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jeudi 23 octobre 2008

La crise financière, version suédoise


La crise financière a forcé les Etats à intervenir pour éviter une débâcle générale du système bancaire. Les Etats-Unis ont ouvert la marche avec le plan Paulson, puis le Royaume-Uni a suivi, entraînant l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Les Etats-Unis, constatant que leurs annonces n’avaient pas stoppé la crise et inspirés par le plan de sauvetage britannique, ont dû revoir leur approche. Les gouvernements ont ainsi hésité sur la marche à suivre face à cette situation exceptionnelle, créant de l’incertitude sur les marchés qui n’en avaient pourtant pas besoin. Cependant, quelques années plus tôt, un petit pays d’Europe du Nord subissait une véritable tempête financière et adoptait un train de mesures qui se révélèrent bénéfiques. Le plan de sauvetage britannique, qui a inspiré ceux des américains et des européens, est en fait directement inspiré de celui alors mis en place par la Suède. Le modèle suédois aurait-il encore frappé, résolvant en toute discrétion et seize ans avant tout le monde ce qui aujourd’hui menace de nombreuses économies ?

I/ La crise financière suédoise de 1992

La Suède est une petite économie ouverte qui dépend énormément de ses exportations. La banque centrale, avant la crise, observait donc une politique de taux de change fixe afin d'éviter que les variations de taux de change n'affectent le prix des exportations à l’international. Quand les exportations représentent un revenu important pour le pays, on comprend les motivations de ce choix (voir les plaintes répétées d’Airbus à ce sujet lors de la chute du dollar ; si la BCE alignait l’euro sur le dollar ces plaintes n’existeraient plus). Par ailleurs, l'objectif principal du gouvernement était de maintenir un faible taux de chômage. Lorsque, dans les années soixante, la productivité des principales industries suédoises a ralenti, le gouvernement a agi afin de respecter cet engagement. Pour cela, il a augmenté ses dépenses, payant pour la reconversion des chômeurs et augmentant considérablement l’emploi dans le secteur public. Cette coûteuse politique a creusé le déficit, forçant le gouvernement à emprunter de l’argent sur les marchés internationaux et à augmenter l’impôt sur le revenu. Le très faible taux de chômage a aussi nourri une inflation des salaires, les puissants syndicats pouvant ainsi plus facilement négocier des augmentations.

La situation était donc la suivante : il était nécessaire de maintenir le prix des exportations fixes tandis que les salaires s’envolaient. La solution passait nécessairement par une dévaluation de la monnaie, qui fut utilisée de nombreuses fois. Malheureusement les syndicats anticipaient ces dévaluations qui réduisaient le pouvoir d’achat des suédois et demandaient des salaires encore plus élevés, préparant ainsi la prochaine dévaluation. Dans les années 1980, le gouvernement décida de casser la spirale inflationniste et de favoriser la croissance en adoptant une série de réformes.

Une de ces réformes consista à déréguler les marchés financiers en renonçant au contrôle des taux d’intérêts et de la quantité de crédits sur le marché. Le marché fut donc complètement libéralisé en 1985. Evidemment les entreprises qui auparavant n’avaient pas accès au crédit se dépêchèrent d’emprunter, créant un boom sur le marché du crédit (cela vous rappelle-t-il quelque chose ?). Les banques suivirent, empruntant à l’étranger pour ensuite prêter aux ménages et aux entreprises. Ceci était d’autant plus rentable que les taux suédois étaient beaucoup plus élevés que les taux étrangers. Ceci poussait, outre les banques, les entreprises suédoises à aussi emprunter à l’étranger, devenant ainsi de plus en plus exposées au risque de change. Les consommateurs, de leur côté, profitaient à plein de leurs nouvelles capacités d’emprunt. Les prix du logement augmentèrent fortement, doublant en 10 ans. Rétrospectivement, il est probable que les banques, plongées dans cet environnement nouveau pour elles, n’ont pas saisi les risques qu’elles prenaient (1).

Tous les ingrédients pour une crise étaient donc en place : des banques empruntant massivement en monnaie étrangère, prêtant tout aussi massivement en couronnes, alimentant une bulle immobilière, avec un taux de change fixe intenable face à la pression de l’inflation. A première vue, l’économie suédoise se portait bien : en 1989 le taux de chômage était de 1,4%, en août 1989 la bourse atteignit un pic, 42% au-dessus de son niveau de début d’année. Il suffisait cependant d’un choc externe pour déclencher la crise. Ce choc se produisit lors de la réunification de l’Allemagne : les taux d’intérêt allemands augmentèrent, forçant la Suède à faire de même pour matinenir son taux de change fixe (2).

Emprunter devint donc plus cher, ce qui mit un terme à la bulle immobilière. En cinq ans, de 1990 à 1995, les prix chutèrent de 25%, et de 42% pour l’immobilier d’entreprise. Les banques, habituées à des taux de défaut sur leurs prêts de 0,2 à 0,5%, les virent grimper à 5% en 1992. Le célèbre spéculateur George Soros s’attaqua alors aux taux de change fixes en vigueur en Europe et força la banque centrale suédoise à laisser flotter sa monnaie. La couronne, surévaluée, chuta brutalement. En 1993, le taux de défaut des prêts atteignit 11%, frappant de plein fouet les banques, surtout celles qui avaient emprunté à l’étranger. Les banques firent progressivement faillite, prises entre des individus incapables de payer leurs dettes, et leurs propres dettes en monnaie étrangère dont la valeur avait fortement augmenté. L’Etat injecta d’abord du capital ou accorda des garanties pour que les banques puissent emprunter. Malgré ces précautions, une banque appelée Gota Bank fit faillite en 1992. L’Etat garantit immédiatement tous ses dépôts puis étendit cette garantie à toutes les banques quelques semaines plus tard. Il procéda également à des nationalisations pour sauver les banques, qui le conduisirent à posséder près de 22% des actifs bancaires du pays. Le système bancaire était sauvé et, à l’instar d’un plan Paulson, l’Etat créa une banque qui absorba tous les « mauvais actifs » des banques qui avaient fait faillite. Le gouvernement, en entrant massivement au capital de certaines banques, suivit une politique visant à sauver les banques plutôt que leurs propriétaires. Chaque öre (centime pour les non-scandinaves) de capital apporté par l’Etat impliquait de laisser ce dernier devenir actionnaire. Seules les banques ayant vraiment besoin de cet argent se présentèrent donc, les autres préférant ne pas perdre le contrôle de leurs établissements. Le gouvernement fit aussi appel à des consultants suédois et étrangers spécialisés dans les crises bancaires, pour ne pas perdre de temps et fit payer la coûteuse facture aux banques qui demandaient de l’aide. L’Etat évita donc de subventionner des banques qui n’en avaient pas besoin. La plus grande banque du pays, SEB, décida ainsi de se passer de l’aide de l’Etat, ses actionnaires préférant puiser dans leurs poches.

Les « mauvais actifs » (parc immobilier, entreprises en faillite) placés dans une « mauvaise » banque, appelée Securum et détenue à 100% par l’Etat mais gérée intelligemment et indépendamment du pouvoir politique, furent revendues progressivement. Les ventes et restructurations d’entreprises furent terminées en 1997, amenant de l’argent dans les caisses de l’Etat, et Securum fut liquidée. La crise financière suédoise prit fin. L’Etat dépensa beaucoup, mais obtint des parts dans des banques et donc des dividendes qui lui rapportent toujours de l’argent, ainsi que le produit des ventes d’actifs. Au final, il a été estimé que le coût total pour le pays fut de 2,1% de PNB, une quantité jugée raisonnable pour éviter une faillite généralisée des banques. Ce coût est purement comptable. Pour être juste, il faudrait y ajouter trois années de récession, un taux chômage qui explose en un an et d’importantes difficultés de crédit pour les entreprises. D’un autre côté l’économie se remit assez vite et connut même une belle embellie, portée par des conditions mondiales favorables. Le graph ci-dessous montre l'évolution du taux de chômage en Suède, on voit bien le choc dû à la crise, puis le redémarrage de l'économie.


II/ Leçons

Comme pour la crise actuelle, le mot clé semble être dérégulation. Si l’Etat suédois n’avait pas libéralisé les marchés financiers, rien de tout ceci ne serait arrivé. Mais en est-on si sûr ? Peter Englund, un économiste suédois qui a étudié de près la crise et faisait partie du comité gouvernemental sur la crise, trouve cette idée beaucoup trop simpliste. D’après lui la responsabilité revient à un effet combiné de politiques économiques (dépenses effrénées, taux de change fixe, inflation débridée, et dérégulation) et non pas à un seul de ces facteurs. Quelles qu’en soient les causes, les deux crises ont reposé sur des bulles immobilières et ont eu des effets similaires, avec des banques en faillite nécessitant l’intervention de l’Etat. La solution adoptée par le gouvernement suédois à l’époque a cependant été différente de celle choisie par le Trésor américain qui avait d’abord choisi de ne pas rentrer au capital des banques, mais simplement de reprendre leurs actifs « toxiques ». Ce plan initial avait d’ailleurs été critiqué par de nombreux économistes, en grande partie pour ne pas exiger en retour du rachat des actifs toxiques dont personne ne veut des actions de la banque. Le Royaume-Uni a été le premier à choisir de recapitaliser les banques directement, une utilisation de l’argent du contribuable jugée plus judicieuse par beaucoup, mais aussi plus adaptée à la crise. Les Etats-Unis ont finalement suivi l’exemple anglais. La Suède avait aussi opté pour ce double mécanisme qui consista à prendre à son compte les actifs qui plombaient les banques et à entrer dans leur actionnariat, leur fournissant ainsi du capital. La réussite de l’opération de sauvetage suédoise a aussi reposé sur plusieurs critères : l’Etat a tout d’abord très vite imposé aux banques d’estimer de manière réaliste leurs pertes en renforçant les règles pour l’évaluation des actifs. De cette manièren, il a apporté de la transparence et de la confiance, le marché étant capable de prendre la mesure de la crise. Il a aussi, au travers de Securum, agi rapidement pour restaurer l’économie, liquidant les entreprises non viables, apportant des liquidités à celles qui pouvaient être sauvées et acquérant des parts de leur capital.

Le parallèle entre la crise suédoise et celle d’aujourd’hui a été fait à plusieurs reprises dans les médias et sur des blogs. Elles semblent en effet appeler les mêmes remèdes, même si leurs causes ne sont pas exactement identiques, au-delà de la frénésie des banques à prêter trop d’argent à des individus pas toujours solvables (les Etats-Unis n’ont souffert ni d’un taux de change fixe, ni d’inflation, ni de spéculation sur leur monnaie). La bonne gestion de la crise a reposé sur quelques idées simples. Tout d’abord, la transparence quant aux pertes bancaires. Il semble malheureusement que ce point pose justement problème actuellement. Les actifs « toxiques » suédois étaient principalement constitués d’immobilier et d’entreprises qui pouvaient être évalués, tandis que les banques américaines se retrouvent avec des produits financiers complexes dont la valeur est inconnue. Personne ne sait exactement quelles pertes les banques vont afficher tant elles sont emmêlées dans ces montages. Dans ces conditions, le marché a du mal à se faire une opinion quant à l’ampleur réelle de la crise. Deuxièmement, le gouvernement a agi vite et dans un climat de consensus avec l’opposition. Il a rapidement fourni les liquidités nécessaires et personne n’a douté qu’il apporterait son soutien à toute banque jugée en difficulté. Les Etats-Unis comme l’Europe ont tergiversé avant d’agir. Le Trésor américain a laissé plongé Lehman Brothers, puis les républicains ont fait capoter le premier plan Paulson, les allemands n’ont pas voulu d’une approche européenne coordonnée, puis les anglais ont agi seuls, donnant finalement des idées à leurs camarades européens. Troisièmement, le gouvernement suédois a compris que pour rendre le plan de sauvetage politiquement viable, il devait montrer aux contribuables que les propriétaires des banques n’étaient pas favorisés à leurs dépens. Là encore, le plan Paulson a fait les frais de ce genre de craintes. Finalement, la gestion des « mauvais » actifs a été confiée à des spécialistes qui purent travailler de manière indépendante, éloignés des pressions politiques. Cette gestion est généralement considérée comme un succès et a permis à l’économie de repartir sans être trop plombée pendant de trop longues années. Il reste à voir comment les Etats-Unis se débarrasseront de leurs actifs « toxiques ».

La crise suédoise apporte aussi une touche d’optimisme à l’atmosphère de fin du monde qui se répand parfois dans les médias. Il est possible de gérer une crise efficacement et à un coût raisonnable. Après la crise l’économie suédoise, jusqu’à aujourd’hui, est en bonne santé. Les prévisions qui avaient été faites durant la crise se sont révélées trop pessimistes, le marché de l’immobilier et le crédit se refaisant assez rapidement une santé. Les gouvernements ont aussi compris que leurs politiques économiques passées avaient engendré la crise et les citoyens, échaudés par la chute brutale du début des années 1990, ont accepté sans trop broncher les réformes nécessaires. Il est difficile de savoir où la comparaison s’arrête. Après tout, la crise bancaire ne concerna que les pays scandinaves, et jamais ne menaça le reste du monde. L’économie suédoise profita ensuite des bonnes conditions mondiales de la fin des années 1990. La configuration actuelle est différente, avec une crise généralisée touchant les plus importantes économies de la planète et qui menace de s’étendre aux pays émergents. Espérons que l’expérience suédoise n’aura pas été qu’une exception.

Notes :

(1) Comme me l’a fait remarquer Laurent, cette situation peut rappeler celle de l’Islande aujourd’hui dont les banques proposaient des taux plus élevées que le reste du marché, attirant des capitaux, mais n’étaient pas très regardantes sur la qualité de leurs investissements. A la différence de la Suède, l’Islande n’a cependant pas pu trouver de l’argent pour sauver ses banques. La Suède avait donc gardé une certaine crédibilité sur les marchés pour pouvoir emprunter et fournir des liquidités à ses banques. L’Islande, à court d’argent sur les marchés, a été obligée d’en appeler à ses partenaires occidentaux qui ont fait la sourde oreille, avant de se tourner vers la Russie.

(2) Le mécanisme est assez simple : si la Suède propose des taux plus faibles que les autres, les investisseurs vont s’en détourner et échanger leurs couronnes suédoises pour la monnaie d’autres pays. Il va y avoir afflux de couronnes sur le marché, ce qui va faire baisser leur valeur. Si le régime de taux de change n’est pas fixe, l’histoire s’arrête là car l’ajustement s’est fait par le taux de change. Avec un taux fixe, la banque centrale est obligée d’augmenter les taux d'intérêts pour éviter que les investisseurs ne se détournent du pays.

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jeudi 25 septembre 2008

Ecopublix, Episode II


Ecopublix se réveille après un long sommeil dans un nouvel espace-temps. La Guerre des Gaules est loin dernière nous et s’est terminée par la mort de quelques antiques irréductibles. Le gouvernement des Etats-Unis a entre-temps décidé de se lancer dans un vaste programme de nationalisations. Les Econoclastes ont publié un livre à succès (oups! on veut dire celui-ci) pour éduquer les masses. Nous en avons perdu notre latin…

Heureusement, une nouvelle génération d’économistes-blogueurs s’est décidée à reprendre le flambeau. Julien (lointain descendant d’Overzelus) s'apprête à devenir centurion docteur et a rejoindre Antoine (issu d’une lignée de Petitsuix) de l’autre côté du tunnel. Gabrielle (qui prétend être parente avec Noblabla) est partie étudier le logement à Barcelone sous prétexte que l’architecture y est intéressante et le climat bénéfique pour ses recherches. Camille (qui n’a aucun rapport avec Manix) s’envole pour Berkeley où il espère faire la révolution fiscale après la révolution des mœurs. Laurent (qui a hérité un marteau et une enclume de Capitalrix) étudie le capital à Paris, tandis que Clément (vaguement lié à Dyslexix) poursuit ses expériences naturelles pour estimer l’élasticité-prix de boissons diverses dans son laboratoire de Montmartre. Emmanuel (qui s’arroge des origines Viking par Kanelbullix) continue de gratter la glace du coté de Stockholm et d'observer le modèle suédois à la loupe. Enfin, pour compléter la description des forces en présence, Ecopublix se renforce sur le front des pays en voie de développement, en accueillant Guilhem. Pour cette nouvelle saison, il y aura encore du chiffre, du graphique et de l’analyse fouillée, mais on vous promet aussi du sexe, de la drogue et du rock-and-roll…

Credit image: NASA/ESA, The Hubble Key Project Team, and The High-Z Supernova Search Team.

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mercredi 16 avril 2008

Le « problème » des retraites (6/40) : d'autres références


Toujours sur la proposition d’une réforme des retraites allant dans le sens des comptes notionnels, je vous renvoie vers d’autres lectures (pour preuve que nous ne prétendons pas à l’originalité) : Laurent Vernière de la Caisse des Dépôts et consignations avait écrit il y a quelques années plusieurs documents sur la possibilité de réformer le système de retraite français sur le modèle de la réforme suédoise. Je vous conseille donc cet article, celui-ci, celui-là ou encore celui-ci.

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vendredi 13 avril 2007

La propriété, c'est le vote ?


Pour répondre au problème du logement, qui s’est invité cette année de façon particulièrement insistante dans la campagne, les candidats proposent un grand choix de potions. Si certaines formules sont intéressantes, d’autres, comme la déductibilité fiscale des intérêts d’emprunts pour les ménages accédant à la propriété, une des priorités de Nicolas Sarkozy, mais aussi une des propositions de l’UDF, ne constituent certainement pas la recette de la potion magique en matière de logement, bien au contraire.

L’objectif affiché d’une telle mesure est de baisser le coût d’achat d’un logement pour inciter les ménages à accéder à la propriété, comme l’indique clairement le discours du 14 janvier de Nicolas Sarkozy qui propose « que l’on fasse de la France un pays de propriétaires, parce que lorsqu’on a accédé à la propriété on respecte son immeuble, son quartier, son environnement… et donc les autres ». Or, si l’objectif de faire de la Gaule un village de propriétaires est déjà discutable d’un point de vue économique, il a de toutes façons peu de chances d’être atteint avec l’instauration de la déductibilité fiscale des intérêts d’emprunts.

En effet, la mesure risque d’abord d’avoir un impact inflationniste sur les prix immobiliers (comme cela l’a déjà été expliqué ici par Etienne Wasmer). Si la déductibilité des intérêts d’emprunt fait dans un premier temps baisser le coût d’acquisition d’un logement, les ménages devraient logiquement être plus nombreux à vouloir acheter, ou chercher des logements plus grands. Mais si l’offre de logement n’augmente pas beaucoup suite à cette demande supplémentaire, alors la mesure aura surtout pour conséquence une hausse des prix immobiliers, selon le mécanisme expliqué sur le graphique suivant :


Déjà, en 1984, James Poterba soulevait ce problème pour les Etats-Unis, où la déductibilité des intérêts d’emprunt existe depuis longtemps. D’après ses calculs, l’effet inflationniste de ces déductions a pu représenter jusqu’à 30% de la hausse des prix immobiliers aux Etats-Unis dans les années 70 (1). Or, comme on peut supposer que l’offre de logement n’est pas moins réactive aux Etats-Unis qu’en France, la mise en place d’une telle disposition aura très probablement un fort effet inflationniste sur les prix immobiliers gaulois, qui réduira d’autant le montant réel de la subvention pour les accédants (tout en enrichissant les vendeurs…).
Et quand bien même cette mesure permettait effectivement de réduire un peu le coût d’achat d’un logement, il est néanmoins peu probable qu’elle entraîne une forte augmentation de l’accession à la propriété au sein des ménages modestes. En effet, il existe déjà pour ces catégories de ménages des prêts aidés (comme le prêt à l'accession sociale et le prêt à taux zéro), visant à favoriser l’accession à la propriété. De plus, ces prêts sont en partie garantis par l’Etat, pour inciter les banques à accorder des crédits immobiliers sur la base de critères moins restrictifs, et relâcher ainsi les contraintes d’emprunt qui pèsent sur les ménages modestes. Or, l’impact de ces aides sur la décision d’accéder à la propriété semble relativement faible. Une étude de Laurent Gobillon et David Le Blanc sur des données de la fin des années 1990 évalue que, même en négligeant l’effet inflationniste de la mesure, 85% des ménages bénéficiaires d’un prêt à taux zéro seraient tout de même devenus propriétaires sans cette subvention. Ils attribuent ce résultat à l’absence de ciblage précis de ce type de prêts vers les ménages les plus modestes, car 94% des locataires étaient alors éligibles pour un prêt à taux zéro. Dès lors, si l’objectif poursuivi était vraiment de permettre aux ménages modestes d’accéder à la propriété, il faudrait redéfinir des critères d’éligibilité qui ciblent vraiment les foyers à bas revenus, en élargissant le montant des prêts.

Or, ce n’est clairement pas le cas de la proposition de déductibilité fiscale des intérêts d’emprunt. Au pire, en l’absence de plafond, l’effet principal de la mesure sera de remplir de sesterces les poches des ménages aisés, qui auraient de toute façon accédé à la propriété en l'absence de cette mesure. En effet, les ménages les plus riches sont aussi ceux qui accèdent le plus à la propriété et empruntent le plus. Ainsi, d’après une étude sur l’endettement des ménages parue récemment dans Insee Première, 62,5% des ménages ayant un revenu annuel de plus de 50 000 euros avaient un prêt immobilier en 2004, pour un endettement (total) médian de 62 700 euros, alors que c’était le cas de seulement 21,4% des ménages ayant un revenu annuel compris entre 15 000 et 25 000 euros pour un endettement médian de 29 500 euros. De plus, comme les ménages locataires sont aussi les moins aisés, l’effet principal de la mesure serait une redistribution « à l’envers » en direction des ménages les plus aisés.

La déductibilité fiscale des intérêts d’emprunts sera aussi une mesure très coûteuse pour les finances publiques, puisque les ménages s’endetteront probablement plus pour financer l’achat d’un logement plus cher. Les charges d’intérêts payés par les propriétaires s’élevaient déjà à près de 17 milliards d’euros en 2004 d’après les Comptes du Logement, à comparer avec les 14 milliards d’euros distribués en aides personnelles au logement. Même s’il est question d’introduire un plafond de ressources pour limiter les effets d’aubaine, le coût de la subvention risque d’être fortement alourdi par les effets inflationnistes de l’aide, sans permettre aux ménages qui n’ont actuellement pas les moyens d’accéder à la propriété de le faire.

Enfin, on peut s’interroger sur l’idéal d’un village gaulois de propriétaires. Favoriser la propriété peut se justifier si les externalités liées à la propriété sont fortes, c’est-à-dire si la société entière bénéficie d’une augmentation du nombre de propriétaires. Or là encore, les arguments sont loin d’être convaincants. Certes, les propriétaires ont intérêt à entretenir la valeur de leur hutte, et des études sur données américaines et allemandes ont montré que les propriétaires s’occupent plus de leur maison, font du jardinage … ce qui peut bénéficier aux autres habitants du quartier (bien qu’il ne faille pas négliger les effets de la jalousie entre voisins !). Les propriétaires semblent aussi, toutes choses égales par ailleurs, avoir une vie sociale plus active, s’investir plus dans les associations de quartier et voter plus. D’un autre côté, la propriété peut entraîner des externalités négatives pour la société, car les propriétaires risquent de s’opposer à toute initiative publique (comme la construction d’Habitations Latines Mélangées par exemple) qui risque de diminuer la valeur de leur bien. L’existence d’un lien entre propriété et chômage a aussi été évoquée (et déjà développée ici), car les coûts de mobilité élevés des propriétaires peuvent avoir des effets négatifs sur l’emploi. Veut-on vraiment favoriser l'accession à la propriété des ménages modestes dans les zones industrielles sinistrées, au risque de les pénaliser fortement en cas de chômage, car un déménagement dans une autre région serait très couteux ? Finalement, rien ne permet de dire que les effets positifs de la propriété l’emportent sur les effets négatifs pour la société. Pour les candidats, c’est peut-être différent : en effet, les études ont montré qu’aux Etats-Unis, non seulement les propriétaires votent plus, mais qu’ils votent aussi plus républicain… La propriété, c’est le vote ?

(1) James Poterba « Tax Subsidy to Owner-Occupied Housing: An Asset Market Approach », Quaterly Journal of Economics, 1984.

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mardi 6 mars 2007

Qui sommes nous ?


Nous sommes une bande de jeunes chercheurs en économie publique (avec des domaines de recherche variés), pas forcément d'accord sur tout, mais décidés à garder leur bonne humeur. Voici quelques-uns d'entre nous :

ANTOINE : Après avoir consacré trois ans à une these sur les retraites, Antoine travaille aujourd'hui outre-manche à l’évaluation des politiques publiques en particulier sur des questions d’emploi, de fiscalité et de retraite. Il enseigne en outre l’économie de la fiscalité dans une université britannique. [posts]

CAMILLE : Camille a fait son doctorat à Paris, et profite désormais du soleil californien pour enrichir sa connaissance de l'économie publique à Berkeley et pour fréquenter les spots de surf de Santa Cruz... C'est ça aussi Ecopublix, les économistes en maillot! [posts]

CLÉMENT : ayant quitté Massalia pour vendre de la cervoise à Lutèce, il finit par y étudier les incidences fiscales. Il n'en a pas moins gardé des liens avec ses premières amours puisqu'il habite près du dernier vignoble lutécien et travaille à côté des anciens entrepôts vinicoles, placés à cet endroit pour se soustraire à l'octroi : incidence fiscale ? [posts]

EMMANUEL : Après avoir obtenu sa thèse au Royaume-Uni, Emmanuel s'est installé en Suède où il travaille essentiellement sur l'aide au développement. [posts]


FABIEN : Lutécien d'origine, il continue à consacrer ses fins de semaine à une thèse sur les inégalités de revenus et de patrimoine. Pour l'heure, il travaille chez les Goths et tente d'en tirer des leçons pour la Gaule. [posts]


GABRIELLE : elle a fait ses premières régressions dans le même bureau qu'un grand nombre des
membres d'Ecopublix. Depuis elle a migré comme beaucoup d’entre eux, mais plus au sud. [posts]

GUILHEM: en thèse d'économie du développement à Paris, il s'intéresse à la construction des identités ethniques. Plus particulièrement, il travaille sur le système de caste Indien et l'influence de la présence coloniale sur ce dernier.[posts]

JULIEN : il s'est spécialisé dans l'analyse des réformes éducatives qui ne marchent pas. Sévèrement critiqué dans son pays pour son excès de zèle, il a dû s'exiler chez les Bretons où il noie le mal du pays dans la bière et le jelly. [posts]

LAURENT: Ex-apprenti vendeur de menhirs, il a vite troqué son costume de pingouin pour la tenue plus décontractée de thésard. Mais il s'intéresse encore aux délices du managementum à la gauloise, et en particulier à son financement. [posts]

MATHIEU : Initié à l'économie du côté de Strasbourg, Mathieu a vite quitté le pays du Gewürztramine pour rejoindre les économistes de la capitale. Ses travaux actuels ont pout but de comprendre pourquoi certains écoliers français éprouvent des difficultés à assimiler les pourtant très digestes programmes du Mammouth. [posts]

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