J’indique aux lecteurs de ce blog le site web gapminder qui permet de visualiser l’évolution des PIB des pays du monde depuis 1960. Je ne peux que recommander aux profs d’économie qui viendraient à errer sur notre blog d’aller voir ces graphiques animés. C’est un outil pédagogique très parlant pour expliquer l’évolution des inégalités dans le monde, les théories de la croissance et même des intuitions basiques d’économétrie.
Le graphique par défaut est l’évolution du PIB en abscisse et l’espérance de vie en ordonnée. Chaque pays est représenté par un disque dont la taille est proportionnelle à la population, chaque continent est d’une couleur différente et les données varient de façon animée dans le temps. Le mieux est de commencer par ralentir la vitesse de défilement des années afin de pouvoir repérer les pays en question en posant le curseur sur les bulles colorées.
On voit de façon frappante la Chine croître à une vitesse considérable depuis les années 1980, l’Inde suit avec une dizaine d’années de retard. Ces deux pays représentent la moitié de la population mondiale et influencent largement la moyenne mondiale. L’Afrique (en bleu) stagne désespérement en restant en bas à gauche avec l’espérance de vie la plus faible et sans croissance des revenus nationaux. Plus frappant encore est l’impact du Sida et des guerres sur les pays africains : l’Afrique du Sud voit son espérance de vie réduite avec la montée de l’épidémie, le Rwanda chute littéralement avec le génocide (l’espérance de vie atteint 20 ans !)... La Russie et les pays de l’ex-URSS voient aussi leur espérance de vie baisser dans les années 1990. De façon assez comique les pays du Golfe (petits en vert) zigzaguent de droite à gauche avec les prix du pétrole. A côté de ces faits majeurs, les différences entre nos pays développés sont à peine visibles. Il est possible d’utiliser la fonction zoom (en bas à droite) et d’obtenir un encadré d’un groupe de pays. Si l’on zoom sur les pays développés, un certain nombre de faits économiques récents apparaissent clairement : pendant les années 1960, les pays européens rattrapent les Etats-Unis et l’écart se creuse à nouveau pendant la décennie 1990. Un petit point jaune mérite un peu d’intérêt. Dans le groupe des pays riches, il a tendance à reculer par période et se rapproche peu à peu du groupe des pays de richesse intermédiaire : vous l’avez reconnu ? C’est l’Argentine.
Il y a quelques années, un vif débat sur l’évolution des inégalités dans le monde avait occupé la communauté des économistes. The Economist avait largement relaté l’opposition entre les chiffres proposés par Martin Ravallion de la Banque mondiale et ceux du professeur de l’université Columbia Xavier Sala-i-Martin. Ce dernier mettait en évidence que la pauvreté dans le monde était en forte réduction et ainsi que les inégalités entre individus du monde. Les chercheurs de la Banque mondiale, trouvaient que la pauvreté avait baissé dans le monde, mais en restant à un niveau très élevé (deux fois plus élevé que les chiffres de l’universitaire catalan) et que les inégalités entre pays étaient aussi importantes qu’auparavant. De nombreuses raisons expliquaient les différences de résultat entre les deux études (données différentes, échantillon de pays différent), mais un des points majeurs soulevés par ce débat était le poids que l’Inde et la Chine exercent sur la moyenne. Si l’on regarde l’inégalité uniquement entre pays (chaque pays est une observation), les inégalités ont tendance à s’accroître depuis une dizaine d’années. A l’inverse, si on pondère chaque pays par sa population, les inégalités ont tendance à se réduire (du fait de la croissance de l’Inde et de la Chine). Enfin, une troisième mesure consiste à comparer tous les individus du monde en utilisant les distributions de revenu au sein de chaque pays et la baisse de la pauvreté (réelle) est moins forte que dans la seconde mesure. A la figure ci-dessous, issue de The Economist (11 mars 2004), on retrouve cette vision opposée :
Pour les spécialistes : On peut même aller plus loin pour ceux qui sont familiers avec le modèle de Solow et les débats économétriques autour de sa validité. Si on régresse le taux de croissance des pays (comme une observation) sur leur niveau de richesse en 1960, on ne trouve pas la relation négative prédite par le modèle de Solow, mais si on contrôle pour le degré d’éducation, l’épargne et la croissance démographique (à la Mankiw, Romer et Weil, QJE 1992), on retrouve la prédiction de Solow que les pays plus pauvres doivent croître plus vite que les plus riches et donc les rattraper. C’est là qu’on peut discuter l’exogénéité du niveau d’éducation : n’est-il pas simplement corrélé au niveau de revenu ? est-ce que l’éducation est la source de la croissance ou seulement un signe de richesse ?… mais je sens que je perds des lecteurs, donc je vous laisse jouer avec cet outil formidable et méditer sur l’évolution des inégalités dans le monde.
On peut aussi changer les variables, comme la mortalité enfantine, le nombre de médecins, les dépenses militaires….
Le graphique par défaut est l’évolution du PIB en abscisse et l’espérance de vie en ordonnée. Chaque pays est représenté par un disque dont la taille est proportionnelle à la population, chaque continent est d’une couleur différente et les données varient de façon animée dans le temps. Le mieux est de commencer par ralentir la vitesse de défilement des années afin de pouvoir repérer les pays en question en posant le curseur sur les bulles colorées.
On voit de façon frappante la Chine croître à une vitesse considérable depuis les années 1980, l’Inde suit avec une dizaine d’années de retard. Ces deux pays représentent la moitié de la population mondiale et influencent largement la moyenne mondiale. L’Afrique (en bleu) stagne désespérement en restant en bas à gauche avec l’espérance de vie la plus faible et sans croissance des revenus nationaux. Plus frappant encore est l’impact du Sida et des guerres sur les pays africains : l’Afrique du Sud voit son espérance de vie réduite avec la montée de l’épidémie, le Rwanda chute littéralement avec le génocide (l’espérance de vie atteint 20 ans !)... La Russie et les pays de l’ex-URSS voient aussi leur espérance de vie baisser dans les années 1990. De façon assez comique les pays du Golfe (petits en vert) zigzaguent de droite à gauche avec les prix du pétrole. A côté de ces faits majeurs, les différences entre nos pays développés sont à peine visibles. Il est possible d’utiliser la fonction zoom (en bas à droite) et d’obtenir un encadré d’un groupe de pays. Si l’on zoom sur les pays développés, un certain nombre de faits économiques récents apparaissent clairement : pendant les années 1960, les pays européens rattrapent les Etats-Unis et l’écart se creuse à nouveau pendant la décennie 1990. Un petit point jaune mérite un peu d’intérêt. Dans le groupe des pays riches, il a tendance à reculer par période et se rapproche peu à peu du groupe des pays de richesse intermédiaire : vous l’avez reconnu ? C’est l’Argentine.
Il y a quelques années, un vif débat sur l’évolution des inégalités dans le monde avait occupé la communauté des économistes. The Economist avait largement relaté l’opposition entre les chiffres proposés par Martin Ravallion de la Banque mondiale et ceux du professeur de l’université Columbia Xavier Sala-i-Martin. Ce dernier mettait en évidence que la pauvreté dans le monde était en forte réduction et ainsi que les inégalités entre individus du monde. Les chercheurs de la Banque mondiale, trouvaient que la pauvreté avait baissé dans le monde, mais en restant à un niveau très élevé (deux fois plus élevé que les chiffres de l’universitaire catalan) et que les inégalités entre pays étaient aussi importantes qu’auparavant. De nombreuses raisons expliquaient les différences de résultat entre les deux études (données différentes, échantillon de pays différent), mais un des points majeurs soulevés par ce débat était le poids que l’Inde et la Chine exercent sur la moyenne. Si l’on regarde l’inégalité uniquement entre pays (chaque pays est une observation), les inégalités ont tendance à s’accroître depuis une dizaine d’années. A l’inverse, si on pondère chaque pays par sa population, les inégalités ont tendance à se réduire (du fait de la croissance de l’Inde et de la Chine). Enfin, une troisième mesure consiste à comparer tous les individus du monde en utilisant les distributions de revenu au sein de chaque pays et la baisse de la pauvreté (réelle) est moins forte que dans la seconde mesure. A la figure ci-dessous, issue de The Economist (11 mars 2004), on retrouve cette vision opposée :
Pour les spécialistes : On peut même aller plus loin pour ceux qui sont familiers avec le modèle de Solow et les débats économétriques autour de sa validité. Si on régresse le taux de croissance des pays (comme une observation) sur leur niveau de richesse en 1960, on ne trouve pas la relation négative prédite par le modèle de Solow, mais si on contrôle pour le degré d’éducation, l’épargne et la croissance démographique (à la Mankiw, Romer et Weil, QJE 1992), on retrouve la prédiction de Solow que les pays plus pauvres doivent croître plus vite que les plus riches et donc les rattraper. C’est là qu’on peut discuter l’exogénéité du niveau d’éducation : n’est-il pas simplement corrélé au niveau de revenu ? est-ce que l’éducation est la source de la croissance ou seulement un signe de richesse ?… mais je sens que je perds des lecteurs, donc je vous laisse jouer avec cet outil formidable et méditer sur l’évolution des inégalités dans le monde.
On peut aussi changer les variables, comme la mortalité enfantine, le nombre de médecins, les dépenses militaires….
7 commentaires:
Bonjour,
Très bonne idée, de diffuser l'adresse de ce site. J'ai 2 remarques (à petitsuix ou petisuix...).
La première c'est qu'au moins 95% des français pensent que la pauvreté augmente dans le monde. C'est terrible, et au-delà du débat sur l'ampleur de la baisse, il est toujours bon de rappeler à nos concitoyens électeurs que toutes les données montrent une baisse.
La seconde remarque concerne les inégalités de revenu et la pauvreté en France. Pour ces variables, on est plus proche de 99% d'électeurs mal informés... Je suis à la recherche de sites sur données françaises aussi pédagogique que gapminder, en connaissez-vous? Merci.
Bonjour Transportpublix,
Je suis d'accord sur le premier point et ce que j'essayais de souligner c'est la différence entre la situation de l'Afrique (où la pauvreté s'accentue) et la pauvreté dans le monde (où le poids de la Chine et de l'Inde est prépondérant). Même si la pauvreté baisse dans le monde, il est bon de rappeler que l'Afrique est restée à côté des bénéfices de la mondialisation qu'ont su saisir les pays asiatiques.
Pour les inégalités de revenu en France, je ne connais pas de site aussi pédagogique que gapminder, mais je peux vous recommander les papiers de Thomas Piketty et Emmanuel Saez sur les inégalités de revenu dans le monde (sur un siècle). Ces études sont magistrales. Pour la France, regardez soit le livre de Thomas Piketty Les Hauts revenus en France, soit l'article dans le Journal of political economy (2003), http://www.jourdan.ens.fr/piketty/fichiers/public/Piketty2001a.pdf
Si je trouve un meilleur site, je n'hésiterai pas à en faire un post.
Pour les avoir utilsés, je trouve les outils mis au point par Hans Rosling et son équipe très efficaces. Quelques remarques :
Pour ce qui est de la pauvreté, il faut noter que l'utilisation d'une échelle logarithmique pour les revenus tend à "dédramatiser" la présentation.
D'autre part, si l'évolution est réelle pour les personnes gagnant moins de 1 dollar par jour, par contre, le nombre de "working poors" gagnant moins de 2 dollars par jour tend à stagner. Il y a toujours environ 1,4 milliards de personnes en dessous de ce seuil de 2$/jour ! Source : ILO Global Employment Trends 2007 et les perspectives de réduction rapide sont faibles: Estimating growth requirements for reducing working poverty: Can the world halve working poverty by 2015?
En ce qui concerne les inégalités, la comparaison pays/pays n'est plus pertinente : les inégalités entre catégories à l'intérieur des pays sont très importantes et vont en s'aggravant pour de nombreux pays, comme le montrent bien les outils de Gapminder. De même pour les inégalités entre régions d'un même pays (voir UNDP Human Development Report 2006
Sur Youtube, la video d'une excellente conférence donnée à Monterey en 2006, où Hans Rosling commente avec humour une présentation des données du développement avec les outils Gapminder (courte publicité au démarrage): TED Talks
Melanchthon: Juste pour revenir sur votre remarque des comparaisons pays/pays. Je ne vois pas bien pourquoi elles ne seraient "plus pertinentes". Je peux comprendre qu'elles ne l'aient jamais ete (donner le meme poids a 1 milliard de Chinois ou a 400'000 Luxembourgeois n'est pas vraiment pertinent) mais pas qu'il y a eu un changement de "pertinence".
Par ailleurs, c'est justement lorsqu'on regarde les inegalites en prenant le monde comme un seul pays que l'on doit constater que celles-ci ont baissé entre individus du monde (meme si elles ont eu tendance a augmenter a l'interieur des pays et entre pays). La Chine a vu ses inegalites augmenter mais en meme temps des millions de Chinois sont sortis de la pauvrete. Cela n'ote rien au drame des milliards qui restent dans un etat d'extreme pauvrete, mais on peut difficilement pretendre que "c'etait mieux avant" (je ne dis pas que c'est ce que vous dites, mais c'est une opinion repandue).
Enfin merci pour le lien de YouTube!
Cher Petitsuix, je pense que nous sommes d'accord et qu'il y a malentendu. Il est clair que des progrès ont été réalisés et que des centaines de millions de personnes ont franchi le seuil de 1 dollar par jour. Je pense même (mais ne le dites à personne) que la mondialisation, avec toutes ses imperfections, y est pour quelque chose. Cela dit, affirmer que ces gens sont sortis de la pauvreté (ce que vous ne faites pas, mais c'est un propos répandu...) repose sur une définition de la non-pauvreté qui, même s'il s'agit d'1 dollar de 1993 en PPP, laisse la barre très bas.
Pour ce qui est des inégaltés, je suis d'accord sur le fait que la comparaison de pays à pays n'était déjà pas très pertinente, notamment quand elle s'appuie sur le PIB per capita. Mais elle l'est encore moins précisément parce que les inégalités se sont aggravées à l'intérieur des pays. C'est particulièrement vrai pour des pays comme la Chine et les ex-pays du bloc soviétique dont le coefficient de Gini a fortement augmenté (de même qu'aux Etats-Unis et au Royaume Uni).
Par contre, je ne sais pas ce qui vous fait dire : "c'est justement lorsqu'on regarde les inegalités en prenant le monde comme un seul pays que l'on doit constater que celles-ci ont baissé entre individus du monde".
Je n'ai pas pu trouver de données sur l'évolution du coefficient de Gini mondial (s'il est calculé), mais je doute fortement qu'il se soit réduit. Les travaux de Piketty et Saez montrant l'augmentation impressionnante de la part des revenus totaux revenant aux 0,1% supérieurs aux Etats-Unis me conforte dans ce point de vue.
Cher Melanchthon,
Vous pouvez regarder le livre (en ligne) de Surjit Bhalla et notamment le chapitre 11 ou bien vous pouvez regarder l'article de Bourguignon et Morrison AER (2002) où là la perspective de long terme donne une image moins rose des inégalités mondiales (forte hausse depuis le XIXème siècle puis stabilisation, puis légère hausse depuis 1960). Enfin, pour pouvez aussi regarder les travaux de Sala-i-Martin ici (un graph anime et ses papiers).
Au final la mesure des inégalités mondiales est très débattue car les difficultés techniques de mesures rendent les résultats très dépendants de choix sur la mesure de la distribution et la source des données (voir les chapitres du livre de Bhalla sur ce point). Il n'y a donc pas de consensus net pour l'instant sur la charactérisation des inégalités dans le monde (baisse, stabilisation ou légère hausse). Par contre, je ne suis pas vraiment d'accord avec votre dernière remarque. Même si les EU voient leurs inégalités augmenter considérablement, il est toujours possible que les inégalités entre les citoyens du monde se réduisent. Si les inégalités entre les 1 % les plus riches augmentent cela n'a qu'un poids marginal sur la distribution de l'ensemble de la population mondiale.
Ce que je retiens de toutes ces analyses, c'est qu'il y a encore beaucoup de pauvres, que les inégalités dans le monde n'ont pas tendance à exploser avec la mondialisation, qu'il y a beaucoup moins de pauvres Chinois et Indiens, mais que l'Afrique continue à sombrer (dans l'indifférence?).
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