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vendredi 9 novembre 2007

Combien paie-t-on d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales ?


Le héros de la bande-dessinée IRS (le fisc américain) prétend lire la vie des individus par le biais de leur déclaration d’impôt. En France, savoir lire sa feuille de paie et sa feuille d’impôt est un exercice plutôt difficile. Combien de nos concitoyens savent combien ils gagnent vraiment, combien savent combien d’impôts et de cotisations ils paient ? Et combien ne sont pas pris par une réaction de rejet face à un système fiscal qui leur échappe ? Un post précédent avait rappelé les bases nécessaires pour répondre à la question de qui paie les impôts. Julien a expliqué avec talent qui paie les cotisations sociales. Aujourd’hui, l’objectif est d’essayer de calculer pratiquement à combien s’élèvent impôts et cotisations sociales auxquelles les salariés sont assujettis en France. Il va falloir descendre dans les ténèbres et les dédales de nos prélèvements obligatoires. Attention, ne vous retournez pas !

Le premier point à rappeler pour ceux de nos lecteurs qui auraient manqué les premiers épisodes est le fait que les cotisations sociales salariales et patronales sont payées par les salariés. Le véritable salaire d’un Français n’est donc pas son salaire brut (celui qui sert de référence officielle), mais son salaire super-brut qui inclut donc les cotisations patronales. Il n’y a aucune différence à recevoir un salaire brut de 100, avec 50% de cotisations patronales et 25% de cotisations salariales (un salaire net de 75) et recevoir un salaire brut de 150 avec 50% de cotisations salariales. Lorsqu’on parle de « travail » dans le partage de la valeur ajoutée, on inclut les salaires brut et les cotisations assises sur ces salaires. Si les économistes parlent parfois de coût du travail, pour les salariés, il est plus juste de parler des « revenus du travail ».

Le second point de clarification à rappeler à nos Gaulois non économistes est la distinction entre les impôts qui sont destinés au budget de l’Etat (le système fiscal) et les cotisations sociales qui servent à financer la protection sociale (le système social). Les deux forment les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire des prélèvements auxquels on ne peut pas se soustraire légalement. Lorsque l’OCDE compare les niveaux de prélèvements obligatoires entre pays c’est une mesure de l’ensemble des impôts et cotisations sociales qui est présentée. En France, le montant global des prélèvements obligatoires est de 44 % du PIB pour 2005 (plus d’informations dans le projet de loi de finance 2007).

Parmi tous les prélèvements obligatoires, trois sont imposés sur les revenus des salariés : l’impôt sur le revenu (IR), les contributions sociales (CSG-CRDS) et les cotisations sociales. Combien paie-t-on de ces différents prélèvements ?

I/ Les différents barèmes de l’impôt sur le revenu, des cotisations sociales et de la CSG

Le prélèvement obligatoire le plus connu est l’impôt sur le revenu sur les personnes physiques (IRPP). Lorsque les Français se plaignent de payer trop d’impôts, c’est avant tout à l’impôt sur le revenu qu’ils pensent. Bien souvent on confond le taux de prélèvement obligatoire de 44% avec le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu (« l’Etat prend la moitié de mon revenu »). En fait, l’impôt sur le revenu n’est pas imposé sur l’ensemble du salaire, mais sur le salaire net, c’est-à-dire une fois les cotisations sociales déduites. Le barème de cet impôt est progressif, c’est-à-dire que la part du revenu taxée croît avec le revenu.

La CSG et la CRDS sont des impôts sur le revenu mais qui sont affectés à la protection sociale. Ils ne sont pas progressifs, mais proportionnels au revenu brut.
Le barème des cotisations sociales est plutôt complexe car il existe de multiples cotisations sociales. Certaines ne sont pas liées au montant prélevé (cotisations maladie, invalidité, cotisations famille ou logement) et sont donc plus proches d’une imposition classique. D’autres (comme les cotisations retraite et chômage) vont donner droit à des prestations proportionnelles (selon une formule plus ou moins complexe) et correspondent à une assurance des risques de chômage et de vieillesse.

L’autre complexité du barème des cotisations sociales vient des jeux des plafonds. Les cotisations sociales sont plafonnées, c’est-à-dire que jusqu’au plafond, une cotisation sociales est calculée, puis les revenus au-dessus de ce plafond ne le sont pas. La majeure partie des cotisations sont imposées sous le plafond de la sécurité sociale. Par exemple, en 2007 les cotisations retraite du régime général se montent à 16,65 % du salaire brut jusqu’au plafond, puis à 1,7 % du salaire brut au-dessus de ce plafond. D’autres cotisations donnent lieu à des prélèvements jusqu’à 3 plafonds (chômage) et certaines jusqu’à 8 plafonds (régimes de retraite complémentaires). Ci-dessous le barème qui s’applique aux salaires en-dessous du plafond pour 2006.


Les cotisations sociales sont définies en fonction du salaire brut, qui est la référence légale du salaire, mais pas sa définition économique (je vous renvoie au post de Julien). La définition économique du salaire correspond à l’ensemble du salaire brut augmenté des cotisations sociales dites employeurs, c’est-à-dire au montant versé par l’employeur en échange du travail du salarié. Par exemple, au 1er janvier 2007, le plafond de la sécurité sociale (qui sert de référence pour de nombreuses cotisations sociales) était de 2682 Euros mensuel. Un employeur offrant ce salaire à un employé devra en fait débourser 41,48% de plus soit 3794 Euros mensuel. A l’inverse l’employé ne va pas percevoir 2682 Euros, mais un salaire net des cotisations sociales des employés (soit 13,70% du brut) et net de la CSG et de la CRDS (7,78% du brut) qui sont des impôts sur le revenu prélevés à la source, soit au total 2106 Euros. C’est ce montant net qu’il va ensuite devoir déclarer sur sa feuille d’impôt.
On peut résumer tout ce charabia dans le tableau ci-dessous pour notre salarié payé au niveau du plafond de la Sécurité sociale.


II/ Poids des différents prélèvements

Pour pouvoir mesurer correctement le poids de chaque composante des prélèvements obligatoires, il est nécessaire de les exprimer en fonction du revenu global du salarié, soit son salaire super-brut. Reprenons alors le cas de notre salarié payé au niveau du plafond de la sécurité sociale. Il gagne un salaire super-brut de 3794 Euros et après déductions des cotisations sociales, reçoit un chèque de 2106 Euros, soit un taux de prélèvement moyen de 44,5 % de son salaire super-brut. Il ne s’agit pas bien sûr uniquement de prélèvements sans contrepartie : il va pouvoir bénéficier à l’âge de départ en retraite d’une pension proportionnelle à ses cotisations retraite (nous y reviendrons un autre jour), d’une allocation chômage proportionnelle à ses revenus (nous avons déjà évoqué ici ce cas). Pour l’heure notre salarié gaulois doit encore payer l’impôt sur le revenu. Il ne déclare pas son revenu de 3794 Euros mais son revenu net de 2106 Euros. Si on utilise le barème de l’impôt 2007 sur les revenus de 2006 et que l’on suppose que notre gaulois est célibataire et sans enfant, il devra envoyer au fisc un chèque de 1924 Euros pour l’année, soit un prélèvement mensuel de 160 Euros. Son revenu net d’impôt est alors de 1946 Euros, soit un taux net de prélèvement obligatoire de 47,4% se décomposant de 44,5% de cotisations sociales et de 2,9% d’impôt sur le revenu (toujours en fonction de son salaire super-brut).

Les cotisations sociales, qui n’apparaissent pas sur la feuille d’impôt mais sur la feuille de paie sont les prélèvements les plus importants des prélèvements obligatoires français, mais ils sont à peine connus des salariés français. Rien d’étonnant à ce qu’ils aient eu tendance à augmenter massivement sans trop de peine pour financer la protection sociale. A l’inverse l’impôt sur le revenu, très visible, suscite des diatribes enflammées.

Maintenant que le fonctionnement du système est clarifié, il est possible de calculer quelle est la part des différents prélèvements payés par les salariés pour différents niveaux de salaire. Le graphique ci-dessous représente le pourcentage des prélèvements obligatoires (cotisations sociales, impôt sur le revenu, CSG-CRDS) en fonction du salaire super-brut. L’axe des abscisses est par contre le salaire brut mensuel afin de faciliter la lecture. Dans ce calcul les baisses ciblées des charges patronales ne sont pas incluses.


Les cotisations sociales sont un prélèvement régressif (dont le taux marginal est décroissant en fonction du salaire), les prélèvements sociaux CSG-CRDS sont des prélèvements proportionnels (dont les taux marginaux sont constants) et l’impôt sur le revenu est un prélèvement progressif (avec un taux marginal croissant avec le salaire). Le fait que les cotisations sociales soient prélevées de façon régressive ne signifie pas forcément qu’elles sont en soi régressives puisque la protection sociale n’est pas proportionnelle aux cotisations (sauf pour les retraites). Mais plutôt que discuter des mérites redistributifs de notre système de prélèvement fiscalo-social (fiscal et social), regardons plutôt les effets d’une telle structure.

III/ Un système incompréhensible aux effets pervers

La structure des prélèvements obligatoires en France est foncièrement incompréhensible aux citoyens français. Elle est complexe sans raison valable et a de nombreux effets pervers. J’en vois au moins trois :
1/ La distinction entre cotisations sociales et employeurs induit en erreur les salariés en leur faisant croire qu’ils ne paient pas le coût de leur protection sociale. Ils ne peuvent donc pas prendre des bonnes décisions sur le niveau de protection sociale qu’ils désirent vraiment puisque l’arbitrage entre le coût et les bénéfices n’est pas clairement établi. A ce titre la proposition d’Overzelus de supprimer cette distinction permet d’aligner l’incidence fiscale légale sur l’incidence fiscale réelle. Cela a un avantage pédagogique au cas où l’incidence fiscale n’était pas comprise par les salariés ou les syndicats.
2/ Ensuite le fait d’exprimer des taux de prélèvement en fonction de base qui varient (salaire brut, salaire net) accroît la complexité d’un système qui n’en a pas besoin. En supprimant la distinction cotisations salariés /employeurs, il devient possible d’exprimer tous les prélèvements en fonction du coût du travail et donc de clarifier la discussion sur le niveau de redistribution et sur le niveau des prélèvements obligatoires. Si souvent les salariés confondent le taux marginal supérieur d’impôt sur le revenu avec le taux moyen payé, ils ignorent largement combien de cotisations sociales (salarié/employeur) ils paient en réalité. Il n’est pas rare de voir des gouvernements promettre des baisses d’impôt (sur le revenu) pendant qu’ils laissent augmenter les prélèvements moins visibles (les cotisations sociales).
3/ La distinction cotisations salarié/employeur donne ainsi une incitation fiscale particulièrement peu bienvenue à l’augmentation des cotisations sociales : toute augmentation de salaire qui a lieu par l’augmentation des cotisations patronales est non imposée à l’impôt sur le revenu (par exemple augmenter les cotisations patronales retraite est une façon d’augmenter les salaires super-brut en échappant à l’impôt sur le revenu).

On peut juger que le système socialo-fiscal français est trop/pas assez redistributif, mais cela ne devrait pas empêcher de considérer qu’il est d’abord extrêmement illisible. Cette illisibilité pose à mon sens un problème démocratique. Si les électeurs (ou les salariés) ne peuvent pas facilement comprendre quels sont les montants d’impôt ou de contribution qu’ils font, alors il ne faut pas s’étonner que la démagogie nourrisse le débat politique. L’ exigence de transparence est une condition du bon déroulement du débat démocratique. L’article 14 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyens, rédigés par les descendants de nos gaulois, garde toute sa modernité : « Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

J’espère que tout le monde est encore avec moi… il est temps d’aller manger une petite fondue !

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mardi 13 octobre 2009

Prix Nobel et Sebastien


C'est avec une joie sans pareille qu'Ecopublix se joint à l'ensemble du monde de la recherche en économie pour chanter les louanges de ces deux chercheurs récemment distingués par un prix des plus prestigieux. Comme le titre de ce post ne l'indique pas, je veux bien entendu parler de Julien et Camille, lauréats du Prix de thèse de l'AFSE pour le premier, et d'une mention à ce prix, pour le second.

La vidéo de l'annonce du prix est visible ici.

Et rendez vous dans 6 mois pour un autre post de 2 lignes...

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mardi 30 décembre 2008

Et deux docteurs de plus...


Nous sommes très heureux, à Ecopublix, de vous annoncer, non sans une certaine fierté, que deux petits scarabés de l'équipe ont soutenu leur thèse et ont été proclamés docteurs es sciences économiques. Camille a brillamment présenté sa thèse intitulée "Essais en économie publique : fiscalité, hauts revenus, familles" (disponible ici) et Julien lui a enchaîné le pas le lendemain avec son oeuvre "Démocratisation scolaire, politiques éducatives et inégalités : une évaluation économique" (disponible ici). Alors qu'on se le dise : terminer sa thèse, ça n'arrive pas qu'aux autres !

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vendredi 31 octobre 2008

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (1/2) : l’incidence fiscale


En cet automne 2008 arrivent les projets de loi de finances ; en particulier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été présenté par les nombreux ministres concernés. Pour se faire une idée, on peut lire le dossier de presse, regroupement des discours d’Eric Woerth, Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot-Narquin devant différentes commissions parlementaires ainsi que la présentation du projet de loi à Bercy le 28 septembre et bon nombre de fiches explicatives des différentes mesures. Le présent post est surtout un prétexte pour présenter des exemples d’incidences fiscales, et rappeler une fois de plus que ce n’est pas forcément l’agent officiellement taxé qui paie réellement l’impôt. Ceci avait déjà été présenté sur ce blog dans le cas général, pour les cotisations sociales ou bien encore la TVA, et bien entendu dans bien d’autres blog comme liberté réelle, mais nous ne craignons pas la répétition. Ici, nous allons pouvoir nous pencher sur un impôt sur les bénéfices et une contribution sur des revenus du travail. Dans un second post sur l’assurance maladie, nous présenterons les différentes conséquences de l’augmentation des cotisations des mutuelles.

I/ Présentation du projet de loi de finance

Nous allons nous pencher sur une partie restreinte de ce projet de loi, mais pas la moins intéressante : l’augmentation des recettes. En effet, même si le contrôle des dépenses est encore mis en avant, il est prévu que celles-ci augmentent de manière importante, d’où un besoin accru de financement. Les mesures en vue d’augmenter les recettes sont principalement de trois ordres : une contribution patronale de 2 % sur l’intéressement et la participation, une contribution des organismes complémentaires sur leurs bénéfices et une augmentation des cotisations retraites.

Le thème général de la présentation du PLFSS 2009 a été que les assurés ne paieraient pas le surplus de financement. On trouve ainsi écrit que l’ensemble des mesures d’augmentation des recettes ne conduira à "aucune participation supplémentaire pour les assurés respectant le parcours de soins coordonnés". On peut cependant fortement en douter. Notre but n’est pas de dire si les assurés doivent ou pas supporter la charge de ces besoins de financement, car ce pourrait être légitime bien qu’impopulaire. De plus, les conséquences des augmentations des cotisations de mutuelles (ce qui n’est qu’un des moyens de faire porter la charge des recettes supplémentaires sur les assurés) seront étudiées dans un prochain post. Nous nous contenterons ici de montrer que contrairement à ce qui est dit, les assurés, même ceux suivant le parcours de soins coordonnés, supporteront au moins en partie la charge des besoins de financements supplémentaires.

Pour ce qui concerne la hausse des cotisations retraites, elle est présentée sans coût car elle doit être compensée par une baisse des cotisations pour l’assurance chômage. Si le chômage a été en baisse au cours des années 2007 et 2008, il semble repartir à la hausse, ce qui devrait interdire ce basculement. Il est cependant resté présent dans la version du PLFSS 2009. Il faut probablement en tirer comme conclusion que soit les cotisations retraites augmenteront sans baisse des cotisations chômage, soit que le déficit de l’assurance maladie sera partiellement financé par un déficit de l’assurance chômage.

Pour la justification de la contribution de 2 % sur la participation et l’intéressement, l’accent est donné sur un principe d’équité : ces revenus, qui ne sont pas officiellement considérés comme des revenus du travail, sont exonérés de charges sociales (ce qui veut d’ailleurs dire qu’ils n’ouvrent pas de droits supplémentaires au chômage ou à la retraite). Les seules contributions qui les touchent à la source sont la CSG et la CRDS. Si l’intéressement et la participation ne sont pas considérés socialement comme des salaires, ils n’en sont pas moins une rémunération du travail, lié à une négociation entre employé et employeur. Comme le montre le post de Julien sur l’incidence des cotisations sociales, cette nouvelle contribution de 2 % sur la participation entrainera forcément une hausse des primes brutes et une baisse des primes nettes, c’est à dire qu’à la fois l’employeur et l’employé la paieront, ce qui contredit la déclaration qu’il n’y aura "aucune participation supplémentaire pour les assurés respectant le parcours de soins coordonné", si on considère que notamment les salariés sont parmi les assurés.

II/ Pouvoir n’est pas vouloir ou l’impossibilité de légiférer sur l’incidence fiscale

Les gouvernements, et probablement pas seulement en France, aiment bien les déclarations d’intentions sur les incidences fiscales, ou alors oublier celles-ci totalement. Pour ce qui concerne la taxe sur les bénéfices des complémentaires santé, le discours est ici pour le moins ambigu. Si le principe des incidences fiscales est implicitement reconnu, le problème est écarté avec des arguments peu convaincants économiquement. On peut ainsi lire dans le compte rendu des propos d’Eric Woerth cette phrase qui n’a pas trop de sens économique : "Cette contribution peut donc être absorbée par les complémentaires sans hausse des cotisations.". Outre les justifications qu’il donne à cette possibilité, le terme "peut" est totalement hors de propos. La question n’est pas de savoir si les complémentaires peuvent ou non le faire, mais si elles le feront réellement. Et c’est d’ailleurs un raisonnement que le gouvernement connaît très bien. Lors de débats sur le niveau de certaines taxes sur les hauts revenus (IR, IS, ISF…) la question est rarement posée de savoir si les personnes concernées pourraient payer des montant plus élevés, mais si oui ou non il y a un risque qu’elles envoient leurs capitaux fructifier à l’étranger.

La justification donnée par Eric Woerth pour cette possibilité est la suivante : "Chaque année, en l’absence de mécanisme de rééquilibrage, près de 600 millions d’euros de plus sont à la charge de l’assurance maladie obligatoire et ne sont plus remboursés par les complémentaires". Le ministre se réfère là au rapport annuel du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, qui ne dit pourtant pas exactement cela. En effet, si la première partie de la phrase correspond au-dit rapport, la seconde partie donne l’impression que chaque année le régime général rembourse une plus grande part des dépenses, ce qui permet aux mutuelles d’avoir moins à rembourser. Or ce n’est pas ce que déclare le HCAAM. Ce haut conseil trouve certes une hausse des dépenses de l’assurance obligatoire de cet ordre (3 milliards d’euros sur 5 ans) du fait du vieillissement de la population et des prises en charge à 100 %, mais ne dit à aucun moment que cela est dû à un transfert global des prises en charge vers le régime obligatoire. On lit au contraire dans ce rapport que "le taux de prise en charge a connu un très léger fléchissement" et que "le taux d’engagement de la sécurité sociale dans la dépense reconnue ne varie que de façon très faible, résultat de mouvements de sens contraires.". En réalité, si les dépenses de sécurité sociale augmentent fortement, celles des complémentaires également, et ce n’est pas dû à un basculement de l’un sur l’autre, mais à une hausse importante des dépenses globales.

Alors pourquoi les complémentaires pourraient-elles ne pas répercuter sur les cotisations leur nouvelle contribution ? Toujours dans le même élan, le ministre nous dit que c’est parce que leurs profits ont fortement augmenté ces derniers temps. Mais encore une fois le raisonnement est biaisé, et au contraire, si elles ont pu augmenter autant leurs bénéfices ces dernières années, c’est peut-être qu’elles sont en position de force sur le marché de l’assurance maladie complémentaire. Et si elles sont en position de force, il y a fort à parier qu’elles pourront répercuter leur nouvelle taxe sur leurs assurés. Et en effet, le rapport du HCAAM note que les cotisations d’assurance complémentaire entre 2001 et 2006 ont augmenté de 48 % pendant que les dépenses de ces organismes n’augmentaient que de 32 %, notamment du fait d’une "restructuration de l’offre par concentration". Ce n’est donc pas parce qu’ils se sont déchargés sur l’état que les organismes d’assurance maladie complémentaire ont réussi à augmenter fortement leurs bénéfices, mais parce que la concurrence sur ces marchés a fortement décru.

III/ De l’incidence fiscale de la taxe sur les bénéfices

Alors les complémentaires maladie vont-elles oui ou non répercuter cette nouvelle contribution sur les cotisations ? Pour revenir à cette question, et si on regarde pour cela la littérature économique sur l’incidence des taxes sur les bénéfices, et en particulier cet article récent d’Auerbach qui fait le point sur les connaissances, on trouve beaucoup de résultats contradictoires. Si les résultats les plus connus et les plus anciens disent que les taxes sur les bénéfices sont supportées entièrement par les détenteurs de capital (et aussi bien les détenteurs d’autres capitaux – actions d’autres entreprises, bien immobiliers... – que les actionnaires des entreprises touchées), ces résultats sont basés sur beaucoup d’hypothèses fortes, dont une économie fermée, une offre de capital globalement fixe et surtout la concurrence parfaite sur les marchés concernés. L’idée générale est que les décisions en vue de maximiser les profits ne sont pas modifiées, mais que les rendements du capital sont juste linéairement réduits, pour l’ensemble des capitaux, quelque soit leur forme.

Cependant, d’autres analyses relâchant ces hypothèses trouvent que d’autres agents peuvent supporter la taxe, comme les employés, et dans le cas de la concurrence imparfaite, les consommateurs. En effet, si le marché est déjà concentré, entrainant une réduction de l’offre afin d’augmenter les prix, une taxe supplémentaire sur les bénéfices peut renforcer encore la concentration, permettant ainsi aux entreprises présentes d’augmenter leur pouvoir de marché, ce qui conduit à une augmentation des prix. Des études empiriques et théoriques citées dans la revue de la littérature d’Auerbach présentent même la possibilité que l’augmentation des prix soit plus importante que la nouvelle taxe : les entreprises sur le marché non concurrentiel augmentant leur bénéfice net après une augmentation de la taxe sur les bénéfices, du fait d’une forte baisse de la concurrence.

Quoi qu’il en soit, et vu le niveau élevé de concentration dans le marché des assurances maladie complémentaires, il est fort probable que cette contribution sur leurs bénéfices soit supportée au moins en partie, sinon en intégralité, par les assurés.

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jeudi 25 septembre 2008

Ecopublix, Episode II


Ecopublix se réveille après un long sommeil dans un nouvel espace-temps. La Guerre des Gaules est loin dernière nous et s’est terminée par la mort de quelques antiques irréductibles. Le gouvernement des Etats-Unis a entre-temps décidé de se lancer dans un vaste programme de nationalisations. Les Econoclastes ont publié un livre à succès (oups! on veut dire celui-ci) pour éduquer les masses. Nous en avons perdu notre latin…

Heureusement, une nouvelle génération d’économistes-blogueurs s’est décidée à reprendre le flambeau. Julien (lointain descendant d’Overzelus) s'apprête à devenir centurion docteur et a rejoindre Antoine (issu d’une lignée de Petitsuix) de l’autre côté du tunnel. Gabrielle (qui prétend être parente avec Noblabla) est partie étudier le logement à Barcelone sous prétexte que l’architecture y est intéressante et le climat bénéfique pour ses recherches. Camille (qui n’a aucun rapport avec Manix) s’envole pour Berkeley où il espère faire la révolution fiscale après la révolution des mœurs. Laurent (qui a hérité un marteau et une enclume de Capitalrix) étudie le capital à Paris, tandis que Clément (vaguement lié à Dyslexix) poursuit ses expériences naturelles pour estimer l’élasticité-prix de boissons diverses dans son laboratoire de Montmartre. Emmanuel (qui s’arroge des origines Viking par Kanelbullix) continue de gratter la glace du coté de Stockholm et d'observer le modèle suédois à la loupe. Enfin, pour compléter la description des forces en présence, Ecopublix se renforce sur le front des pays en voie de développement, en accueillant Guilhem. Pour cette nouvelle saison, il y aura encore du chiffre, du graphique et de l’analyse fouillée, mais on vous promet aussi du sexe, de la drogue et du rock-and-roll…

Credit image: NASA/ESA, The Hubble Key Project Team, and The High-Z Supernova Search Team.

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jeudi 20 mars 2008

Le « problème » des retraites (3/40) : le minimum vieillesse


Le gouvernement a annoncé une revalorisation de 25% du minimum vieillesse sur 5 ans, dont 5% dès cette année. La presse et la blogosphère ont déjà commenté le caractère politique de l’annonce quelques semaines avant les élections municipales, mais peu de choses ont été dites sur les conséquences économiques de cette mesure, son coût, son financement et ses implications sur l’assurance vieillesse, questions finalement plus importantes que le débat sur les effets d’annonce. Ecopublix se met donc à la tâche et en profite pour vous faire réviser le fonctionnement des minima vieillesse en France.

I/ Objectif et historique du minimum vieillesse

Lors de l’épisode précédent sur la typologie des systèmes de retraite, nous avions opposé les systèmes dits bismarckiens (ou contributifs) qui fonctionnent comme des assurances obligatoires (à chacun selon ses contributions) aux systèmes dits beveridgiens qui offrent à tous une protection minimale et uniforme. Le minimum vieillesse relève de cette dernière philosophie. Il s’agit donc de redistribution, et plus précisément de lutte contre la pauvreté. Par le biais de la fiscalité, des transferts de revenu sont effectués au profit des individus de plus de 65 ans résidents en France qui ne disposent pas de revenus suffisants pour survivre décemment. Aucune contribution au système de retraite n’est exigée. L’objectif est d’éviter que nos concitoyens ayant atteint un âge élevé ne sombrent dans la pauvreté. Cet objectif d’équité ou de justice sociale est souvent opposé (par de méchants économistes) à un objectif d’efficacité ou d’incitation. En effet, si un revenu est offert sans conditions, le risque est de décourager le travail de ceux qui sont susceptibles de ne dépasser que faiblement ce revenu minimum (ou pour le reformuler dans un langage plus courant, d’être injuste envers ceux qui ont travaillé toute leur vie pour de faibles salaires). Dans le cas du minimum vieillesse, cet arbitrage est généralement considéré comme moins difficile : les individus arrivant à l’âge requis sans ressources suffisantes ont, du fait de leur âge, une offre de travail peu sensible aux incitations. Par conséquent, si la société souhaite éviter la pauvreté à ses concitoyens âgés, elle peut le faire sans trop risquer de désinciter au travail ses bénéficiaires. Mais ceci n’est vrai que si l’âge requis est suffisamment élevé et le montant pas trop élevé pour que cette aide soit ciblée sur ceux qui en ont réellement besoin.

L’ancêtre du minimum vieillesse en France est l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS). Cette allocation fut créée en mars 1941 par le gouvernement de Vichy dans le but d’atténuer le chômage et d’encourager le retour à la terre des ouvriers âgés. En fait, l’idée était en débat depuis 1938 et on cite à son propos la phrase du Maréchal Pétain « Je tiens mes promesses, même celles des autres »… L’allocation était conditionnelle à des années de contribution mais non proportionnelle au revenu. Ce n’était donc ni vraiment un minimum vieillesse qui s’adresserait à tous (pas universel), ni une assurance vieillesse à proprement parler.

Après la seconde guerre mondiale, de nombreux salariés âgés se retrouvent sans revenu (leurs économies ont été liquidées par l’inflation – l’euthanasie des rentiers n’a pas touché que les gros patrimoines…) et sombrent dans la pauvreté. Si aujourd’hui le pauvre est souvent un jeune sans emploi, en galère, après 1945, le pauvre par excellence est le vieux qui n’est plus en état de travailler et dont la pension est réduite à la portion congrue. L’assurance vieillesse mise en place en 1946 prend du temps à monter en charge et les vieilles générations n’ont pu valider que peu d’années, avec des montants relativement faibles, sans compter que même les retraites à taux plein du régime général n’accordent que 40% des derniers salaires à 65 ans (il faut attendre 70 ans pour obtenir 60% et il n’existe pas encore de régimes complémentaires). La pauvreté des vieux devient un des sujets majeurs et récurrents de l’immédiat après-guerre. Il faut attendre Guy Mollet en 1956 pour la mise en place du Fonds national de solidarité (FNS) dont le financement est assuré par voie fiscale (la fameuse vignette automobile, une hausse de l’impôt sur le revenu et une hausse des taxes sur les alcools). L’AVTS est augmenté de 10% à la même occasion et ouvert à tout résident de plus de 65 ans dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil de revenu. Il s’agit d’un revenu de complément : les pensions de retraites faibles sont complétées jusqu’à obtention du minimum. Cette réforme est aussi un cas d’école d’économie politique : tout le monde est en apparence en faveur d’une augmentation du minimum vieillesse mais les réticences à en payer le coût sont fortes. Du coup le gouvernement met en place une affectation des ressources fiscales rendant le financement du FNS pour le moins complexe (un peu comme pour le financement de la dépendance avec le jour parfois-chômé-et-parfois-non de la Pencôte). Les syndicats, quant à eux, voient la réforme d’un mauvais œil en ce sens qu’elle met sur un pied d’égalité les salariés et les non-salariés (une grande partie des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des agriculteurs ou femmes d’agriculteurs qui se retrouvent aux âges élevés avec des revenus très faibles).

Le graphique ci-dessous représente le montant mensuel pour une personne seule en euros constants 2007 (c’est-à-dire le pouvoir d’achat du minimum vieillesse – prenant en compte l’inflation – exprimé en euros de 2007). Depuis 1956, le minimum est revalorisé chaque année un peu plus fortement que l’inflation (il augmente en terme réel). Et c’est là que l’histoire est pleine d’ironie. Le minimum augmente plus fortement que l’inflation à chaque élection : juste avant les élections présidentielles de 1974, juste avant les élections législatives de 1978, juste après les élections présidentielles de 1981 et juste après les élections présidentielles de 1988… les élections municipales de 2008 n’ont pas dérogé à la règle !


La grande rupture de tendance date de 1982, après la forte augmentation présidentielle. À partir de cette date, il fut décidé de revaloriser le montant en fonction de l’inflation et non plus au-dessus de celle-ci. En 1993, le gouvernement d’Edouard Balladur remplace le FNS par le FSV (Fonds de solidarité vieillesse). L’idée est de prendre en charge tous les avantages retraite non contributifs (pas uniquement le minimum vieillesse) et de les faire financer entièrement par la solidarité nationale (l’impôt) pour les distinguer de l’assurance vieillesse (financée par les cotisations).

Une des caractéristiques du minimum vieillesse pendant toute cette période est d’être une suite complexe d’allocations différentes. Il fonctionne alors avec deux étages : le premier est un ensemble de 7 allocations auxquelles peuvent prétendre différentes catégories de population, le second est une allocation supplémentaire qui vient en complément des premières ou des pensions de vieillesses.

II/ Minimum vieillesse versus minimum contributif

L’année 2006 a vu une réforme salutaire du minimum vieillesse qui avait été annoncée dans la réforme 2003. Au lieu de l’architecture complexe précédemment évoquée, une seule allocation a vocation à constituer le minimum vieillesse : il s’agit de l’ASPA, l’Allocation de solidarité aux personnes âgées. Elle est versée à tout résident, de plus de 65 ans (60 ans en cas d’inaptitude) dont les revenus sont en-dessous d’un certain seuil (643 euros par mois au 1er janvier 2008 pour une personne seule ou 1126 euros pour un ménage). Le montant de l’allocation maximale (les revenus actuels sont déduits) est de 628 euros mensuel pour une personne seule et 1126 euros pour un couple.

Même avec cette réforme, le minimum vieillesse est loin d’être le seul minimum du dispositif social français en faveur des personnes âgées. Un dispositif moins connu est le minimum contributif. Il consiste à garantir une pension de retraite d’un niveau minimum pour ceux qui ont cotisé l’ensemble de la durée d’assurance (aujourd’hui 40 ans et bientôt 41 ans). Ces minimuma reflètent en fait l’arbitrage de fond entre redistribution et incitations (ou équité/efficacité) : si on offre un revenu inconditionnellement à l’effort (travail ou cotisations passées), le risque est de décourager les individus à travailler. C’est dans cet esprit que le gouvernement Mauroy a mis en place en avril 1983 le minimum contributif. Le montant vise à garantir qu’un salarié ayant passé sa vie au niveau du salaire minimum puisse obtenir une pension supérieure à celle du minimum vieillesse. Dans le même esprit, la loi Fillon de 2003 a mis en place un minimum contributif majoré qui est plus élevé que le minimum contributif simple mais ne bénéficie qu’à ceux qui ont la durée cotisée (et non simplement d’assurance) requise (pour l’objectif de garantir 85% du Smic à un salarié ayant cotisé la durée d’assurance complète).

Le minimum contributif est un outil de redistribution en faveur des salariés à bas salaires. A l’instar de la prime pour l’emploi, il est potentiellement un outil puissant pour redistribuer sans tomber dans le piège de la désincitation au travail et peut s’inscrire ainsi dans les mesures du Workfare. Mais, dans l’état actuel, le minimum contributif présente de nombreux défauts. Ceux-ci ont été mis en évidence par une étude la Drees de François Jeger, Carine Burricand et Ludovic Bourles (la Drees est un des centres d’études et de statistiques du ministère du Travail, de la Santé et du Budget), disponible sur le site du Conseil d’Orientation des retraites. Cette étude, qui mérite d’être lue, indique que le minimum contributif est très peu ciblé sur les pensionnés qui devraient en bénéficier (c’est-à-dire ceux qui ont cotisé toute leur vie avec de faibles salaires). De nombreux bénéficiaires du minimum contributif sont des retraités avec des pensions largement au-dessus du minimum vieillesse. La raison profonde de ce ciblage raté vient de la complexité de notre système de retraite avec ses nombreux régimes et règles. Le minimum contributif est un dispositif propre au régime général et il bénéficie donc à tous ses affiliés, même si ceux-ci bénéficient d’une pension correcte d’un autre régime.Le graphique ci-dessous (issus de l’étude de la Drees) montre la distribution des pensions des bénéficiaires du minimum contributif.


Non seulement les bénéficiaires du minimum contributif sont en grande majorité des « polypensionnés » qui disposent d’une autre pension que celle du régime général, mais en outre ceux-ci peuvent bénéficier d’une pension totale loin d’être négligeable : plus de 10% d’entre eux bénéficient d’une pension de plus de 2000 Euros. Les unipensionnés du régime général (les salariés du secteur privé) bénéficient du minimum contributif si leur pension est inférieure à la pension médiane (environ 1000 Euros), alors que les polypensionnés de la Fonction publique en bénéficient avec des pensions nettement plus élevées (85% ont des pensions supérieures à 1000 Euros). Le ciblage du système est donc extrêmement défaillant.

III/ Que penser des mesures annoncées ?

Que penser alors de l’augmentation de 25% du minimum vieillesse sur 5 ans ?

La première chose à évaluer est le coût de la mesure (la redistribution implique que l’Etat prélève l’équivalent de l’augmentation sur d’autres citoyens). Ce montant a été évalué par la Drees (dans une autre étude de François Jeger, Carine Burricand et Julien Pouget) à 2,45 milliards d’Euros (si elle était appliquée en une fois) soit une augmentation de 360 millions d’Euros par tranche de 5% d’augmentation.

La seconde chose à évaluer est le rattrapage du minimum contributif que cette revalorisation va effectuer. Les économistes de la Drees (qui ont décidément bien travaillé) ont fait quelques simulations pour estimer le nombre de retraités au minimum contributif qui se verraient « rattrapés » par le montant du minimum vieillesse. Je reproduis le tableau ci-dessous :


Avec la hausse de 25% du minimum vieillesse, près de 40% des retraités bénéficiant du minimum contributif se retrouveront avec une pension inférieure à ce montant. Si on ne souhaite pas abandonner l’idée de maintenir une retraite contributive plus élevée que le plancher du minimum vieillesse, il faudra considérer une augmentation du minimum contributif (dont le coût s’ajouterait à l’augmentation du minimum vieillesse). Dans le cas contraire, on renforcerait le filet de sécurité mais au détriment de la valorisation des longues carrières à faible salaire.

Il existe aussi une autre voie, suggérée par les économistes de la Drees, qui est de réformer le minimum contributif pour mieux le cibler sur ceux qui devaient en être les bénéficiaires à l’origine. Le premier obstacle à cet objectif est notre système de retraite parcellé, éclaté en de multiples régimes, aux règles complexes. Les économistes de la Drees proposent de mettre en place, par la voie fiscale, un crédit d’impôt qui permettrait d’atteindre cet objectif. On pourrait penser qu’essayer de simplifier et mieux coordonner notre système de retraite pourrait être une piste alternative, mais cela supposerait des changements d’ampleur.

En tout état de cause, la révision des minima vieillesse ne pourra en rester là et on peut s’étonner de voir le gouvernement feindre de découvrir l’existence d’un dispositif majeur comme le minimum contributif après avoir annoncé la revalorisation du minimum vieillesse. Au final, cette histoire met en lumière les problèmes que la complexité de notre système de retraite génère, y compris comme obstacle à la redistribution.

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jeudi 15 novembre 2007

Taux marginal : fais-moi mal ?


Ecopublix c’est un travail d’équipe ! Du coup, Manix entend apporter sa petite pierre à l’édifice entrepris par les vénérés Antoine et Julien concernant l’incidence fiscale et son impact sur la structure de nos prélèvements. Avec (en deux temps), un petit éclairage sur la structure des prélèvements sur les bénéfices. Mais avant de se lancer dans des considérations compliquées : « back to the basics ». Voici donc avant le post complet sur la structure des prélèvements sur les bénéfices, un petit détour pédagogique par les taux marginaux pour planter le décor. C’est quoi donc un taux marginal ?

Kanelbullix a déjà évoqué la notion de taux moyen et de taux marginal d’un prélèvement, mais je me permets d’y revenir pour clarifier les enjeux pour les non-économistes, avant de présenter dans un second post (imminent) des graphs parlants sur l’évolution de la progressivité des différents systèmes de prélèvements (sur les revenus d’activité, et les revenus du patrimoine).

I/ Assiette, taux moyen et taux marginal

« Au commencement était l’assiette » : à tout prélèvement correspond un élément économique sur lequel il pèse (revenu, salaire, propriété, consommation, etc.) et qu’on appelle l’assiette de l’impôt en question. Ensuite le taux moyen : concrètement, si vous payez un prélèvement P sur une assiette R, alors le taux moyen c’est P/R, soit ce que représente ce prélèvement en pourcentage de l’assiette. C’est un indicateur important, mais le plus souvent, ce n’est pas l’élément déterminant pour les économistes qui s’intéressent aux comportements économiques des agents. En effet, les économistes sont souvent intéressés par le taux marginal dont on peut résumer le principe de la manière suivante : Imaginons que mon assiette R augmente d’1 euro, combien de prélèvements vais-je payer sur cet euro supplémentaire ? C’est ça le taux marginal : le taux de prélèvement applicable au dernier euro gagné, au dernier euro de l’assiette. Mathématiquement, c’est ∆P/∆R, soit, quand mon assiette augmente de ∆R, combien de prélèvement en plus (∆P) je vais payer en pourcentage de ce ∆R. Habituellement, on considère donc un petit ∆R (1 euro supplémentaire). Les cracks des maths auront compris que si R et P sont continus, alors le taux marginal peut se définir comme la dérivée de la fonction qui lie le prélèvement P au niveau de l’assiette R.

II/ Taux marginal et progressivité de l'impôt

Après, il n’est pas inutile de comprendre ce qui lie le taux marginal à la notion de progressivité (ou de régressivité). On dit qu’un système de prélèvement est progressif si le taux marginal de prélèvement croit avec la taille de l’assiette, et que le système est proportionnel (flat tax) si le taux marginal est constant. Enfin, le prélèvement est régressif si le taux marginal décroît avec R.

L’intuition est simple : si le taux marginal est constant, cela veut dire que tout euro supplémentaire gagné est imposé au même taux. Donc quelle que soit la taille de mon assiette, le prélèvement que je supporte est une proportion fixe de mon assiette : c’est la flat tax, l’impôt proportionnel type CSG. Si mon taux marginal augmente avec mon assiette, alors, chaque euro supplémentaire supporte un prélèvement relativement plus important. Conséquence : mon prélèvement va tendre à être une proportion de plus en plus grande de mon assiette à mesure que cette assiette croît : du coup mon taux moyen est une fonction croissante de la taille de mon assiette. C’est le principe d’un système progressif, « plus mon revenu est fort, plus je dois contribuer proportionnellement à mon revenu ». L’impôt sur le revenu fonctionne exactement sur ce modèle, avec (en barème 2007), 5 taux marginaux croissants avec le niveau du revenu imposable (annuel) : 0% de 0 à 5514 euros, 5,5% de 5515 à 10846 euros, 14% de 10847 à 24431 euros, 30% de 24432 à 65559 euros et 40% au delà de 65560 euros. Un salarié célibataire déclarant 30000 euros de revenu annuel imposable (soit 2500 euros de revenu mensuel) paiera donc 0*5614 + 0.055*(10846 -5615) + 0.14*(24431-10847) + 0.30*(30000-24432) = 3860 euros d'impôt sur le revenu, soit un taux moyen d'imposition de 12,9%.

Le graphique suivant permet de visualiser l'évolution du taux marginal et du taux moyen de l'impôt sur le revenu de 2007 en fonction du revenu mensuel de 2006 :


Avec tout cela, je crois qu’il n’est plus besoin de revenir sur ce qu’a fort bien dit Emmanuel, car tout le monde l’a compris maintenant : le taux marginal de l’impôt sur le revenu n’est pas le taux moyen supporté par les ménages, OK ? C’est simplement le taux auquel sont imposés les « derniers euros » gagnés. Comme les euros gagnés « avant » sont imposés dans les tranches précédentes, à un taux marginal inférieur, le taux moyen supporté par le ménage est toujours plus faible que le taux marginal de la tranche dans lequel son revenu imposable se situe.

Une petite précision au passage : lorsqu’on s’intéresse à la structure des prélèvements, ou lorsqu’on additionne les divers prélèvements pesant sur une même assiette (ce qu’a fait Petitsuix dans son post sur l’IR et les cotisations sociales pesant sur le salaire), lorsqu’ enfin on tient bien compte de toutes les règles déterminant ces prélèvements avec leur cortège de dispositifs dérogatoires ou spéciaux (décôte, PPE, etc.), il se peut que les taux marginaux ne soient pas toujours croissants, ou toujours constants, ou toujours décroissants, mais au contraire que localement (à certains niveaux), ils soient décroissants, puis croissants, ou ensuite constants, etc. C’est important, parce c’est cette structure fondamentalement non monotone des taux marginaux d'imposition qui crée des effets de seuils sur les comportements.

III/ Pourquoi s'intéresser aux taux marginaux ?

Si les taux marginaux ont acquis une telle importance dans l'analyse économique, c'est qu'ils constituent l’élément pertinent pour comprendre les comportements, dès lors qu’on fait l’hypothèse que les agents sont rationnels et qu’ils optimisent leur situation compte tenu de leur environnement (c’est le fondement de la révolution marginaliste). Ce qui compte c’est en effet de comparer l’utilité que me procure un euro gagné de plus à ce qu’il me coûte en termes d’effort et de prélèvement (et ce prélèvement, c’est par définition le taux marginal). Tant que gagner un euro de plus me procure plus d’utilité que ce que ça me coûte (en termes d’effort et de prélèvement), je continue à travailler pour gagner cet euro. Je ne m’arrête que lorsque gagner un euro supplémentaire me rapporte exactement ce qu’il me coûte. Mon choix d’offre de travail est donc déterminé par cette condition d’égalité, où intervient directement le taux marginal. D’où l’importance de raisonner « à la marge » pour comprendre les choix des individus.

Le taux marginal de prélèvement est donc une variable cruciale pour comprendre l’offre de travail des ménages. Clairement, plus le taux marginal de prélèvement augmente, plus mon incitation à travailler diminue, car un euro supplémentaire gagné sera davantage taxé. Dans les faits, la mesure de ce paramètre-clé qu’est l’élasticité de l’offre de travail au taux marginal d’imposition (c’est-à-dire la mesure de la désincitation à travailler quand le taux marginal d’imposition augmente) est assez controversée, mais un consensus émerge toutefois : cette élasticité n’est pas forcément très importante, mais aussi faible soit-elle, elle ne peut être tenue pour nulle.

Si le taux marginal pesant sur un euro de revenu d’activité est important du point de vue de la compréhension du comportement économique d’offre de travail des ménages, le taux marginal pesant sur les bénéfices ou sur les autres revenus du patrimoine est aussi de la première importance : en effet, si gagner un euro de plus sous forme de bénéfice est moins taxé que de gagner un euro de plus sous forme de revenu d’activité, ceci peut jouer fortement sur la façon dont les entrepreneurs décident de qualifier leur revenu auprès du fisc. Ceci peut également jouer au niveau des très grands patrons, qu’on préfère payer sous forme d’éléments patrimoniaux (actions gratuites, stock-options, etc.) plutôt que sous forme de salaires (indépendamment de l’intérêt pour les actionnaires d’intéresser les CEO aux résultats de l’entreprise dans le cadre classique d’une relation principal-agent). Ceci joue enfin sur le choix des hauts revenus de « fuir » le fisc, ou de s’exiler, selon qu’ils sont plus composés de revenus du patrimoine, ou de revenus d’activité.

On voit donc l’intérêt de pouvoir proposer une comparaison des taux marginaux d’imposition supportés par chacun des types de revenus, et en particulier les revenus du patrimoine par opposition aux revenus du travail : je m'intéresserai à cette comparaison dans mon prochain (et imminent) post, en tâchant de montrer l’impact de la réforme du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2008.

Pour finir, rendons hommage à un homme de bien. L’idée de progressivité de l’impôt, même si on en trouve l’origine très tôt, doit énormément à Condorcet, ce petit génie, qui en donne le premier une vision structurée. Ce qu’il y a de sublime dans ce texte, écrit en pleine Convention, c’est que Condorcet évoque déjà l’essence du raisonnement marginaliste, et surtout, qu’il fonde la progressivité de l’impôt non pas sur un bête et méchant principe de justice a priori (« les riches doivent payer plus »), mais sur un principe de justice qui tient compte des différences d’utilités marginales des agents : le taux marginal d’imposition doit tenir compte de l’utilité marginale des individus. Si je ne retire pas la même utilité de la construction d’une route, le taux du prélèvement servant à financer cette route doit tenir compte de ces différences pour être vraiment juste. L’interaction entre les considérations de justice et celles d’efficacité est cruciale dans le domaine fiscal et le taux marginal est au coeur de cette interaction.

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mardi 6 mars 2007

Qui sommes nous ?


Nous sommes une bande de jeunes chercheurs en économie publique (avec des domaines de recherche variés), pas forcément d'accord sur tout, mais décidés à garder leur bonne humeur. Voici quelques-uns d'entre nous :

ANTOINE : Après avoir consacré trois ans à une these sur les retraites, Antoine travaille aujourd'hui outre-manche à l’évaluation des politiques publiques en particulier sur des questions d’emploi, de fiscalité et de retraite. Il enseigne en outre l’économie de la fiscalité dans une université britannique. [posts]

CAMILLE : Camille a fait son doctorat à Paris, et profite désormais du soleil californien pour enrichir sa connaissance de l'économie publique à Berkeley et pour fréquenter les spots de surf de Santa Cruz... C'est ça aussi Ecopublix, les économistes en maillot! [posts]

CLÉMENT : ayant quitté Massalia pour vendre de la cervoise à Lutèce, il finit par y étudier les incidences fiscales. Il n'en a pas moins gardé des liens avec ses premières amours puisqu'il habite près du dernier vignoble lutécien et travaille à côté des anciens entrepôts vinicoles, placés à cet endroit pour se soustraire à l'octroi : incidence fiscale ? [posts]

EMMANUEL : Après avoir obtenu sa thèse au Royaume-Uni, Emmanuel s'est installé en Suède où il travaille essentiellement sur l'aide au développement. [posts]


FABIEN : Lutécien d'origine, il continue à consacrer ses fins de semaine à une thèse sur les inégalités de revenus et de patrimoine. Pour l'heure, il travaille chez les Goths et tente d'en tirer des leçons pour la Gaule. [posts]


GABRIELLE : elle a fait ses premières régressions dans le même bureau qu'un grand nombre des
membres d'Ecopublix. Depuis elle a migré comme beaucoup d’entre eux, mais plus au sud. [posts]

GUILHEM: en thèse d'économie du développement à Paris, il s'intéresse à la construction des identités ethniques. Plus particulièrement, il travaille sur le système de caste Indien et l'influence de la présence coloniale sur ce dernier.[posts]

JULIEN : il s'est spécialisé dans l'analyse des réformes éducatives qui ne marchent pas. Sévèrement critiqué dans son pays pour son excès de zèle, il a dû s'exiler chez les Bretons où il noie le mal du pays dans la bière et le jelly. [posts]

LAURENT: Ex-apprenti vendeur de menhirs, il a vite troqué son costume de pingouin pour la tenue plus décontractée de thésard. Mais il s'intéresse encore aux délices du managementum à la gauloise, et en particulier à son financement. [posts]

MATHIEU : Initié à l'économie du côté de Strasbourg, Mathieu a vite quitté le pays du Gewürztramine pour rejoindre les économistes de la capitale. Ses travaux actuels ont pout but de comprendre pourquoi certains écoliers français éprouvent des difficultés à assimiler les pourtant très digestes programmes du Mammouth. [posts]

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