorsqu'il choisit de déclarer les travaux qu'il souhaite effectuer.

Dès lors, comment savoir qui paie in fine l'impôt ? C’est là la deuxième règle de l’incidence fiscale : finira par payer la taxe celui qui ne peut la faire porter sur d’autres acteurs de l’économie. Dans le jargon des économistes, c’est le côté « le plus inélastique du marché » qui paie l’impôt.

Prenons des exemples simples. Imaginons qu'un impôt sur les canettes de Coca-Cola soit instauré. Les consommateurs pourront alors choisir de boire du Pepsi qui n’est pas taxé. Si Coca continue à vendre sa canette au même prix qu’avant (hors taxe), personne ne va acheter du Coca (sauf les fans de la marque qui sont prêts à payer du Coca plus cher que payer moins cher du Pepsi). S'il y a beaucoup de consommateurs prêts à changer pour Pepsi, on dira que la demande est élastique (sensible au prix). Dans ce cas, qui paiera la taxe sur le Coca? Réponse : le producteur de Coca, à moins de perdre une bonne partie de ses clients.

Imaginons maintenant qu'on augmente brutalement le taux de taxation de tous les produits de consommation : les consommateurs auraient-ils les moyens de ne pas payer entièrement cette augmentation ? Il ne pourraient y parvenir qu'en réduisant leur consommation pour accroître leur épargne, mais comme l'épargne n'est que de la consommation différée, cette stratégie ne changerait rien à l'affaire : ils finiraient quand même par régler l'addition. La demande de consommation étant peu élastique au niveau général des prix, on considère généralement que la TVA est payée en grande partie par les consommateurs (pas totalement car l'incidence fiscale de la TVA dépend également du niveau de concurrence sur le marché des biens et services, un aspect sur lesquel nous reviendrons dans un prochain post).

L'analyse économique de l'incidence fiscale produit donc des résultats pour le moins contre-intuitifs : les entreprises ne paient pas l’impôt sur les sociétés, il n'existe aucune différence entre cotisations patronales ou salariales, la TVA est en général payée par les consommateurs bien qu'elle soit formellement acquittée par les entreprises, etc. Le point fondamental est que l’effet distributif des impôts dépend de façon essentielle de l’incidence fiscale. Des impôts perçus par le public comme redistributifs (cotisations patronales) peuvent être antiredistributifs en réalité. Et quoi de plus agaçant pour un économiste que d’entendre des partis politiques, des syndicats ou même des universitaires se déclarer au nom de la justice sociale favorables à des dispositions fiscales dont l'analyse économique révèle qu'elle pèse en réalité sur les plus pauvres ! Pour connaître l’impact de chaque impôt, il faut connaître la sensibilité des prix à la demande et à l’offre, le degré de concurrence sur différents marchés. Des études empiriques sérieuses sont donc nécessaires. Nous nous intéresserons aux différents impôts pour voir de quelle manière les mécanismes discutés dans ce post peuvent orienter des propositions de réforme de la fiscalité française. Gabrielle a déjà évoqué la déduction des emprunts immobiliers. Clément prépare une analyse gauloise de la TVA sociale… ainsi que les autres politiques à venir de nos chefs gaulois pas toujours très bien inspirés...

Et par pitié, FAITES TAIRE LE BARDE ATTALIX !
_Antoine_

24 commentaires:

Gu Si Fang a dit…

C'est limpide. Si on résume :
- une offre ou une demande rigide (en quantité) paie l'impôt,
- une offre ou une demande dont les prix sont rigides le paie peu.
C'est ça?

Je suppose qu'on peut raisonner sur par secteurs d'activité :
- immobilier = quantité inélastique du fait des réglementations
- capitaux = prix rigides du fait de l'internationalisation
- produits réglementés = prix rigides
- consommation = ça dépend des produits...
NB : je ne comprends pas "la TVA est en général payée par les consommateurs bien qu'elle soit formellement acquittée par les consommateurs"

Mais ce raisonnement a-t-il un sens au niveau des individus? Quand on demande "Qui paie l'impôt?", la question qui vient aussitôt à l'esprit est "Toi ou moi?"

Cela s'applique aussi aux subventions, comme pour les médicaments (remboursés) et les studios (l'APL).
http://gusifang.blogspot.com/2006/10/studios-et-mdicaments.html

Antoine a dit…

@Gu si fang: Je crois que vous avez bien saisi.

Sur l'immobilier, il y a les reglementations, mais surtout le fait que l'espace est limité.

Sur la TVA, la phrase citée voulait simplement dire que la TVA est payée par les consommateurs (en grande partie, mais pas totalement) non pas parce qu'elle est payée formellement par le consommateur mais par l'effet de mecanismes de marché. Des exemples en concurrence imparfaite (futur post) devraient pouvoir vous convaincre que ce n'est pas evident que ce sont les consommateurs qui paient la TVA. (NB: en toute rigueur, vous pourriez me faire le reproche que la TVA n'est pas formellement payée par les consommateurs mais par les producteurs qui paient au Tresor public la TVA!).

Le raisonnement peut etre appliqué par secteur, par individu, par generation, par region, par fonction economique (capital, travail..).

Effectivement le raisonnement s'applique à la fois aux impots et a toute subvention ou toute depense publique.

Anonyme a dit…

Au fait Petitsuix, dans votre commentaire sur faites taire le barde Attalix vous auriez pu reconnaître que j'avais donné la bonne réponse par prétérition... A part ça, je partage tout ce que vous avez écrit, y compris cette maxime latine Repetitio est mater studiorum que je fais mienne à chaque rentrée universitaire. PS. Mon nom est Gizmo, pas Guizmo.

Antoine a dit…

@Gizmomine: milles excuses pour le nom!

Anonyme a dit…

Question de parfait béotien :

Quand vous dites :
"On ignore ainsi souvent que les entreprises ne paient pas en général l’impôt sur les sociétés : la charge de cette impôt est transmise à ceux qui possèdent ces entreprises (les actionnaires), à ceux qui travaillent pour elles (les salariés, sous la forme de diminutions de salaires) ou encore à ceux qui achètent les produits de ces entreprises (les consommateurs, sous la forme d'augmentations de prix)."

Est ce à dire que si l'IS était supprimé l'actionnaire percevrait un dividende plus élevé, le salarié un salaire plus élevé et le consommateur un pouvoir d'achat amélioré ?

Antoine a dit…

@Pas si beotien: Oui c'est exact. Mais ce que l'on ne sait pas trop, c'est quelle part est payée par les actionnaires (les salariés, les consommateurs). Cela dépend du secteur, du degré de concurrence, du mode de financement...

Les raisons pour lesquelles on justifie un impot sur les societes plutot qu'un impot sur le revenu des actionnaires sont les suivantes:
1/ Il paraissait plus facile de controler des entreprises que des particuliers et ainsi eviter des risques d'evasion fiscale. Le fait que grosses entreprises parviennent aujourd'hui facilement a reduire considerablement l'impot sur les societes via le transfert entre differentes filiales de leurs revenus remet peut-etre en cause cette justification.
2/ Un impot sur les societes préviens le fait que l'accumulation de profits non distribué soit une facon d'éviter l'impot sur le revenu (les interets sur les dividendes ne seraient pas taxés)
3/ Un impot sur les societes permet de taxer les actionnaires etrangers et pas seulement les actionnaires residents.

Anonyme a dit…

Merci pour la réponse !

Bon, serait-il faux de dire que l'Ets paie l'IS mais le récupère sur et l'actionnaire , et le consommataeur et le salarié ?

Je pose cette question de béotien (si si!) par rapport à votre "On ignore ainsi souvent que les entreprises ne paient pas en général l’impôt sur les sociétés"

Elles le paient mais le récupère d'une manière ou d'une autre sur ...

Mais ma question n'a sans doute pas lieu d'être parce que c'est peut-être ce que vous voulez dire dans votre article, et que c'est moi qui n'ai rien compris ou pinaille.

Antoine a dit…

@si si beotien: Non je crois que c'est inexact. Les entreprises n'ont pas d'utilite; elles ne "paient pas" economiquement d'impot. Elles paient "formellement" l'IS (elles font un cheque au Tresor Public).

On peut dire que les proprietaires des entreprises paient des impots sur les revenus de leur entreprise et essaient de reporter ce cout sur les salaries et les consommateurs.

En fait la phrase "les entreprises ne paient pas d'impot" correspond au premier point du post qui fait la distinction entre "l'incidence formelle" (legale) et "l'incidence economique" (qui perd avec l'impot).
Ensuite, il y a un deuxieme point qui correspond au fait que l'incidence economique depend de la capacite a reporter l'impot sur d'autres acteurs economiques.

J'espere que je suis clair... sinon continuez a poser des questions!

Anonyme a dit…

Bon ,bon ! Je vais faire une tentative par rapport à votre incidence formelle et l'incidence économique :

Je prends l'exemple simple (trop peut-être" d'un boulanger. Le prix de sa baguette inclut toutes les charges auxquelles il est assujetti. Donc OK c'est bien le client qui règle en réalité les charges et impôts du boulanger. J'ai bon là ?

S'il n'y a pas de clients (pour X raisons, parce qu'il est au fond de la lozère là où il y a 3 poules eu km2 par exemple) eh bien il ne peut pas vendre assez pour reporter sur d'autres ces charges et impôts. Est çàl'incidence économique ?

Appelez moi "béotien" ce sera plus simple.

Anonyme a dit…

Euhh j'ai dit une bêtise dans mon post précédent ?

Antoine a dit…

@Beotien: desole pour le delais, j'avais ecris une longue reponse qui n'est pas passee et je n'ai pas eu le courage de recommencer hier soir.

Vous avez compris la difference entre l'incidence formelle et l'incidence economique.

Par contre, votre analyse du marche de la baguette n'est pas tout a fait juste. Il faut la comprendre l'importance du degre de concurrence. Je n'ai pas trop insiste sur ce point dans le post car c'est plus complique.

Disons que le boulanger en Lozere est en situation de monopole et que le boulanger parisien fait face a une forte concurrence (5 autres boulangeries a moins de 100m). Tout depend encore de la sensibilite de la demande de baguette a son prix. Si les consommateurs sont tres sensibles au prix de la baguette, a Paris le prix ne va pas augmenter autant que la taxe, certains boulanger vont donc payer une partie de la taxe, d'autres ne pourront pas survivre. Si la demande de baguette n'est pas si sensible au prix, alors ce sont bien les consommateurs qui vont payer la taxe.

En Lozere, la faible concurrence rend bcp de choses possibles (en terme d'incidence fiscale) selon la sensibilite de la demande. Il est meme possible que pour une sensibilite normale, le boulanger en monopole augmente plus ses prix que le montant de la taxe.

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'il faut a chaque fois comparer les deux cotes du marche: est-ce difficile de produire plus, est-ce difficile de reduire sa consommation, existe-t-il de la concurrence?

L'essentiel reste dans le fait de retenir (ce que vous semblez avoir compris) que ce n'est pas le montant legal d'impot qui est important mais la facon dont un impot peut etre reporte sur d'autres acteurs economiques par le biais du marche, et donc de l'offre et de la demande. Rien qu'avec cela, vous en savez plus que la plupart des commentateurs politiques francais!

Anonyme a dit…

"Rien qu'avec cela, vous en savez plus que la plupart des commentateurs politiques francais"

Arrêtez mes chevilles vont enfler !

Merci en tout cas pour toutes ces précisions !

et longue vie à Ecopublix !

Anonyme a dit…

Un très bon post comme d'habitude...

Est-ce qu'on pourrait dire du coup que du fait de la mondialisation et d'une concurrence accrue sur certains produits, des impôts (IS, TVA) qui étaient auparavant de fait payés par les consommateurs le sont maintenant par les actionnaires et (surtout, car les moins mobiles) les salariés ?

Quelle meilleure façon que de justifier une hausse de l'IR dans ce cas, surtout pour les ménages les plus riches qui consomment le plus de biens soumis à la concurrence internationale et ont vu leur pouvoir d'achat augmenter de ce seul fait, tandis que les moins riches ont surtout vu les loyers exploser.

Des mesures comme la TVA sociale visent essentiellement à opérer un transfert des ménages vers les entreprises. Pourquoi pas après tout puisque les entreprises sont possédées par des ménages. Sauf qu'il faudrait qu'il s'agisse des mêmes, or comme les plus-values et dividendes ont des taux spéciaux ou bénéficient de niches diverses, rien n'est moins sûr.

Bref après la question quel type d'acteurs paie l'impôt il faudrait s'attaquer à quels acteurs de chaque catégorie paie l'impôt (avant et après telle ou telle réforme). Mais comme un Gaulois de ma connaissance avait écrit un excellent article précisément sur ce sujet dans le n°1 de regards croisés sur l'économie je suis déjà éclairé sur la question.

Anonyme a dit…

Hélas, la baguette vaux beaucoup plus cher en ville (forte concurrence) qu'à la campagne ( monopole ) ...

Anonyme a dit…

j'ai un peu de mal à percevoir la rationalité de la division en catégories que vous proposez implicitement.

Par exemple quand vous affirmez que les entreprises ne paient pas l'impôt, que ce sont leurs actionnaires leurs salariés ou leurs clients qui les paient. D'accord en un sens, mais ça veut simplement dire que vous excluez d'un argument comptable les personnes morales : s'il y a un prélèvement fiscal (disons une hausse de TVA), votre logique conduit à conclure qu'elle se répartit entre les clients terminaux et les entreprises mais une logique seconde dit que les entreprises ça ne compte pas et que ça se répercutera forcément sur des humains. Assez d'accord avec ce choix pédagogique, mais ça me semble plus pédagogique que rationalisable.

Plus gêné encore de voir une catégorie "consommateur". Quelle différence de sens y a-t-il entre "consommateur" et "humain" ? Parce que si c'est synonyme et que vous excluez par principe les personnes morales des payeurs, dire qu'un impôt repose sur les "consommateurs" ça paraît un peu tautologique.

Antoine a dit…

@Beotien: la baguette est plus chère en ville car le coût marginal est probablement plus élevé à la ville (local, salaires des employés). On peut aussi dire qu'il y a discrimination en prix avec des types de baguette de différentes qualités (retrodor...) afin d'extraire la capacité à payer plus élevée des citadins.

Antoine a dit…

@anonyme sur les catégories: je ne suis pas sûr de comprendre "plus pédagogique que rationalisable". L'idée est en effet pédagogique. Les entreprises ne paient pas d'impot, il y a toujours des êtres humains qui en paient.

Sur les consommateurs et les humains je trouve votre remarque plus intéressante. Effectivement, ce sont toujours les consommateurs qui paient tous les impôts. Lorsqu'on dit le producteur paie l'impôt, c'est effectivement un producteur qui voit son revenu baisser avec l'introduction de l'impôt et donc sa consommation finale (après possiblement une période d'épargne) qui est réduite.

L'utilisation de catégories est fondamentalement pour un usage pédagogique. Si vous préférez, l'incidence fiscale discute de la façon dont les personnes d'un ensemble (pays, système productif, entreprise) sont touchés différemment par les impôts, et ce quel que soit le nom de l'impôt.

@j-e: effectivement, vous pensez probablement à l'excellent article de Clément Carbonnier dans le numéro 1 de la revue Regards croisés sur l'économie.

Unknown a dit…

Ce billet est fort intéressant puisqu'il met en évidence les mécanismes de l'économie; mais comme à chaque fois que j'entends parler d'économie, je ne vois pas la réponse à la question posée :)

"Qui paie les impôts ?"

La réponse est multiple, ça je le comprend bien, mais elle est surtout au conditionnel, "Si les consommateurs sont tres sensibles au prix de la baguette".

Ce pourrait-il que ce soit sur ces conditions que les économistes diverges de point de vue ?

Antoine a dit…

@Paul: La réponse à la question qui paie les impôts est effectivement multiple, elle dépend des impôts en question, de la concurrence, de l'offre et de la demande sur le marché en question.

Les économistes discutent sur chaque impôt de ces trois conditions. Il y a parfois un consensus qui émerge (voir les posts sur les cotisations sociales) et parfois les économistes divergent sur la mesure de qui paie finalement les impôts (par exemple il y a une grande incertitude pour savoir qui paie l'impôt sur les sociétés).

JOJO a dit…

c'est bien compliqué tout ça, quelle énergie déployée!
Une question: comment faisaient l'ancienne URSS et les pays de l'est? Faut il regreter l'économie centralisée? Parce entre les économistes qui ne comprennent rien mais gérent tout et vous qui comprenez tout et ne gérez rien il y a là un supplice déjà vécu par les hommes dans l'antiquité.
Dans vos analyses pensez aussi aux retraités, merci

averell a dit…

tout d'abord je tiens à féliciter ecopublix, j'ai découvert votre site hier et depuis j'ai du lire une grosse dizaine de vos articles, tous brillants d'un point de vue pédagogique (pour le contenu étant non specialiste je ne peux pas juger précisemment, mais ça semble solide!).


Une question sur cet article : vous exposez le fait qu'en gros la plupart des impôts seront payés in fine par les consommateurs (car ici ce sont les acteurs les moins élastiques, en jargon, c'est ça?). Vous n'expliquez pas :
-si c'est un déséquilibre qu'il faut tendre à combattre, car les structures/individus visés par un impôt ne sont pas celles qui seront touchées au final, en supposant que l'incidence fiscale ne soit pas prise en compte lors de la création d'un impôt : "L'incidence fiscale figure en bonne place sur le podium des concepts économiques les moins bien compris par les hommes politiques"
-ou bien s'il s'agit simplement d'un fait qui n'est pas connu du grand public, qui biaise le débat public, et que vous vous proposez de vulgariser.

En lisant votre article, et en supposant que c'est un effet à combattre, m'est venu une idée absolument impraticable mais que j'aimerais exposer pour que vous m'éclairiez/corrigiez sur le plan théorique. Peut-on imaginer des moyens de s'assurer que l'imposé soit bien celui qui paye l'impôt au bout du compte, en modifiant les rapports d'élasticité des différents acteurs? Mon idée impraticable à titre d'exemple : peut-on imaginer n'appliquer l'impôt sur les sociétés que sur la moitié des entreprises de chaque secteur et changer toutes les x années pour le rendre "équitable" mais empêcher pour autant une répercussion sur le consommateur du fait de l'existence d'entreprises concurrentes non imposées. Evidemment cela suppose que les consommateurs aient la possibilité de se tourner vers les concurrents et néglige les conditions aux limites (création/destruction d'entreprises). Sur cet exemple l'impôt sur les sociétés serait probablement payé par les salariés mais existe-il des leviers plus praticables (praticables tout court en fait ;-))?

merci d'avance, j'espère simplement que vous continuez à surveiller les réactions que suscitent vos vieux articles

Antoine a dit…

@averell: merci pour vos encouragements, cela fait plaisir de voir que nos vieux articles sont encore lus!

Pour votre question, il y a deux reponses possibles (non exclusives):

1/ On ne peut pas forcer l'incidence d'un impot sur le long terme, car cela reviendrait a lutter contre l'offre et la demande. On ne peut pas non plus "faire payer" des entités comme les entreprises qui ne peuvent pas "payer d'impot" (les proprietaires des entreprises, les salariés et les consommateurs le peuvent, eux). Dans ce cadre, l'essentiel est de comprendre l'incidence des differents impots (pedagogie) pour aider au choix des impots.

2/ L'incidence fiscale peut etre modifiee, au moins a court terme, en menant des actions sur l'offre et la demande sur le marché en question: si on modifie les regles de concurrence, si on instaure des regulations, il est possible de modifier l'incidence fiscale, mais cela ne veut pas dire qu'on va parvenir a "coller l'impot" sur celui qu'on vise.

Par exemple l'impot sur les societes est payé en partie par les salariés, par les actionnaires et par les consommateurs. Avec la mobilité accrue du capital, les actionnaires payent de moins en moins l'impot sur les societes car les investisseurs peuvent investir ailleurs. On peut limiter la mobilité du capital en France (reintroduire un control des capitaux) mais cela est probablement moins efficace que de taxer directement les revenus des actionnaires francais par des impots directs.

L'ideal de politique economique est d'utiliser des impots dont l'incidence fiscale est claire afin que les citoyens puissent choisir en conscience les impots qu'ils preferent.

Mais au risque de me repeter: les entreprises ne peuvent pas payer d'impots, il n'y a que des individus qui peuvent payer des impots.

averell a dit…

Merci de votre réponse

deux questions :

Comment les citoyens peuvent-ils "choisir" un impôt?

Et étant donné l'évolution de l'incidence fiscale (ex: mobilité accrue du capital), l'analyse économique prône-t-elle donc une actualisation des différents impôts toutes les x années pour la stabiliser, en considérant qu'il est possible de la mesurer exactement?

Anonyme a dit…

Je suis tombé par hasard sur ce post, je ne connaissais pas du tout la notion d'incidence fiscale. De mon point de vue, votre article est clair et concis. Vous m'avez passionné avec un sujet qui d'habitude m'endors. Bonne continuation!

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