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vendredi 21 mai 2010

Le Repères d'Ecopublix, ou le paradoxe de l'action collective illustré


Chez Ecopublix, on est friands d’expériences naturelles (ou contrôlées, d’ailleurs). Alors quand les éditions La Découverte nous ont contactés en novembre 2007 pour rédiger un ouvrage d’introduction à l’économie publique, c’est avec une joie non dissimulée que nous avons accepté de relever le défi. Pensez donc ! Nous allions enfin pouvoir tester empiriquement le paradoxe de l’action collective et il était hors de question de laisser passer une telle opportunité. Le contexte était idéal : 8 auteurs, un fort coût individuel pour un faible rendement à la participation à l’action, d’importants problèmes de coordination, sans négliger une contrainte budgétaire de 120 pages imposant des arbitrages drastiques ! Que pouvions-nous demander de plus ? Fort de ce cadre expérimental, c’est le cœur vaillant que nous nous sommes lancés dans l’aventure.

L’expérience fut un franc succès : l’écriture du livre, que nous pensions pouvoir achever en quelques mois, s’est étalée sur près de deux ans, entre débats interminables sur le choix du plan, calvaire de la rédaction, réécriture de chapitres entiers, collecte des données pour les graphiques et tableaux, etc.

Néanmoins, nous sommes maintenant à même de vous présenter le bébé, dont nous sommes très fiers (cliquer sur le widget pour feuilleter l’introduction et la table des matières) :


L’ouvrage propose une introduction à l’économie publique et cherche à rendre accessibles au plus grand nombre les enjeux et concepts de cette branche de l’économie en plein essor tout en s’appuyant sur les résultats des études empiriques les plus récentes. Il comprend six chapitres qui traitent respectivement des justifications et des contraintes de l’intervention publique, de la fiscalité, de la régulation des marchés, des dépenses publiques, de redistribution et, enfin, de l’évaluation des politiques publiques.

Comme on pouvait s’y attendre, la rédaction du Repères (qui n’a réellement commencé qu’à partir du mois de décembre 2008 et a duré 13 mois, après une phase de « gestation » d’un an…) a clairement réduit la production de posts sur le blog en 2009 par rapport à 2008. Le graphique suivant, qui indique l’évolution du nombre de posts publiés chaque mois (en moyenne mobile sur deux mois) depuis le lancement d’Ecopublix est agrémenté de quelques citations extraites de nos échanges par mail :


Pour mesurer l’effet causal du Repères sur notre productivité de blogueurs, nous avons cherché à comparer le nombre de posts effectivement publiés sur le blog pendant la période de rédaction du livre à l’évolution que l’on aurait constatée en son absence. Cette évolution « contrefactuelle » n’étant bien entendu pas observable, elle ne peut être estimée qu’à partir des évolutions constatées antérieurement. Pour y parvenir, nous avons calculé pour chaque mois compris entre novembre 2009 et décembre 2010 la moyenne des posts publiés au cours des deux années précédentes :


Le constat est sans appel : la perte de productivité imputable à la rédaction du Repères s’élève à environ 3,3 posts par mois, soit un total de près de 44 posts au cours de la période !

L’effet de « cannibalisation » du blog par le Repères ne semble pas cependant suffisant pas pour expliquer la baisse d’activité constatée sur le blog car cela supposerait qu’un post corresponde à environ à 3 pages d’un Repères (qui en fait 120), alors que la taille moyenne d’un post est plutôt de 5 pages en équivalent Repères. La rédaction du bouquin a donc bel et bien entraîné une « perte sèche » : le coût de cette entreprise collective a conduit à une baisse des contributions individuelles au blog plus importante que l’équivalent travail nécessaire à la production du bien public !

Cette perte sèche peut néanmoins tout à fait se justifier si la valeur (et l’utilité) de cette œuvre collective dépasse celle des contributions des auteurs : l’ouvrage est vendu au prix modique de 9,50 euros…

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jeudi 25 septembre 2008

Ecopublix, Episode II


Ecopublix se réveille après un long sommeil dans un nouvel espace-temps. La Guerre des Gaules est loin dernière nous et s’est terminée par la mort de quelques antiques irréductibles. Le gouvernement des Etats-Unis a entre-temps décidé de se lancer dans un vaste programme de nationalisations. Les Econoclastes ont publié un livre à succès (oups! on veut dire celui-ci) pour éduquer les masses. Nous en avons perdu notre latin…

Heureusement, une nouvelle génération d’économistes-blogueurs s’est décidée à reprendre le flambeau. Julien (lointain descendant d’Overzelus) s'apprête à devenir centurion docteur et a rejoindre Antoine (issu d’une lignée de Petitsuix) de l’autre côté du tunnel. Gabrielle (qui prétend être parente avec Noblabla) est partie étudier le logement à Barcelone sous prétexte que l’architecture y est intéressante et le climat bénéfique pour ses recherches. Camille (qui n’a aucun rapport avec Manix) s’envole pour Berkeley où il espère faire la révolution fiscale après la révolution des mœurs. Laurent (qui a hérité un marteau et une enclume de Capitalrix) étudie le capital à Paris, tandis que Clément (vaguement lié à Dyslexix) poursuit ses expériences naturelles pour estimer l’élasticité-prix de boissons diverses dans son laboratoire de Montmartre. Emmanuel (qui s’arroge des origines Viking par Kanelbullix) continue de gratter la glace du coté de Stockholm et d'observer le modèle suédois à la loupe. Enfin, pour compléter la description des forces en présence, Ecopublix se renforce sur le front des pays en voie de développement, en accueillant Guilhem. Pour cette nouvelle saison, il y aura encore du chiffre, du graphique et de l’analyse fouillée, mais on vous promet aussi du sexe, de la drogue et du rock-and-roll…

Credit image: NASA/ESA, The Hubble Key Project Team, and The High-Z Supernova Search Team.

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lundi 5 mars 2007

Ecopublix chez les irréductibles Gaulois


C’est bien connu : les Gaulois adorent débattre. Carte scolaire, retraites, niveau de la dette, jurys populaires, Banque centrale, réformes des universités, délocalisations, etc. : il n’est pas un thème qui n’attise des polémiques enflammées dans les journaux et les blogs de Gaule. Et si les sujets économiques y occupent une place de choix, c’est sans doute parce qu’ils cristallisent les passions d’un peuple ô combien belliqueux.

Malheureusement, lorsqu’il parle d’économie, le Gaulois se montre souvent irascible et de mauvaise foi (« Alésia ? connais pas ! »). Il préfère les discours incantatoires et les postures idéologiques à l’analyse sereine des faits et des chiffres. Tantôt déclinologue, tantôt utopiste, il se méfie des statistiques et, plus encore, des économistes, qu’il soupçonne d’être à la solde de l’Empire romain. Ne comprenant guère leur dialecte barbare, qui semble consister en la répétition inlassable de mots déplaisants (« incitations », « efficacité », « évaluation », « coût-bénéfice »), le Gaulois se refuse à les considérer comme les représentants d’une science digne d’intérêt. Et lorsqu’il se demande si l’existence de fortes subventions à la production des menhirs est ou non une bonne chose, il préfèrera toujours s’en remettre à l’avis éclairé du barde Bernarmarix, au prétexte que sa harpe passe mieux à la télé que celles des économistes compétents.

Il faut reconnaître que les chefs Gaulois ne montrent pas vraiment l’exemple : la période électorale, qui les voient briguer les suffrages de leurs compatriotes, tourne invariablement au festival de la mauvaise foi, des chiffres maltraités et des promesses inconsidérées. A les entendre, il n’est pas un problème économique – logement, éducation, emploi, retraites – qui ne puisse être réglé par une bonne rasade de potion magique, délicatement parfumée au déficit public. Mais gare à celui qui oserait mettre son nez dans la recette ! Car il n’est rien qu’un chef gaulois déteste plus que de voir ses politiques publiques évaluées par des économistes indépendants, donc pas assez serviles. C’est pourquoi les chefs gaulois et leurs sbires gardent jalousement le secret de fabrication de la potion qu’ils distribuent si généreusement au bon peuple de Gaule.

Notons également que paresseux et un poil arrogants, les Gaulois et leurs chefs ignorent superbement les réformes économiques menées chez leurs voisins Goths, Bretons ou Helvètes. Pourquoi en effet s’intéresseraient-ils à ce qui se passe au-delà des frontières de la Gaule, puisqu’ils sont, comme chacun sait, les meilleurs dans tous les domaines ? Tout juste ont-t-il entendu parler de la « flexicurité » des Normands, mais sans être véritablement capable d’expliquer de quoi il s’agit exactement. Cette absence de curiosité pour ce qui se passe ailleurs est dommageable à double titre : d’une part, elle prive les Gaulois de précieux enseignements pour mieux comprendre leurs propres politiques publiques et proposer des réformes efficaces ; d’autre part, elle alimente chez eux un discours détestable fait d’autosatisfaction et d’immobilisme.

C’est parce que nous ne nous satisfaisons pas de la manière dont le débat économique fonctionne aujourd’hui en Gaule et que nous avons acquis la conviction que l’économie publique a son mot à dire que nous, jeunes chercheurs en économie, avons décidé de lancer ce blog collectif. Ecopublix a pour ambition de faire parler les faits et les chiffres pour tenter d’éclairer les enjeux de questions aussi diverses que l’éducation, l’emploi, les retraites, le logement, les marchés financiers, le développement, etc. L’une des ambitions de ce blog est de s’appuyer le plus possible sur les résultats de travaux empiriques consacrés à l’évaluation des politiques publiques françaises ainsi que sur les enseignements des réformes économiques menées à l’étranger.

Mais rien ne serait plus faux que de nous présenter comme des donneurs de leçons psychorigides et insensibles à la dérision. Car bien qu’économistes, nous n’en demeurons pas moins gaulois : c’est pourquoi nous ne nous interdirons pas de ponctuer ici et là ce blog de billets d’humeur, au ton forcément subjectif et partial…

Longue vie à Ecopublix, par Toutatis !

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mardi 28 avril 2009

La médaille d'or de la gentillesse


Une très bonne nouvelle est venue vendredi de l’American Economic Association : la John Bates Clark Medal a été décernée à Emmanuel Saez. Cette médaille, aussi prestigieuse que le Prix Nobel, et un peu comme la médaille Fields en mathématiques, récompense une fois tous les 2 ans, le meilleur économiste de moins de 40 ans, ayant contribué de manière décisive par ses travaux à l’avancée du savoir dans le domaine de l’économie. Ecopublix félicite évidemment très chaleureusement l’impétrant. A travers lui, c’est aussi une belle reconnaissance faite aux innovations décisives opérées dans le domaine de l’économie publique depuis une dizaine d’années. Comme Emmanuel n’est par ailleurs pas complètement inconnu à la plupart des membres d’Ecopublix, il nous est apparu qu’un post un petit peu plus personnel serait bienvenu. Pour ceux qui voudraient se contenter d’un aperçu de ses travaux, vous pouvez trouver sur le site de l’AEA une bio bien ficelée.

Commençons bien sûr par l’essentiel : ses travaux. Emmanuel Saez est essentiellement connu du grand public pour son importante contribution à l’analyse de l’évolution des inégalités aux Etats-Unis et dans le monde dans le très long terme, qui a donné lieu à un certain nombre de publications avec son compère Thomas Piketty qui était son prof au MIT pour la petite histoire. (Vous trouverez tous ces papiers sur la page de Saez). Ces travaux, reposant sur l’utilisation de statistiques inédites de l’administration fiscale et de la sécurité sociale, ont permis de mettre en lumière des aspects de l’évolution de la structure des revenus qui sont désormais passés dans le savoir commun, mais qui étaient avant ces travaux, largement incompris. En particulier, Piketty & Saez ont montré que les inégalités de revenus se sont considérablement accrues aux Etats-Unis depuis le début des années 80 ; que ceci est dû à la croissance extrêmement rapide des revenus d’une petite fraction de ménages (1%) dans le haut de la distribution des revenus, et que ces revenus sont essentiellement des revenus d’activité. En outre, ils ont documenté la forte baisse de la progressivité du système fiscal américain depuis une trentaine d’année, et de manière plus iconoclaste encore, Emmanuel Saez (avec W. Kopczuk) a montré que la mobilité des individus au sein de la pyramide des revenus aux Etats-Unis avait été incroyablement stable au cours du 20ème siècle et sensiblement plus faible que ce que l’on avait l’habitude de penser, écornant au passage le stéréotype des Etats-Unis « Land of Opportunity ». L’ensemble de ces contributions a considérablement alimenté le débat public aux Etats-Unis, notamment durant la campagne présidentielle et il va sans dire que ce sont des études d’une importance capitale pour notre compréhension de l’économie et des inégalités. Pour autant, ce ne sont sans doute pas ces travaux qui lui ont valu sa médaille.

Si Emmanuel Saez s’est vu distingué par la communauté scientifique avec cette Bates Clark Medal, c’est surtout parce qu’il a fait sensiblement bouger la frontière de l’économie publique dans au moins deux importantes directions.

Tout d’abord, il a contribué de manière substantielle à penser l’articulation entre les résultats théoriques et les résultats positifs tirés de l’évaluation empirique des effets des politiques publiques. Pour arriver à faire ce pont, il faut tout d’abord maîtriser parfaitement les deux bouts de la chaîne. Et il faut bien reconnaître qu’il possède ce talent de jongler entre l’écriture de papiers de qualité dans le domaine théorique (sur la taxation optimale des revenus de l’épargne, sur la taxation optimale des conjoints, sur les incitations fiscales à la fourniture de biens publics, sur le salaire minimum …) et des études empiriques sophistiquées du point de vue de ce que les économètres appellent l’identification, c’est-à-dire la manière d’isoler et de faire apparaître le lien de causalité existant entre deux variables. Ces papiers sur l’effet de la taxation des dividendes sur la distribution des dividendes (avec R. Chetty), ou encore sur l’incidence des cotisations sociales à partir d’une réforme en Grèce (à venir) n’ont rien à envier aux meilleurs travaux d’Angrist ou de Card.

Mais ce qui intéresse Saez, c’est vraiment le lien entre ces deux mondes de la théorie et de l’empirique, car sa vision de l’économie publique est fermement ancrée dans l’idée que les économistes doivent être capables de produire des recommandations utiles et pratiques de politiques à mettre en œuvre. Pour comprendre cela, partons d’un des domaines dans lesquels les travaux de Saez ont eu le plus de portée : la taxation des revenus. La question de la taxation des revenus pour le gouvernement, c’est un choix complexe impliquant un niveau de taxe à lever, et un barème (un ensemble de taux applicables à différents niveaux de revenus). La manière dont sont fixés les différents taux du barème agit sur les comportements des individus. Intuitivement, plus les taux sont élevés, plus le revenu net qu’un individu tire de son travail diminue, réduisant l’offre de travail. Mais dans le même temps, le gouvernement a un objectif redistributif. Il veut redistribuer des plus riches vers les moins riches, et c’est la raison pour laquelle le gouvernement souhaite fixer des taux croissants en fonction du revenu. Comment fixer alors le barème pour tenir compte de ces différents objectifs? Si le modèle de Mirrlees (1971) offrait déjà les bases du raisonnement permettant de penser cet arbitrage, la dérivation du barème optimal posait de nombreux problèmes. Et là arrive Emmanuel Saez (à l’époque il termine tout juste son PhD au MIT), qui montre à la fois une manière simple de dériver le barème et identifie les paramètres décisifs pour simuler proprement ledit barème.
Cette série de papiers (là, et là)est importante pour l’économie publique non seulement pour ses résultats (l’idée notamment que le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu est à l’optimum croissant jusqu’à un niveau très elévé de rémunération compte tenu de la forme de la distribution des revenus même avec une élasticité relativement forte de l’offre de travail), mais surtout importante du point de vue de la méthode : elle montre comment faire marcher la théorie sur ses deux pieds, c’est-à-dire produire des modèles qui s’appuient sur des paramètres qui sont proprement identifiables empiriquement, et que l’on peut ensuite réinjecter dans le modèle pour générer des recommandations utiles.

La deuxième direction importante dans laquelle Emmanuel Saez a engagé l’économie publique est celle de l’incorporation des leçons de la « behavioral economics ». C’est un domaine bien sûr dans lequel il n’est pas seul (des économistes comme Bernheim, Gruber ou Diamond sont aussi très sensibles à ce genre de problématiques). Mais c’est une percée majeure pour l’économie publique qui y renouvelle profondément sa boîte à outils. Concrètement, la « behavioral economics » s’intéresse à tous les comportements économiques non-standard ou non conformes à la représentation économique habituelle des préférences et des choix. Ces comportements incluent l’incohérence temporelle (avoir des préférences qui changent au cours du temps), les erreurs, la myopie (le fait d’accorder une attention trop importante au présent comme dans le cas d’actualisation quasi-hyperbolique), l’addiction, etc. Ces comportements sont traditionnellement ignorés de modèles classiques d’économie publique. Ce que montrent les travaux de Saez c’est que ces comportements non standard jouent de manière cruciale sur les politiques publiques optimales à mettre en place. Un exemple simple : si les programmes d’impôt négatif visant à favoriser l’offre de travail des personnes à bas-revenus sont peu efficaces, c’est sans doute aussi et avant tout du fait de la très mauvaise information véhiculée par les pouvoirs publics sur la forme des incitations procurées par ces barèmes complexes. Avec R. Chetty, ils ont ainsi mené une expérience contrôlée chez un grand « tax preparer » américain (une entreprise spécialisée dans l’aide à la préparation des déclarations d’impôts) : le groupe de traitement reçoit une information précise expliquant le fonctionnement de l’EITC (la prime pour l’emploi à l’américaine) tandis que le groupe de contrôle ne reçoit aucun complément d’information. Le résultat : les personnes ayant reçu le complément d’information sont plus nombreuses à optimiser leur comportement de manière à maximiser leur EITC l’année suivante. Cela peut paraître trivial aux yeux de beaucoup, mais cela change fondamentalement l’approche des politiques publiques : un programme d’information peut avoir des effets bien plus efficaces que l’accroissement des sommes versées pour l’impôt négatif.

Mais ce qui fait vraiment d’Emmanuel Saez un chercheur pas comme les autres, ce que rappelait Steve Levitt pas plus tard qu’hier, c’est qu’en dépit d’être un esprit brillant, Emmanuel Saez est un trésor d’humilité et de gentillesse. Il a accepté la lourde tâche de siéger au comité de thèse de quelques membres d’Ecopublix, a même soutenu la publication de leurs premiers papiers en tant qu’éditeur du Journal of Public Economics. A d’autres, il a pris le temps d’apprendre les rudiments du surf, étant lui-même, petit basque immigré en Californie, un surfeur émérite qui passe tous ses vendredis à Santa Cruz. La petite histoire veut que vendredi dernier, alors que le Chairman du département d’économie de Berkeley courait dans tous les couloirs en criant de joie pour annoncer la nouvelle, Emmanuel, sans se douter de rien, était, bienheureux, sur sa planche en train de regarder la vague de Pleasure Point…

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jeudi 5 juin 2008

L’or d’Ecopublix


Ecopublix vient de se voir décerner par le magazine Challenges le blog d’or du « meilleur blog Économie & Entreprises », aux côtés de quatre autres prestigieux lauréats : Versac (Politique), Presse-citron (Technologies), Jean-Marc Morandini (!) (Médias) et le blog Finance (Bourse & Finance). Pour ceux qui aimeraient savoir qui se cache sous les casques des blogueurs gaulois que nous sommes, le magazine Challenges propose dans son dernier numéro un rapide tour d’horizon de notre petite communauté d’irréductibles économistes.

Nous sommes à la fois très touchés, un peu gênés mais finalement très contents de cette publicité bienvenue. Nous ne commenterons pas le débat sur l’opportunité de réaliser un classement des blogs, Versac ayant déjà dit l'essentiel à ce sujet. On se contentera de lever simplement notre chapeau à nos confrères des autres blogs d’économie dont nous sommes de fervents lecteurs et avec lesquels nous débattons régulièrement : Ceteris Paribus, le premier que nous ayons suivi, Econoclaste que nous avons souvent admiré, Etienne Wasmer, Olivier Bouba-Olga, Gizmo, Optimum, l’Economiste, Libertés réelles, Jean-Edouard et Emmeline de Ma femme est une économiste, sans oublier le nouveau venu Rationalité limitée. Nous remercions également nos amis sociologues et politistes qui, à l’image de Pierre Maura ou Arthur Goldhammer, contribuent à favoriser le dialogue entre l'économie et les autres sciences sociales sur le web.

Une seule revendication aujourd’hui : maintenant que nous sommes censés faire partie de la cour des grands, que Gizmo nous fasse passer de la catégorie « petits scarabées » a la catégorie « grands scarabées »… .

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mardi 4 mars 2008

Graffiti sur les murs d'Ecopublix


Markss et SM m'ont graffité (ie taggué) et sous la menace d'une coulée du Vésuve, je me plie à la pression sociale. Pour ceux qui ne connaissent pas le principe du taggage (genre moi il y a une semaine), les habitants du cyberempire peuvent nommer d'autres bloggueurs qui doivent lister six choses insignifiantes sur leur vie et faire passer la contrainte à d’autres.

Comme l’a justement rappelé Pierre Maura, cela fait penser à Marcel Mauss et à son Essai sur le don : sous couvert d’un cadeau (on honore celui à qui on offre un cadeau), il y a aussi une contrainte sociale (on le soumet, on attend un contre-don, sinon on le traite d'asocial ou de pas sympa). Tout économiste qu’on soit, on se soumet à la contrainte sociale (on offre des cadeaux à Noel, on paie la tournée de bière et on fait des posts en réponse aux tags).

1/ En quatrième j’ai fait un exposé en latin sur « la civilisation latine dans Asterix » avec des recherches approfondies sur les anachronismes, les références et les évidences archéologiques (empiriques)…

2/ Mon plus grand moment de rationalité limitée a été de croire que je pouvais sauter une barre rocheuse de 8m de haut a ski sans me faire mal. Cette croyance a duré 2-3 secondes…

3/ Au Turkménistan, je n’ai pas rencontré Alexandre Delaigue. J’ai par contre dansé dans la célèbre boite de nuit d’Achgabat Le Florida avec des prostituées de la mafia turkmène.

4/ J’ai eu les mains moites à la lecture de A marche forcée de Slavomir Rawicz tout autant qu’à celle de 342 heures dans les Grandes Jorasses de René Desmaison.

5/ Lors d’une des fêtes de fin d’année de l’école de Limas, j’ai été grand schtroumpf (avec un collant rouge et un pompon blanc sur le derrière) quand mes petits camarades étaient en collants bleus.

6/ Au Pakistan, dans la province de Hunza, en aout 2001, je n’ai pas rencontré Ben Laden (je ne rencontre décidément pas les gens connus !). Je lui aurais fait lire Nicolas Bouvier…

Voilà c’est fait. Je m’étais engagé auprès de mes collègues d’Ecopublix à publier un post sur le minimum vieillesse cette semaine. Peut-être qu’avec ce graffiti, je vais gagner quelques jours…

Je ne taggue personne en retour car je n’aime pas les chaînes de l’amitié et tous les bloggueurs que je connaisse ont déjà été taggués. Ah non, en fait, je taggue, Daniel, George, Greg, Dani et Arthur…

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lundi 10 septembre 2007

Traductor traditor ?


Dans son dernier post, Olivier Bouba-Olga revient sur le débat autour de l'effet des allocations-chômage sur l'emploi, en relayant une critique récente des travaux empiriques consacrés à cette question. La critique peut se résumer en une phrase : ce n'est pas parce que les allocations-chômage sont importantes qu'il y a du chômage, c'est parce qu'il y a du chômage qu'elles sont importantes. A Ecopublix, nous avons trouvé cette présentation un peu rapide et partielle. C'est pourquoi il nous a paru utile d'effectuer un petit retour aux sources.

Le reproche que l’on peut adresser à Olivier Bouba-Olga est de n’avoir pas fait la traduction complète de la discussion que l’on trouve sur le post de Dani Rodrik. Celle-ci présente l’article au cœur de ce débat et un commentaire critique du prix Nobel d'économie James Heckman. Derrière ce débat, il y a pratiquement une cinquantaine d’articles de qualité qui ont été consacrés ces dernières années à cette question. La fin du post se termine par une phrase qui laisse à penser que la recherche la plus récente met en évidence une causalité inverse, ce qui est tout à fait faux à la lecture de l’article et de sa critique.

Ce qui nous a également gêné dans le post d’OBO est la traduction de l’expression « the OECD, the IMF and the conventional view among many academics » par « L’OCDE, le FMI, en France le Medef… ». N’est-ce pas disqualifier un peu facilement les analyses consacrées aux rigidités du marché du travail ? Ne peut-on parler de la manière dont fonctionne l’assurance chômage sans passer nécessairement pour un vilain-économiste-ultralibéral-agent-du-grand-capital ? La phrase de Heckman, citée par Rodrik, qui devrait figurer dans un post francophone est celle-ci: "This is not as much about dogmatism or conspiracy as it is about good science".

Le fond du débat – sur lequel Ecopublix reviendra plus tard – est le suivant : théoriquement, on a des raisons de penser que l'incitation des chômeurs à retrouver un emploi dépend négativement du niveau des allocations-chômage mais, en même temps, il existe des pays (Danemark, Pays-Bas, Suède) où une forte indemnisation du chômage va de pair avec un taux de chômage faible. Confrontées à ce paradoxe, les études empiriques ont contribué à faire évoluer le débat en montrant que ce qui compte n'est tant sur le niveau des allocations-chômage que la manière dont elles sont organisées (profil d'indemnisation, accompagnement des chômeurs, contrôle et sanctions…). Bref, tout cela est plus compliqué qu’il n’y paraît, mais n'enlève rien au talent de blogueur d'OBO !

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mardi 4 septembre 2007

C'est la rentrée !


Après un mois et demi de sieste, Ecopublix est de retour, avec des provisions de potion magique pour redoubler de force dans le débat ! Il était temps car en cette rentrée, l'analyse économique, claire, précise et bien documentée est à nouveau attaquée (si on prend au sérieux les récentes déclamations du barde Attalix).

En même temps, les débats économiques continuent à envahir le débat politique et la demande sociale pour une analyse rigoureuse et honnête des politiques économiques n'en devient que plus importante. A propos de la question de l'enseignement de l'économie, nous avions souligné que les économistes avaient des choses à se reprocher, qu'un fossé s'était créé entre une discipline de plus en plus technique et de moins en moins lisible par le grand public. Il est absolument impératif de changer cet état de fait.

C'est dans ce contexte que nous allons insister dès que possible sur des concepts économiques basiques. N'hésitez pas à nous adresser vos questions, ou vos critiques sur les points peu clairs de nos explications. Le défi est bien sûr de ne pas tomber dans la leçon de chose et de garder notre bonne humeur ! Pour cette rentrée l'équipe d'Ecopublix continuera son travail des quatre coins de l'empire romain : Overzelus est rentré à Lutèce, Noblabla part chez les Indiens d'Amérique, Dyslexix s'exile dans la campagne gallo-romaine du côté de Cergix, Aïvix a fini par fuir les Goths et revenir chez les questeurs de Lutèce et Effefix part pour un village de pêche au bord de l'Amstel. Manix et Capitalrix, quant à eux, restent à Lutèce et Petitsuix chez les Bretons. Nous accueillons enfin Kanelbullix, jeune professeur en expédition chez les Vikings. Spécialiste de l'économie du développement, il va aussi pouvoir apporter son expertise sur ces modèles nordiques dont on parle tant et que l'on connaît si peu.

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lundi 16 avril 2007

Astérix et le Financial Times


Le Financial Times consacre son édition d'aujourd'hui (lundi 16 avril) à l'élection présidentielle française. Un article a en particulier attiré mon regard du fait du dessin d'Astérix qui l'accompagnait (non reproduit dans l'édition en ligne). L'article est un entretien avec David Thesmar à propos de son dernier livre coécrit avec Augustin Landier et dont Capitalrix a déjà longuement parlé dans les colonnes de ce blog. Ce qui m'a troublé dans cet article, c'est l'association qui y est faite entre Astérix et une vision nationaliste et étriquée de la France. Astérix = José Bové = Le Pen. Mais le lecteur attentif des aventures de nos amis gaulois ne peut qu'être opposé à cette lecture partiale.

Les héros d'Uderzo et de Goscinny défendent, il est vrai, une certaine idée de la France, une certaine indépendance d'esprit, mais rien qui puisse s'apparenter a un quelconque extrémisme nationaliste : la lutte des Gaulois contre les Romains est bien plus la référence dans cette France d'après-guerre à la lutte de la Résistance contre l'emprise nazie (voir les références dans Astérix chez les Goths, dernière page, ou le passage à Lyon dans le Tour de Gaule...). Les amis des Gaulois dans les autres pays sont toujours présentés de façon sympathique, qu'il s'agisse des Bretons, les Helvètes, les Hispaniques ou les Indiens. Idéfix est un chien écologiste, mais s'il pleure quand on arrache un arbre, Panoramix et Astérix ont aussi à cœur de donner du travail aux esclaves (lire : le Tiers-monde) dans le Domaine des dieux.

Que les lecteurs du Financial Times qui viendraient à errer du côté d'Ecopublix ne concluent donc pas hâtivement de nos références à certains ancêtres gaulois que nous prônons l'apologie d'une identité nationale nauséabonde ou un appel au repli sur un passé glorieux. C'est au contraire une manière pour nous d'ironiser sur le chauvinisme national pour amener à réfléchir. D'ailleurs, Vercingétorix, c'était pas forcement glorieux !

Enfin, un peu d'autodérision n'ayant jamais fait de mal à personne, je dois avouer que la première idée qui m'est venue en voyant le dessin d'Astérix dans le Financial Times était de croire que leur article était consacré à.... Ecopublix ! Snif ;)

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mardi 10 avril 2007

Relationpublix


Le petit Ecopublix est né depuis bientôt dix jours et il est temps de remercier tous ceux qui ont la gentillesse fêter sa venue au monde.

Tout d'abord, il faut rendre à César ce qui appartient à César et remercier Econoclaste pour leur sympathique soutien. Disons le tout net, la seule raison qui explique qu'Ecopublix n'ait pas vu le jour plus tôt vient de la qualité du blog d'Alexandre Delaigue et SM : bien souvent, à peine nos discussions entamées sur un sujet d'actualité économique, qu'un post de grande qualité apparaissait sur leur site. Autant dire que cela a découragé plus d'une fois nos bonnes volontés...

Merci également à Optimum, leconomiste, la Thilde et Versac pour leurs encouragements.

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mardi 6 mars 2007

Qui sommes nous ?


Nous sommes une bande de jeunes chercheurs en économie publique (avec des domaines de recherche variés), pas forcément d'accord sur tout, mais décidés à garder leur bonne humeur. Voici quelques-uns d'entre nous :

ANTOINE : Après avoir consacré trois ans à une these sur les retraites, Antoine travaille aujourd'hui outre-manche à l’évaluation des politiques publiques en particulier sur des questions d’emploi, de fiscalité et de retraite. Il enseigne en outre l’économie de la fiscalité dans une université britannique. [posts]

CAMILLE : Camille a fait son doctorat à Paris, et profite désormais du soleil californien pour enrichir sa connaissance de l'économie publique à Berkeley et pour fréquenter les spots de surf de Santa Cruz... C'est ça aussi Ecopublix, les économistes en maillot! [posts]

CLÉMENT : ayant quitté Massalia pour vendre de la cervoise à Lutèce, il finit par y étudier les incidences fiscales. Il n'en a pas moins gardé des liens avec ses premières amours puisqu'il habite près du dernier vignoble lutécien et travaille à côté des anciens entrepôts vinicoles, placés à cet endroit pour se soustraire à l'octroi : incidence fiscale ? [posts]

EMMANUEL : Après avoir obtenu sa thèse au Royaume-Uni, Emmanuel s'est installé en Suède où il travaille essentiellement sur l'aide au développement. [posts]


FABIEN : Lutécien d'origine, il continue à consacrer ses fins de semaine à une thèse sur les inégalités de revenus et de patrimoine. Pour l'heure, il travaille chez les Goths et tente d'en tirer des leçons pour la Gaule. [posts]


GABRIELLE : elle a fait ses premières régressions dans le même bureau qu'un grand nombre des
membres d'Ecopublix. Depuis elle a migré comme beaucoup d’entre eux, mais plus au sud. [posts]

GUILHEM: en thèse d'économie du développement à Paris, il s'intéresse à la construction des identités ethniques. Plus particulièrement, il travaille sur le système de caste Indien et l'influence de la présence coloniale sur ce dernier.[posts]

JULIEN : il s'est spécialisé dans l'analyse des réformes éducatives qui ne marchent pas. Sévèrement critiqué dans son pays pour son excès de zèle, il a dû s'exiler chez les Bretons où il noie le mal du pays dans la bière et le jelly. [posts]

LAURENT: Ex-apprenti vendeur de menhirs, il a vite troqué son costume de pingouin pour la tenue plus décontractée de thésard. Mais il s'intéresse encore aux délices du managementum à la gauloise, et en particulier à son financement. [posts]

MATHIEU : Initié à l'économie du côté de Strasbourg, Mathieu a vite quitté le pays du Gewürztramine pour rejoindre les économistes de la capitale. Ses travaux actuels ont pout but de comprendre pourquoi certains écoliers français éprouvent des difficultés à assimiler les pourtant très digestes programmes du Mammouth. [posts]

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mercredi 12 mai 2010

Retraites (10/41) : le débat 2010


La grande question qui structure le débat public sur les retraites concerne la nature de la réforme et oppose les partisans d’une réforme dite « systémique » (qui consiste à remettre à plat le système sur le long terme) aux partisans de réformes dites « paramétriques » (qui consistent à modifier périodiquement les paramètres du système). Au sein des partisans de chacune de ces grandes « voies de réforme », on peut distinguer deux approches qui donnent plus ou moins de poids aux garanties à donner aux salariés. On a donc au final quatre visions, assez différentes, de la direction vers laquelle notre système de retraite doit aller.

I/ L’option « remise à plat du système »

La motivation première d’une remise à plat du système français est la nécessité d’unifier les régimes de retraite : nous disposons de 36 régimes de retraite publics, obligatoires et financés en répartition, mais dont les règles sont différentes, la coordination malaisée et la gestion coûteuse. On notera d’ailleurs que le seul réel élément de consensus sur le système actuel est qu’il constitue un véritable casse-tête pour les salariés et pour les gestionnaires. Les avis sont en revanche partagés sur l’opportunité d’une réforme globale. Les pessimistes pensent que ce n’est pas possible, soit parce qu’ils considèrent que la complexité est naturelle à tout système de retraite, soit parce qu’à leurs yeux, l’esprit de consensus n’est pas suffisamment développé en France pour rendre possible une telle réforme (on préfère se taper dessus avec du poisson pourri…). Les optimistes pensent au contraire qu’une telle remise à plat est non seulement possible mais à terme plus efficace. Unifier un système de retraite n’est pas beaucoup plus compliqué et finalement bien moins coûteux que de construire une nouvelle ligne TGV. Ils soulignent par ailleurs les risques de l’approche actuelle : en annonçant des mesures partielles périodiquement, suivies d’autres projections catastrophistes, la confiance dans le système s’effrite, les jeunes générations en viennent à imaginer qu’elles ne toucheront pas de retraite et que leurs cotisations s’apparentent surtout à des impôts sans contrepartie. Au lieu de renforcer la solidarité entre générations, la situation actuelle mine les fondements du système en répartition.

Parmi ceux qui défendent une réforme globale du système de retraite, le consensus n’est pas vraiment de mise non plus. Jacques Bichot (Université Lyon II) défend une réforme systémique sur le modèle d’un système à points, tandis que Thomas Piketty et moi-même avons mis en avant une réforme suivant le modèle des comptes individuels de cotisation ou comptes « notionnels ».

1/ L’unification avec des comptes individuels en cotisation est défendue par Thomas Piketty et votre serviteur dans un opuscule du Cepremap (disponible gratuitement ici, reproduit dans un livre en vente ici, et discuté sur Ecopublix).

Le système fonctionne sur deux piliers intégrés : le premier pilier est purement contributif et le second est purement redistributif. La partie contributive fonctionne avec des comptes individuels sur lesquels les cotisations retraite versées chaque année sont enregistrées. Ces cotisations sont revalorisées chaque année par la croissance des salaires. Il s’agit d’un système en répartition car les cotisations ne sont pas placées sur les marchés financiers mais servent, comme aujourd’hui, à financer les retraites actuelles. Au moment de la liquidation, les salariés disposent ainsi d’une mesure de leurs droits à la retraite. Ces « droits retraite » sont convertis en pension mensuelle selon l’espérance de vie en retraite de chaque génération : plus le salarié reporte son départ en retraite, plus la pension est élevée ; les conditions de liquidation évoluent parallèlement à l’espérance de vie au fil des générations. Au lieu de réformes brutales, le principe est celui d’une adaptation lente et progressive des conditions de liquidation. Le seul paramètre de pilotage du système devient alors le taux de cotisation : si l’on souhaite augmenter le niveau des retraites ou consacrer une part plus importante du revenu national à passer plus de temps en retraite, il suffit d’augmenter le taux de cotisation. Automatiquement les droits à la retraite seront augmentés.

Le second pilier est redistributif : il s’agit de l’expression de la solidarité nationale envers ceux qui ont eu de faibles revenus, des carrières heurtées par le chômage, la maladie ou autre. Ces avantages non-contributifs sont crédités sur les comptes de la même façon que les cotisations, mais ils sont financés par l’impôt.

2/ L’unification des régimes avec un système à points est défendue par Jacques Bichot dans un document de l’Institut Montaigne (disponible ici). Cette proposition vise à étendre le mode de fonctionnement des régimes complémentaires en points à l’ensemble du système de retraite. Les salariés achètent des points en cotisant, points qu’ils vendent pour obtenir une pension. Comme les comptes notionnels, le système en points fonctionne en répartition et permet de prendre en compte l’ensemble de la carrière des salariés.

L’avantage du système à points, d’après ses défenseurs, est qu’il permet un pilotage « au fil de l’eau » : en effet, l’équilibre financier du régime peut être obtenu chaque année par ajustement du rendement du système, c’est-à-dire que l’on peut jouer sur la valeur du point pour équilibrer les finances du régime.

Pour ses critiques (dont l’auteur de ces lignes), le système à points ne permet pas de garantir les droits de retraite autant qu’un système en comptes notionnels peut le faire : en se donnant la marge de liberté de faire modifier la valeur du point, on n’offre pas les mêmes garanties qu’un taux de rendement indexé sur la croissance de l’économie. En effet, contrairement aux comptes notionnels, le rendement du régime à points n’est pas fixé : il s’agit d’un paramètre du régime. Comme le système fonctionne en points et non en euros, il est possible de faire de « l’inflation du point », c’est-à-dire de baisser le rendement du régime pour réduire les promesses passées. La philosophie des comptes notionnels est, au contraire, de ne faire que des promesses que l’on peut honorer, mais d’être extrêmement stricte sur le fait qu’elles seront honorées.

II/ L’option paramétrique

Les partisans d’une réforme paramétrique rejettent les propositions d’unification, les considérant comme des chimères ou de vaines constructions intellectuelles...

Le premier point mis en avant est le fait que modifier des paramètres du système existant est beaucoup plus simple techniquement, donc peut être mis en place beaucoup plus rapidement. Le président de la République a annoncé qu’il souhaitait une réforme avant la rentrée prochaine et seule une réforme paramétrique peut être réalisée dans un temps aussi court. Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ce choix : pressions pour annoncer un redressement à long terme des finances publiques, choix stratégique de communiquer sur des mesures symboliques du système de retraite (« la retraite à 60 ans ») ou craintes d’un scénario à la Juppé en cas de réforme globale. Parmi les partisans d’une réforme paramétrique, on trouve aussi des syndicalistes et des universitaires. Jean-Christophe Le Duigou (CGT), Danièle Karniewicz (CFE-CGC, syndicat des cadres) ou Henri Sterdyniak (OCFE) ont ainsi pris parti contre toute réforme systémique et défendu une modification des paramètres du système actuel.

Ils ont tous défendu l’idée d’un âge pivot, « âge norme », qui pourrait évoluer avec le temps, mais qui doit continuer à faire référence. Leurs positions se distinguent donc essentiellement par le calendrier et l’ampleur de la hausse de paramètres comme la durée requise de cotisation ou l’âge minimum de liquidation.

3/ Le gouvernement, le Medef et la confédération des cadres défendent une hausse de l’âge minimum de départ en retraite couplée avec la hausse prévue de la durée requise de cotisation. Le Medef a suggéré une augmentation de l’âge minimal à 63 ans. Les modalités exactes de la proposition du gouvernement ne sont pas encore connues : hausse progressive de l’âge minimum ? hausse en parallèle de l’âge du taux plein, actuellement à 65 ans ? augmentation des âges minimums dans la fonction publique et dans le secteur privé ? Les paramètres qui peuvent être modifiés sont le calcul du salaire de référence dans la fonction publique (6 derniers mois au lieu des 25 meilleures années dans le secteur privé, intégration ou non des primes…).

Pour la droite, s’attaquer au symbole de la « retraite à 60 ans » permet de galvaniser les troupes de l’UMP, et de ringardiser la gauche comme incapable de proposer une réforme permettant de rendre soutenable l’équilibre des retraites.

Pour le gouvernement, il s’agit aussi de donner des gages symboliques à Bruxelles, Berlin et aux marchés financiers. Quand les Français ont fait pression sur la chancelière Merkel pour contribuer à l’aide financière à la Grèce, quand les Allemands ont annoncé une augmentation de l’âge du taux plein à 67 ans à l’horizon 2028 et au moment où l’on demande aux Grecs de repousser leur départ en retraite à 67 ans, on peut imaginer que le gouvernement français souhaite envoyer un signal fort sur la réforme des retraites.

Le problème de cette analyse, c’est qu’elle néglige complètement la perspective de long terme du système de retraite et de l'équilibre des finances publiques. La crise financière n’a pas mis considérablement en péril l'équilibre financier des retraites : ce qui reste la raison majeure des déséquilibres à long terme est l’augmentation de l’espérance de vie. Chercher à rééquilibrer le système à court terme en complexifiant encore notre système fait courir le risque d’accroître un peu plus la confusion et l'incertitude sur le pilotage à long terme. Croire qu’une réforme paramétrique, « symbolique » permettrait de rassurer les marchés financiers sur la soutenabilité à long terme des finances publiques est quelque peu déconcertant.

Par ailleurs, une augmentation seule de l’âge minimum de liquidation toucherait avant tout ceux qui ont commencé tôt à cotiser, les carrières longues, qui sont les grandes perdantes du système de retraite français. Il est difficile de ne pas y voir une proposition de réforme particulièrement injuste.

4/ Une partie de la gauche et du monde syndical s’accorde avec le gouvernement pour refuser toute réforme globale, mais s’oppose à celui-ci sur la façon d’équilibrer le système. A l’appel d’Attac et de la fondation Copernic, une pétition en ligne, signée par beaucoup de monde, des universitaires (André Orléan, Henri Sterdyniak, Pierre Concialdi, Jacques Généreux, Olivier Favereau) et des politiques (Olivier Besancenot, Noël Mamère, Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon) résume le diagnostic de cette position : les réformes déjà mises en place et envisagées appauvrissent les retraités et il est inenvisageable de reporter l’âge de départ en retraite lorsque les plus jeunes font face à un taux de chômage élevé. La pétition attaque aussi les propositions d’unification du système (en points ou en comptes notionnels) comme des mesures qui visent à paupériser les salariés et à inciter ceux qui occupent des professions à grande pénibilité physique à travailler toujours plus longtemps. La pétition propose une solution simple (certains diraient une « solution miracle »…) pour financer l’augmentation de la durée de la retraite : augmenter la part des salaires dans la valeur ajoutée (c’est-à-dire augmenter les salaires) et taxer les profits.

Que penser de cette analyse ? Davantage qu’une position politique particulière (au sens d’une préférence particulière pour la redistribution, par exemple), les personnes qui défendent cette position ont en commun de partager un certain nombre de croyances contestables.

La première croyance est que le marché du travail fonctionne de manière « malthusienne » : il est impossible de repousser l’âge de retraite effectif car il existe du chômage des jeunes ; si les seniors poursuivent leur carrière, cela va se traduire par plus de chômage pour les plus jeunes. Cette idée de substitution entre jeunes et vieux est le fondement des politiques de préretraites mises en place en France pendant une vingtaine d’années : on a subventionné les entreprises françaises avec de l’argent public pour se débarrasser des seniors, et ce de plus en plus tôt. Cette politique a été redoutablement « efficace » : le taux d’emploi des seniors a chuté avec une rapidité extraordinaire pour atteindre un des plus bas niveaux des pays développés (accompagné en cela par d’autres pays européens comme la Belgique). Le taux de chômage des jeunes, lui, n’a pas bougé. Les pays, comme la Suède, qui ont dépensé beaucoup d’argent pour faciliter le maintien en emploi des seniors, ont un taux d’emploi considérablement plus élevé non seulement pour les jeunes, mais également pour les seniors, . Sans surprise, on compte parmi les signataires de cette pétition un grand nombre d’anciens défenseurs des préretraites.

La seconde croyance des pétitionnaires est que les salariés ne paient pas in fine les retraites et qu’il n’y donc aucune raison qu’ils paient la durée supplémentaire en retraite qu’engendre l’augmentation de l’espérance de vie. Dans cette perspective, il ne faut surtout pas que les salariés soient responsables et organisent la soutenabilité à long terme de leur système de retraite. Il faut « lutter », il faut « augmenter les salaires ». La proposition principale de la pétition est donc tout simplement d’augmenter la part du PIB consacrée aux salaires. Cette position est cohérente avec la vision que les cotisations sont payées par les employeurs et ainsi s’oppose avec l’analyse standard de l’incidence fiscale.

Au-delà du fait qu’on ne sait pas expliquer le partage de valeur ajoutée, imaginons qu’il soit possible d’augmenter les salaires (avec la croissance de la productivité, c’est possible). On peut certes financer plus de temps en retraite, mais cela implique forcément que la part des salaires consacrée à la consommation de biens et services publics et privés sera réduite. Ce seront bien les salariés qui auront payé leur retraite, in fine. Ces biens et services, publics et privés, vont dépendre aussi du niveau des salaires (pensez aux heures d’infirmières dont vous aurez besoin à la fin de votre vie). Si on choisit d’augmenter les cotisations pour financer des retraites plus longues, la consommation de services privés ou publics devra baisser. On peut donc opposer à Henri Sterdyniak sa propre formule : « méfions nous des recettes miracles »…

Bon, ayant perdu la moitié des lecteurs, je vais arrêter là pour aujourd’hui. La prochain post sera consacré au rapport du COR de février 2010 sur la faisabilité des comptes notionnels.

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dimanche 9 mai 2010

Retraites (9/41) : Etat des lieux


Avec une actualité si chargée sur la question des retraites, Ecopublix ne pouvait pas rester silencieux plus longtemps : rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) en février 2010, annonce du président de la République d’une réforme en mai-juin 2010, nouvelles projection du COR il y a quelques semaines et des prises de position multiples sur le sujet : unification ou pas, annuités, points ou comptes notionnels, âge de la retraite, financement, pénibilité... Où en est-on ? Où va-t-on ?


I/ Le système de retraite français

Avant de débattre d’une possible réforme du système de retraite français, encore faudrait-il savoir comment il fonctionne actuellement.

Le problème est que notre système de retraite actuel est le fruit d’une longue histoire : il est constitué de couches successives de législations, qui, au fil du temps, se sont consolidées en un patchwork de règles complexes à déchiffrer. Pour faire simple, on peut dire que le système de retraite français est :

1/ Morcellé : Il existe 36 régimes de retraites et en moyenne, un retraité français touche 2,3 pensions. On distingue les régimes de base (privé, fonction publique, régimes spéciaux) et les régimes complémentaires. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) est le régime de base des salariés du secteur privé, l’Arcco est le régime complémentaire des salariés non-cadres, l’Agirc celui des cadres, l’Ircantec celui des non-titulaires de la Fonction publique etc.

2/ En répartition : Cela veut dire que les cotisations des actifs servent à financer les retraites actuelles. Les cotisations ne sont pas placées sur les marchés financiers et il n’y a généralement pas de provisionnement (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de « provisions », d’avoirs financiers en réserve pour honorer les pensions à venir). Il y a plusieurs exceptions à cette règle : la première est le Fonds de réserve des retraites (FRR), un fonds public en capitalisation, créé en 1999 par le gouvernement Jospin mais qui n’a été que peu alimenté ; la seconde correspond aux réserves des régimes complémentaires et en particulier de l’Agirc ; enfin la troisième correspond aux fonds du Régime additionnel de la fonction publique (RAFP), régime en capitalisation créé en 2003 pour prendre en compte les primes dans la fonction publique.

3/ Contributif : Les pensions versées sont fonctions des cotisations versées ; plus vous avez eu des salaires élevés, plus la pension que vous toucherez sera importante. Le caractère contributif dépend de la formule exacte de pension, qui varie selon les régimes.

Dans le secteur public, le régime est dit en annuité, avec un taux de remplacement appliqué au traitement indiciaire des derniers 6 mois. Par exemple, un fonctionnaire qui partirait à la retraite en 2012 avec 41 ans de cotisation et dont le traitement serait de 3000 euros obtiendrait une pension de 2250 euros mensuel, celui avec un traitement de 1500 euros, obtiendrait 1125 euros. On appelle le système en « annuité » car chaque année de cotisation rapporte un pourcentage du taux de remplacement. Par exemple, dans notre exemple, chaque année vaut 1,829 %. Notre même fonctionnaire qui parviendrait à l’âge de la retraite avec 40 de cotisation, obtiendrait un taux de remplacement de 73,17% (ou 40/41*0,75).

Pour les salariés du secteur privé, on distingue le régime de base qui porte sur les salaires sous le plafond de la Sécurité sociale et les régimes complémentaires qui fonctionnent « en points » sur les salaires au-dessus du plafond. Dans le régime général, la pension dépend du salaire de référence, calculé comme la moyenne pondérée par l’inflation des 25 meilleures années de salaire sous plafond. La pension dépend aussi de l’âge de départ et de la durée de cotisation. Le taux plein de 50% est atteint sous condition d’avoir, soit atteint 65 ans, soit d’avoir la durée requise du taux plein, qui a été portée à 41 ans. Pour chaque trimestre manquant par rapport au minimum de 65 ans ou de 41 ans de cotisation, une décote est appliquée de 5% par trimestre manquant. Tout trimestre contribué au-delà de ces conditions requises permet d’obtenir une surcote venant bonifier la pension. L’âge de 60 ans est l’âge minimum de liquidation, mais il ne s’agit pas de l’âge du taux plein qui dépend de la durée de cotisation ou d’avoir atteint 65 ans.

Par exemple, un salarié qui aurait 41 ans de cotisation et 60 ans en 2012 pourrait obtenir une pension au taux plein, soit 50% de son salaire de référence. Si sa carrière a été doucement croissante, 1% de croissance chaque année de façon linéaire, avec un début de carrière à 1000 euros et en fin de carrière à 1500 euros, cela donnerait un salaire de référence à 1318 euros et une pension mensuelle de 660 euros.

La pension du régime générale est bien souvent insuffisante pour obtenir une pension décente : les salariés du secteur privé comptent alors sur les régimes complémentaires, qui eux fonctionnent en points. Le principe du fonctionnement en point est que les cotisations donnent droit à des points selon la valeur du « salaire de référence », qui est le prix d’achat du point (il convertit les cotisations en points). Les salariés accumulent des points, qui permettent la liquidation d’une pension dont le montant est déterminé par la valeur du point au moment de l’âge de liquidation (prix de vente du point).

Par exemple pour notre salarié du secteur privé en fin de carrière à 1500 euros, il cotise aussi à l’Arrco sur la base du salaire sous plafond. Il cotise 7,5% de son salaire pour la retraite complémentaire qui lui donne droit à des points. On calcule le nombre de points en divisant la valeur des cotisations (0,075*1500*12=1350 euros) par la valeur du points (en 2010 14 euros), ce qui donne quelque chose comme 96 points cette année là. En imaginant que ces paramètres ont été valides tout au long de sa carrière, il pourrait faire valoir 3200 points. Au moment de son départ en retraite le salarié va convertir ces points en pensions. En Avril 2010, le point Arrco vaut 1,884 euros, donc le salarié peut obtenir une pension complémentaire de l’ordre de 500 euros mensuel (3200*1,884/12). Tout cela est bien sûr extrêmement simplifié.

4/ Redistributif : Le système de retraite français consiste aussi dans de nombreux avantages dits non-contributifs, au sens où ils ne sont pas conditionnés à des cotisations passées. Ces avantages non-contributifs incluent le minimum vieillesse, les bonifications pour enfants, les trimestres gratuits pour maladie, chômage, préretraite, invalidité, etc. Ces droits non contributifs représentent environ 30% des dépenses totales de retraite et sont très importants pour la redistribution globale du système.

A l’inverse, il existe des effets anti-redistributifs (qui transfèrent des ressources des plus pauvres vers les plus riches) moins apparents dans le système. Les inégalités d’espérance de vie en sont un exemple classique : tout système de retraite redistribue de ceux qui meurent jeunes vers ceux qui meurent vieux. Le problème est que ceux qui ont une faible espérance de vie sont aussi souvent ceux qui ont de faibles revenus, et ainsi le système de retraite redistribue aussi des hommes vers les femmes, des plus pauvres vers les plus riches.

5/ Complexe : le système français décrit ici en quelques lignes est pourtant bien plus complexe ; vous ne pourrez pas calculer votre pension exacte avec cette brève description !

II/ Le décor de la réforme de 2010

Deux éléments forment le décor de fond de la réforme des retraites annoncée pour 2010 : la réforme de 2003 et la crise financière de 2008.

La réforme de 2003, dite réforme Fillon, avait posé les perspectives du pilotage à long terme du système de retraite français : augmentation de la durée requise de cotisation proportionnellement à l’augmentation de l’espérance de vie et augmentation des cotisations retraite (sous condition de la baisse du chômage et des cotisations de l’assurance chômage). Après cette réforme, M. Fillon avait jugé que le problème des retraites était réglé une fois pour toutes. La loi de 2003 prévoyait des « rendez-vous » tous les quatre ans (2008, 2012, 2016) pour ajuster le scénario de base et confirmer la hausse de la durée requise de cotisation. En 2007, un rapport du COR visait à préparer la discussion pour le « rendez-vous 2008 » en détaillant les nouvelles projections financières des régimes, mais en 2008 le rendez-vous prévu n’a pas eu lieu.

La crise financière arrive alors et touche non seulement les systèmes en capitalisation (dont les avoirs sont réduits considérablement) mais aussi les systèmes en répartition avec la baisse des ressources (du fait de la baisse de l’emploi et des salaires). Les finances publiques de tous les États se détériorent très rapidement, avec l’augmentation des déficits et l’explosion de la dette publique. En intervenant pour stabiliser l’économie et éviter le spectre d’une grande dépression, les États ont pris à leur charge une part importante de la dette, fragilisant ceux qui se trouvaient déjà dans une situation critique (Grèce, Japon, etc.). Pour convaincre les détenteurs de dette qu’ils ne vont pas recourir à l’inflation ou faire défaut, les États doivent alors démontrer qu’ils ont la capacité de gérer leurs engagements sur le long terme. Et c’est là que revient la question des retraites : une grande partie de la soutenabilité des finances publiques sur long terme dépend de la crédibilité des États à financer leurs engagements de retraite face au vieillissement de leur population.

Ces deux éléments ont, semble-t-il, convaincu le gouvernement qu’une réforme des retraites était devenue un impératif en 2010 : rattraper le rendez-vous manqué de 2008 et donner des signes concrets aux marchés financiers et à nos partenaires européens (notamment l’Allemagne) d’un engagement à maîtriser les finances publiques sur le long terme.

Le décor étant posé, j’attaquerai le débat 2010 dans un prochain post.

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mardi 13 octobre 2009

Prix Nobel et Sebastien


C'est avec une joie sans pareille qu'Ecopublix se joint à l'ensemble du monde de la recherche en économie pour chanter les louanges de ces deux chercheurs récemment distingués par un prix des plus prestigieux. Comme le titre de ce post ne l'indique pas, je veux bien entendu parler de Julien et Camille, lauréats du Prix de thèse de l'AFSE pour le premier, et d'une mention à ce prix, pour le second.

La vidéo de l'annonce du prix est visible ici.

Et rendez vous dans 6 mois pour un autre post de 2 lignes...

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jeudi 5 mars 2009

Les économistes font des graphs


Pour un anniversaire bien dans l'esprit Ecopublix, nous avons proposé au merveilleux Lomki, auteur des illustrations de notre blog, d'exprimer à sa manière l'expression "les économistes font des graphs". Parce qu'il n'est pas un jeu de mot foireux que nous n'oserions faire. N'hésitez pas à jeter un oeil à son site ainsi qu'à son blog photo.
Voici le cadeau qu'il nous a offert :



Encore merci Lomki !

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Les blogués de l'an 2


Ecopublix fête aujourd'hui son deuxième anniversaire ! C'est l'occasion pour nous de regarder le chemin parcouru jusqu'ici, et de constater, non sans fierté, que nous avons su produire les jeux de mot les plus foireux de la blogosphère éco, et ce, sans jamais faiblir ! Et si le poids des mots est essentiel, il ne serait rien sans le choc des photos et des illustrations accompagnant les posts. Sans entrer dans les secrets de fabrication, il nous faut reconnaitre que c'est là un véritable travail de recherche, qui nous occupe souvent plus que la rédaction du post lui-même. Mais quand on n'aime, on ne compte pas.

Dans cet esprit, et parce que c'est la fête, nous vous avons réservé, avec la complicité d'amis blogueurs, une petite surprise. En en attendant d'autres pour cette nouvelle année...

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samedi 10 janvier 2009

La révolution des « randomistas »


Esther Duflo vient d’inaugurer sa leçon au Collège de France et elle a les honneurs mérités de The Economist, du Monde et bien sûr d’Ecopublix. C’est l’occasion de revenir sur une controverse qui anime le petit monde des économistes du développement, avec à son cœur l’approche empirique défendue par notre petite Française. On n’y parle pas des milliards de dollars des banques, mais de la meilleure façon d’améliorer l’aide en faveur des milliards de personnes qui vivent avec quelques dollars par jour. Le débat se concentre sur la pertinence des « expériences contrôlées » pour accroître l’efficacité des politiques d’aide au développement initiées par les organismes tels que la Banque Mondiale ou les ONG. Alors que l’expérimentation est devenue une méthode de référence en économie empirique, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les espoirs que ce type de méthodes suscite. Qu’en penser ?

I. La révolution des expériences contrôlées

Pour comprendre l’enthousiasme récent des économistes pour les expériences contrôlées, il est nécessaire de faire un (rapide) survol des méthodes utilisées par les économistes dans le passé. Dans les années 1980, la méthode reine est la régression en coupe internationale : on rassemble des données sur 100 pays et on regarde les corrélations entre différentes variables. Par exemple, on constate que le montant de l’aide au développement est négativement associé à la croissance du pays. Il est alors évident que l’on ne peut en tirer aucune conclusion en termes de causalité : l’aide au développement cause–t-elle une faible croissance, ou l’inverse ?

James Heckman, prix Nobel d’économie et grand monsieur de l’économétrie, a inventé (après d’autres) une solution statistique au problème : il suffit de trouver un « instrument », c’est-à-dire une variable qui permette d’expliquer le niveau de l’aide versée mais qui soit indépendante de la croissance. L’instrument ainsi trouvé permettra d’approcher l’effet causal de l’aide sur la croissance : il s’agit de la méthode des variables instrumentales.

Cette méthode a été reprise puis adaptée aux cas des « expériences naturelles ». Celles-ci reposent sur l’idée que si l’on peut identifier deux groupes identiques et si l’un de ces groupes bénéficie de – ou subit – un « traitement » (une politique, un choc économique), il est possible de tirer des conclusions sur l’effet net moyen de ce « traitement » sur différentes variables (le revenu, la probabilité d’emploi, la santé, etc.). Si les conditions sont réalisées on pourra alors parler de causalité.

Toute une école d’économistes s’est lancée dans ces nouvelles méthodes, en particulier à Harvard et au MIT (Orley Ashenfelter, Josh Angrist ou plus récemment Steven Levitt sont des exemples parmi beaucoup d’autres). Les expériences naturelles ont fleuri et avec elles de multiples techniques (double différence, matching, regression dicscontinuity, etc). Avec la prolifération de ce type d’études, la qualité des travaux s’est néanmoins détériorée. Les multiples vérifications, pour s’assurer que les groupes de contrôle et groupes tests ne sont pas touchés par la réforme étudiée, étaient plus rarement mises en pratique. Le stock de « bonnes expériences naturelles » ou de « bons instruments » est vite apparu comme limité. Quelques chercheurs, particulièrement conscients des difficultés qu’il y avait à réaliser ces bonnes expériences naturelles, ne souhaitaient pas en rester là. Si les expériences naturelles étaient rares, ne fallait-il pas créer ce que la « nature » n’avait pas produit et passer à l’expérimentation « contrôlée » ?

L’expérimentation en économie s’est développée dans deux domaines en particulier : l’évaluation des politiques publiques et l’économie du développement. Dans les deux cas, l’évaluation avait pour objectif d’optimiser l’utilisation de ressources rares (l’argent des contribuables ou l’aide au développement) afin de maximiser l’efficacité pour les bénéficiaires.

En économie du développement, les chercheurs qui ont le plus œuvré dans cette direction sont deux brillants économistes du MIT, Esther Duflo et Abhijit  Banerjee. Ils ont créé une fondation « Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab » dédiée entièrement au financement d’expérimentation de différentes politiques d’aide aux pays en voie de développement. L’objectif était de sortir des contraintes des expériences naturelles (où l’on est dépendant de l’expérience que l’on trouve) afin de se concentrer sur les questions pour lesquelles on cherchait des réponses. Le choix de l’expérimentation repose sur l’avantage considérable du tirage aléatoire (randomization) pour mesurer les effets d’une politique (ou d’une aide spécifique). Les résultats sont précis et robustes. De multiples études ont été réalisées qui nous ont appris beaucoup sur la façon de bien conduire de l’aide au développement (voir cet article récent qui liste les résultats surprenants d’expérimentations récentes). De plus en plus d’ONG calquent leur pratique sur les enseignements de ces études et travaillent avec des chercheurs pour améliorer l’efficacité de leurs actions. A l’opposé de la caricature d’économistes loin de la réalité en train de manipuler de grandes théories, ces chercheurs ouvrent la boite noire de la production des politiques publiques. Par exemple comment améliorer l’éducation dans les pays en voie de développement ? Faut-il embaucher plus de professeurs, payer des livres, subventionner les cantines scolaires ou vérifier la présence des professeurs. Banerjee et Duflo expliquent que les expérimentations ont pu mettre en lumière  l’efficacité sensiblement différente des politiques pour obtenir le même niveau d’éducation. L’enthousiasme, légitime, de ces jeunes chercheurs les a amené à considérer l’expérimentation comme l’idéal méthodologique (le « gold standard ») de l’économie empirique mais aussi comme l’espoir d’un renouveau de l’engagement citoyen et la promesse d’un monde meilleur...

II. Les critiques des sceptiques

Ces nouvelles méthodes n’ont pourtant pas convaincu tout le monde. Elles suscitent même de sérieuses controverses parmi les économistes (relatées en partie par The Economist). Récemment, à l’occasion de la publication d’un livre au MIT Press par Abhijit  Banerjee, Making Aid Work, puis d’une conférence organisée par le Brookings Institute, le très respecté Angus Deaton (Princeton) et le non moins écouté Dani Rodrik (Harvard) ont chacun fait part de leurs inquiétudes devant le développement de ces méthodes (ou les attentes que l’on peut en avoir). Deaton raille ainsi ces « randomistas » qui ont développé une passion pour les expérimentations et dénonce les expérimentations comme la dernière lubie à la mode. Deux types de critique sont mises en avant.

1. L’éthique en question

Le premier problème de l’expérimentation est un problème éthique. L’identification d’un groupe de contrôle et d’un groupe test suppose que l’on choisit consciemment de ne pas « traiter » tout le monde. Comme le « traitement » est généralement une politique ou de l’aide que l’on juge a priori bénéfique, il est difficile de ne pas voir une injustice à ne pas offrir cette aide à tout le monde. L’argument des chercheurs a été de pointer le fait qu’on ne connaît pas l’efficacité des différentes aides possibles. Les ressources étant rares, chaque ONG est finalement contrainte à faire un choix d’un pays et même d’une petite région où opérer. En testant les différentes aides possibles par expérimentation, les ONG peuvent non seulement lever plus de ressources mais également privilégier les méthodes les plus efficaces, aidant ainsi un nombre bien plus large d’individus.

Mais cette justification apparaît parfois difficile à tenir. Si personne ne réagit fortement lorsque l’on évalue l’aide à l’éducation en comparant l’achat de livres par rapport à l’achat de l’uniforme ou l’effet de la présence des enseignants, lorsqu’on parle de l’effet de traitement médicaux sur les performances scolaires, de légitimes questions doivent être posées. Edward Miguel et Michael Kremer ont ainsi étudié l’effet d’un traitement contre les vers intestinaux sur l’absentéisme à l’école afin de mesurer les effets d’externalité des politiques de santé sur l’accumulation de capital humain. Cet article, qui est par ailleurs un article « phare » de cette école de recherche, a causé des discussions animées sur la justification éthique de telles recherches. Le processus expérimental a consisté à tirer au hasard des enfants kenyans en administrant à seulement la moitié d’entre eux le traitement contre les vers pour mesurer l’effet du traitement sur les performances scolaires (on connaît l’efficacité directe du traitement en terme de santé et le coût du traitement est très faible). Les chercheurs pointent que cette étude a permis de mettre en évidence qu’un traitement qui coûte 30 centimes permet d’obtenir un supplément d’éducation aussi tangible que de couteuses politiques à plus de 6000 $. Au lieu de financer des livres pour chaque enfant, il est possible – pour le même coût – d’être vingt mille fois plus efficace en offrant un traitement contre les vers à tous les enfants africains.

Le résultat de cette étude valait-il le coût éthique de cette expérimentation ? Est-il mieux de pouvoir mesurer cette externalité ou faut-il savoir limiter les champs d’expérimentation ? En d’autres termes, la fin justifie-t-elle les moyens ? Même si l’objectif final est d’aider ces populations, on ne peut s’empêcher de penser que s’il est plus facile de réaliser ces expériences dans les pays en voie de développement c’est aussi parce que dans les pays développés, les citoyens ont leur mot à dire sur l’opportunité de ces études…

2. Les limites méthodologiques

Plus que le problème éthique, ce qui semble le plus agacer les sceptiques, ce sont les prétentions de supériorité méthodologique.

James Heckman rappelle que la validité des expérimentations n’est que conditionnelle. Les résultats ne sont valables que dans le contexte de l’expérimentation (dans le pays, sur l’échantillon traité, selon les conditions macroéconomiques, etc.) . Ainsi, si une expérience met en évidence que l’aide aux chômeurs en Suède pendant une forte période de croissance est positive sur le retour à l’emploi, cela ne permet pas d’en déduire l’effet d’une politique similaire en France pendant une période de récession. Selon les mots de Deaton, le risque est d’amasser des faits et non de la connaissance. Les défenseurs des expérimentations lui rétorque que c’est une raison supplémentaire de faire plus d’expériences et non moins !

Les sceptiques répliquent alors que la multiplication des expérimentations de résout pas le fait qu’elles ne mesurent pas tous les effets. Ainsi, une politique peut être efficace à dose homéopathique (lorsqu’elle n’a pas d’impact sur les coûts ou les marchés du travail) mais peut se révéler complètement inefficace une fois qu’on prend en compte ses impacts macroéconomiques. C’est pourquoi Deaton raille les espoirs mis dans les expérimentations car, selon lui, elles ne peuvent qu’évaluer des petites politiques mais deviennent obsolètes dès que l’aide versée est suffisamment importante pour faire une différence.

L’autre point du débat est l’opposition entre vision micro et macro. Si les méthodes empiriques des macroéconomistes ont été discréditées au profit d’analyses micro plus rigoureuses et plus ciblées, les analyses globales (institutions, ouverture commerciale, etc.) n’en restent pas moins pertinentes pour expliquer le développement économique. Comme Deaton et Rodrik le soulignent, les pays qui se sont développés récemment (et ont sorti de la pauvreté des millions d’individus) ne l’ont pas fait en s’appuyant sur une aide extérieure et encore moins sur des politiques de développement expérimentées au préalable, mais en s’ouvrant au commerce, en garantissant les droits de propriété et en luttant contre la corruption.

Au final, doit-on reprocher à l’expérimentation d’apporter des informations très précises certes mais sur des points somme toute négligeables ?

III. Qu’en conclure?

Ce débat peut laisser songeur. Lorsque l’on compare la défense des expérimentations par Duflo et Banerjee et les critiques qui leur sont faites, on ne peut s’empêcher de penser que tout le monde s’accorde en fait sur deux points essentiels : les expérimentations sont extrêmement utiles et correspondent à un progrès substantiel par rapport aux analyses passées. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire pour autant et d’autres méthodes, avec une meilleure compréhension des mécanismes, devront être développées. Une des voies d’avenir serait de parvenir à modéliser les comportements économiques en testant les hypothèses lors d’expériences : si le modèle est robuste à ces tests, il peut être utilisé pour juger d’autres politiques, hors du contexte de l’expérimentation ou pour évaluer des politiques qui ne peuvent pas être soumises à l’expérimentation.

L’opposition micro/macro est aussi stérile. Certes, les grands mouvements macroéconomiques (croissance, commerce) sont probablement plus importants pour la réduction de la pauvreté dans les pays pauvres, mais en rester à un niveau d’analyse macro n’a souvent aucun intérêt pratique : savoir si l’aide en soi est bonne ou pas pour la croissance n’est pas forcément la bonne question à poser au vu de l’hétérogénéité de l’aide possible. Essayer de comprendre quel type d’aide est efficace, ou est contreproductif, est probablement plus important. Pour ce faire, une combinaison d’expérimentations et de modélisation d’effets macroéconomiques sera déterminante.

Il est enfin difficile de reprocher aux partisans des expérimentations le souhait de voir ajouter au mur de la connaissance économique des petites mais solides pierres, quand on compte le nombre de grandes théories qui n’ont pas survécu à leur auteur. La modestie de ces approches est au contraire tout à l’honneur des chercheurs qui les poursuivent. Ceux qui en viennent à professer que les expérimentations sont la seule voie pour sauver le monde n’en ont simplement pas compris la philosophie.

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mardi 30 décembre 2008

Et deux docteurs de plus...


Nous sommes très heureux, à Ecopublix, de vous annoncer, non sans une certaine fierté, que deux petits scarabés de l'équipe ont soutenu leur thèse et ont été proclamés docteurs es sciences économiques. Camille a brillamment présenté sa thèse intitulée "Essais en économie publique : fiscalité, hauts revenus, familles" (disponible ici) et Julien lui a enchaîné le pas le lendemain avec son oeuvre "Démocratisation scolaire, politiques éducatives et inégalités : une évaluation économique" (disponible ici). Alors qu'on se le dise : terminer sa thèse, ça n'arrive pas qu'aux autres !

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jeudi 18 décembre 2008

Bonnes résolutions et Chaire (de poule)


La fin de l’année approche. Et cette fois, c’est vraiment la crise absolue. Le monde se tord d’angoisse. Dans la rue, ce ne sont que regards paniqués et conversations déprimées. Et il y a de quoi !

Car la question, la seule, la vraie, celle qui est sur toutes les lèvres, celle que tout le monde se pose, reste encore sans réponse :

Quelle bonne résolution adopter pour l’année prochaine ? 800x600 ? Arrêter de fumer ? Ah non, ça, ça a déjà raté cette année.

Heureusement, Ecopublix est là pour vous sortir de cette détresse : à partir du 8 Janvier, Esther Duflo, titulaire de la nouvelle Chaire « Savoirs contre pauvreté » proposera une série de leçons au Collège de France, au cours desquelles elle présentera les travaux basés sur la méthode empirique qui a révolutionné l’économie du développement depuis une dizaine d’années : l’approche expérimentale. Esther Duflo étant une spécialiste de cette méthode, nous ne pouvons que vous recommander chaudement d’aller assister à ces leçons, afin d’apprécier (ou non) l’intérêt de cette méthode dont l’utilisation fait débat au sein des sciences économiques.
En voila une bonne idée de résolution pour 2009 !

Toutes les infos sont là.

Et hop, plus de problème, que des (bonnes) résolutions.

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lundi 24 novembre 2008

Le problème des retraites (8/40) : pédagogie écrite et orale


J’ai fait quelques essais de pédagogie du système de comptes notionnels hors des pages de ce blog : d’abord en répondant aux interrogations des lecteurs de Libération qui restaient dubitatifs sur le financement en répartition d’un tel système, ensuite en participant à l’émission de France Culture « L’économie en question » de Caroline Broué et Olivier Pastré lundi 24 novembre. J’étais l’invité de l’émission aux côtés de J-C Leduigou, secrétaire général de la CGT et responsable, entre autres, de la question des retraites. Récit d’une première fois en direct à la radio…

Comme toutes les premières fois, c’est à la fois stressant et un peu excitant. Peur de ne pas être à la hauteur, le trou blanc, la panne… et puis pris dans l’émission, on se laisse prendre par la conversation et le débat. Les journalistes et J-C. Leduigou ont été indulgents avec le petit jeune et au final l’expérience n’a pas été désagréable. Elle m’a surtout permis de rencontrer un responsable d’une grande centrale syndicale et d’essayer de le convaincre de considérer notre proposition.

Sur le fond, J-C. Leduigou n’a pas (encore) été convaincu par notre proposition même s’il semble acquis à la proposition de revoir complètement notre système de retraite. Il partage le diagnostic à l’origine de cette proposition : un système complexe, parsemé d’injustices et d’incertitude sur les droits à la retraite, dont la garantie financière n’est pas assurée et dont certains aspects (comme la revalorisation par les prix) ont des effets pervers encore peu visibles.

A l'inverse son opposition au système de comptes notionnels comme un retour à un « système d’assurance » et comme un système inégalitaire ne m’a pas vraiment convaincu. Son affirmation que nous sommes sorti du système d’assurance vieillesse (et dans un système de « salaire différé ») me semble reposer sur une vision étrange (ou que je ne comprends pas bien) des cotisations retraites : pas vraiment des cotisations (sinon il y a assurance), pas des impôts (elles ouvrent des droits à la retraite)…  Qu’est-ce alors qu’un système de « salaire différé » ? Un système où la retraite dépend du dernier salaire uniquement ? profitant ainsi aux salaires plus élevés et organisant la redistribution des plus pauvres vers les plus riches ?

Quant à l’accusation récurrente que le système de comptes notionnels est inégalitaire, il repose sur deux erreurs ou malentendus : la première est de croire que le système actuel est le parangon de la redistribution quand il organise de multiples redistributions à l’envers, qui restent cachées à l’oeil du citoyen. La seconde est d’oublier que le système de comptes notionnels repose sur un deuxième pilier de redistribution, financé par l’impôt, qui permet de créditer les comptes de tous ceux qui ont des aléas de carrière ou des salaires faibles tout au long de leur vie. Il n’y a pas de niveau de redistribution qu’on ne puisse répliquer (et a fortiori augmenter) dans un tel système. La seule condition requise est la transparence.

Pour poursuivre le débat, les lecteurs peuvent aller lire (ou relire) les posts consacrés la retraite sur Ecopublix.

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